Manifeste pour une citoyenneté de la diversité

La Belgique, comme bon nombre de pays européens, souffre d’un mal profond, le communautarisme. Qu’il soit ethnique ou religieux, ses répercussions sont largement connues et documentées. Terreau fertile du délitement du lien social, force est de constater que le « réflexe » du repli identitaire gagne, de plus en plus de terrain, sans que des solutions viables ne soient envisagées. C’est comme si nous n’avions pas encore pris collectivement la mesure de cet enjeu de société. Pourtant l’ensemble du corps social est éprouvé par les dérives communautaristes et le clientélisme de certains partis politiques. Surtout ces dernières années, avec la montée du fondamentalisme musulman, du racisme, de la xénophobie et de l’antisémitisme avec une percée des partis d’extrême droite et une interférence, néfaste et sans cesse grandissante, des États étrangers.

Lorsque la communauté nationale n’est vue qu’à travers une juxtaposition de communautés ethniques et religieuses, le citoyen devient l’otage de sa supposée communauté d’appartenance. Comment exercer son libre arbitre ? Que reste-t-il, alors, de la citoyenneté, seul moteur d’un vivre ensemble harmonieux ?

Comment ne pas être sensible à la solitude et à l’isolement de celles et ceux qui choisissent d’exercer leur libre arbitre, de rompre avec la norme imposée par l’assignation identitaire ?

Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, partageons, dans ce Manifeste, notre vision de la situation et proposons des mesures pour s’ouvrir à la diversité, promouvoir la citoyenneté et combattre le communautarisme ethnique et religieux. Nous sommes engagés depuis de nombreuses années dans la société civile et participons, activement, à l’amélioration de nos milieux de vie. Nous voulons en faire davantage. C’est pourquoi nous avons entrepris de mettre sur pied le Collectif Laïcité Yallah, le 12 novembre 2019. Ce dernier a été créé à l’initiative du Centre d’action laïque (CAL).

Notre collectif est non partisan. Nous envisageons notre action d’une façon indépendante des partis

politiques et des groupes de pression quels qu’ils soient. Nous sommes engagés à travailler avec d’autres associations et personnes qui poursuivent les mêmes objectifs. Nous lançons, donc, un large appel à la mobilisation à l’échelle européenne et invitons nos concitoyennes et concitoyens à faire entendre leurs voix.

LAÏCITÉ ET ÉDUCATION

  1. Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, qui jouissons d’une pleine autonomie de pensée si chère à l’exercice de la citoyenneté, réaffirmons avec force notre attachement à la laïcité, aux droits des femmes, à la protection des enfants et au respect de la diversité sexuelle. Il convient de préciser que la laïcité n’est pas une guerre contre les religions mais un principe humaniste de séparation des sphères politique et Principe qu’il s’agit d’introduire dans notre Constitution, de réhabiliter et reconsidérer avec la même exigence pour l’ensemble des citoyennes et des citoyens.
  1. Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, sommes attachés à la raison, à la pensée critique, à la science et aux connaissances. Nous valorisons l’éducation et la culture. C’est pourquoi nous proposons que le cours de Philosophie et de citoyenneté devienne un cours obligatoire et ce pour une durée de deux heures par semaine dans l’enseignement obligatoire. L’école doit préparer les élèves à distinguer entre ce qui relève de la croyance et ce qui est de l’ordre de la connaissance. Ce qui peut avoir valeur d’universel et ce qui peut être lié à la particularité d’un individu.
  2. Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, considérons que le recrutement ainsi que la formation des imams et des enseignants de religion musulmane doivent répondre à des exigences de respect des droits humains. Toutes références aux versets coraniques appelant à la violence, à la mise à mort des homosexuels, des apostats et des juifs doivent être abandonnées dans le cadre d’un enseignement ou d’un prêche, si tel n’est pas déjà le cas. D’ailleurs, nous suggérons l’élaboration d’une Charte qui établit, clairement, la responsabilité de l’enseignant et de l’imam à ne pas exposer leurs publics à une quelconque littérature haineuse ou violente fut-elle religieuse. Cette Charte peut également comprendre un volet consacré à la propagande haineuse qui circule en toute impunité dans les librairies  »religieuses » ainsi que dans les

SORTIR DE L’ASSIGNATION IDENTITAIRE

  1. Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, mettons en avant notre citoyenneté, refusons d’être réduits à une simple composante de notre identité complexe et rejetons avec force l’assignation identitaire dans laquelle nous enferment les tenants de l’islam politique, les faiseurs d’opinion et les décideurs, par paresse, ignorance, simple conformisme ou calculs.
  2. Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, constatons avec regret que nos voix sont inaudibles dans le débat public. Car, trop souvent, les citoyens de tradition musulmane sont définis exclusivement par leur religion, réelle ou supposée. Plutôt, une interprétation rigoriste de cette dernière. Or, il y a autant de façons de vivre l’islam qu’il y a de musulmans.
  3. Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, déplorons la « chasse aux voix » de certains partis politiques et dénonçons cette tentative d’enfermer la diversité des communautés musulmanes plurielles et hétérogènes, traversées par différents courants de pensée, dans un seul et unique référent d’ordre religieux qui constitue une grave atteinte à notre liberté de conscience et d’expression.

LIBERTÉ D’EXPRESSION, UNIVERSALITÉ DES DROITS HUMAINS

  1. Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, sommes convaincus que la libre expression des idées est nécessaire. Il faut, cependant, distinguer deux choses : d’un côté, la critique des religions protégée par la loi (y compris acerbe et virulente) et, de l’autre, l’incitation à la haine et à la discrimination à l’endroit des personnes sur une base religieuse, sanctionnée par la loi. Par conséquent, critiquer des dogmes ou des pratiques religieuses réelles ou supposées ne devrait pas conduire à l’insécurité ou l’intimidation.
  1. Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, sommes inquiets face au voilement des enfants devenu une réalité dans plusieurs villes. Des fillettes de plus en plus jeunes sont prisonnières de cet De sérieuses mesures doivent être prises, à l’échelle européenne, pour protéger les enfants de tout endoctrinement religieux. Mais ce n’est pas tout.
  2. Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, observons une grave dérive. Ces dernières années, « la femme voilée » s’est substituée à « la femme musulmane », légitimant ainsi une interprétation rigoriste et politisée du Coran telle que défendue par les fondamentalistes. Si bien que le simple fait de contester le port du voile islamique dans l’enseignement, le milieu de travail ou aux parlements, est désormais associé à un acte raciste. Nous considérons ce glissement comme une tentative de museler le débat démocratique. Qu’en est-il des femmes non voilées ? Que dire de la pression sociale exercée sur elles ?

LIBERTÉ D’EXPRESSION, UNIVERSALITÉ DES DROITS HUMAINS

  1. Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, rappelons de simples évidences : l’islam n’est pas une « race » mais une religion pratiquée par des millions de personnes. Il y a des musulmans arabes, berbères, iraniens, chinois, russes, européens, ouzbeks, maliens, soudanais, indonésiens etc., et chacun pratique un islam en fonction de sa compréhension, de ses traditions, de sa culture et de son environnement institutionnel ; toutes les musulmanes ne portent pas le voile ; tous les musulmans ne sont pas favorables au Nous connaissons le phénomène du voilement de « l’intérieur » et plusieurs parmi nous ont été témoin dans leurs pays d’origine de sa fulgurante ascension depuis l’avènement de la République islamique iraniennes en 1979 et l’exportation du wahhabisme.
  2. Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, combattons les courants de pensée qui enferment les musulmans dans un statut de victime, réhabilitent les « races » – alors qu’il n’existe, à nos yeux, qu’une seule race : la race humaine–, dénigrent l’universalisme des Lumières et s’attardent sur nos différences faisant fi de ce que nous avons en commun : notre humanité.
  3. Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, exprimons notre entière solidarité à l’ensemble des personnes qui se battent courageusement dans le monde contre les mouvements et les régimes autoritaires ou absolutistes faisant de l’islam une religion d’État. Et nous appelons les États européens et leurs sociétés civiles à manifester une plus grande considération vis-à- vis de leur engagement et les soutenir dans leurs

MEMBRES FONDATEURS DU COLLECTIF ET SIGNATAIRES DU MANIFESTE

Malika Akhdim, militante féministe et laïque ; Radouane El Baroudi, cameraman ; Djemila Benhabib, politologue et écrivaine ; Hamid Benichou, militant associatif ; Soade Cherifi, enseignante et coach ; Yeter Celili, militante féministe et laïque ; Bahareh Dibadj, psychologue ; Hassan Jarfi, président de la fondation Ihsane Jarfi ; Fadila Maaroufi, anthropologue et éducatrice de rue ; Kaoukab Omani, éducatrice ; Abdel Serghini, réviseur d’entreprises ; Jamila Si M’hammed, psychiatre ; Sam Touzani, artiste-citoyen.

 

Enseignement et pauvreté

Les chiffres de la pauvreté font froid dans le dos : à Bruxelles, ce sont 4 enfants sur 10 qui vivent sous le seuil de la pauvreté et ce sont un quart de ces enfants qui vivent dans un ménage sans revenu du travail. Le nombre d’enfants touchés par la pauvreté ne cesse d’augmenter. Une triste nouvelle mais les choses ne s’arrêtent pas là. Cette pauvreté risque très fort de conditionner leur vie future : être un enfant pauvre conditionne les chances de réussite à l’école, la possibilité de trouver un emploi stable et va jusqu’à réduire l’espérance de vie. Une boucle de répétition à l’identique qui fait qu’un enfant issu d’un ménage précaire aura plus de chances de connaître la précarité à l’âge adulte.

Et l’école dans tout cela ? Elle est souvent présentée comme un vecteur d’émancipation sociale. Elle a un rôle important à jouer dans la lutte contre les inégalités et pour l’émancipation de chaque élève. Mais est-ce vraiment le cas?

Education et pauvreté : quels liens ?

Les enfants qui vivent dans la pauvreté présentent un risque plus important de connaître une scolarité difficile. Le fait d’avoir quitté l’école sans diplôme augmente considérablement le risque de pauvreté à l’âge adulte puisque ces personnes ont généralement plus de difficultés à trouver un emploi et celui qu’ils trouvent est souvent faiblement rémunéré et plus fréquemment instable.

Les familles précaires et l’école

Les relations entre les familles précarisées et l’école sont souvent insuffisantes et déficientes. La communication passe mal parce que l’information est souvent écrite et formulée de façon trop complexe.

Le redoublement

Les systèmes d’enseignement francophone et flamand de Belgique sont parmi les plus inégalitaires d’Europe : « La Flandre est même devenue le champion international de l’inégalité, quel que soit l’indice considéré ». [1]

Les enquêtes PISA montrent qu’à l’âge de 15 ans, « les performances des élèves belges sont deux fois plus déterminées par leur origine sociale qu’en Norvège. Et les écarts de performances entre élèves riches et pauvres sont également 60 à 80% plus élevés chez nous. ».[2]

Par exemple, Saint- Josse est la commune la plus pauvre de Belgique et c’est là aussi qu’on retrouve le plus grand taux de retard scolaire : 38% des élèves du secondaire sont en retard scolaire de deux ans ou plus. Alors qu’une commune riche comme Woluwe-Saint-Pierre enregistre le pourcentage de retard scolaire le plus bas pour l’ensemble des élèves du secondaire, seulement 11 %. [3] Mais ce retard scolaire (minimum 2 ans de retard) se marque dès le premier cycle du secondaire : cela varie de 5 % à Woluwe-Saint-Pierre à 16 % à Saint-Josse-ten-Noode pour l’année scolaire 2016-2017.

Comment expliquer un tel décalage ? Par une différence d’intelligence ?  Si les riches sont riches c’est surtout parce qu’ils sont plus malins ? Une idée d’un autre temps qui n’a plus de place aujourd’hui ? En Belgique, Wim Van den Broeck professeur à la VUB défend cette théorie : « les inégalités sociales à l’école sont inévitables parce qu’elles reflètent, au moins pour une part importante, des inégalités d’intelligence. Si les riches sont riches c’est surtout parce qu’ils sont plus malins »[4] et de conclure « Le fait que les différences socio-économiques soient dues en partie à des différences d’intelligence d’origine essentiellement génétique explique pourquoi il n’existe aucun pays au monde où l’enseignement ne présente aucune inégalité sociale, comme il ressort de l’étude PISA ».  [5]

Pour d’autres, ce décalage s’explique par le fait que l’école n’adapte pas le rapport au savoir des classes populaires, les enfants ne se sentent pas bien à l’école.  Il faut leur proposer des apprentissages de manière différente mais les enseignants intègrent difficilement cette nécessité parce qu’ils sont souvent trop éloignés de ce milieu socio-économique plus faible. Certains enseignants font des formations pour se confronter à ce monde différent, pour changer leur manière d’enseigner mais cela dépend de leur bonne volonté individuelle et n’est en aucun une obligation et ne fait pas partie de leur formation de base.

Les écoles ghettos

A Bruxelles, un élève sur cinq est scolarisé dans une école-ghetto très pauvre et seul un tiers des élèves vont dans des écoles réellement mixtes, « c’est-à-dire dont l’indice socio-économique moyen est proche de l’ISE moyen bruxellois ».[6] Quelles actions peut-on mener pour voir disparaître les écoles ghettos ? Chaque parent en pensant individuellement au bien-être de son enfant porte une petite part de la responsabilité dans le maintien des écoles « poubelles » en choisissant une école plutôt qu’une autre pour assurer un meilleur avenir. Seuls les parents qui ne perçoivent pas l’importance du choix d’une « bonne école » voient leurs enfants regroupés dans les moins bonnes voire les plus mauvaises.  Il y a bien sûr quantité d’autres raisons mais une étude de Nico Hirtt montre qu’il serait possible de réduire le nombre d’école ghettos : « Si chaque enfant se voyait attribuer une école dès l’inscription dans l’enseignement fondamental, la ségrégation scolaire serait éradiquée ».[7] Chaque enfant se verrait attribuer une école proche de chez lui et réellement mixte. Nico Hirtt insiste sur la possibilité de ne pas accepter l’école proposée et de se mettre alors en quête d’une autre école de son propre chef. Cela permettrait de rapprocher les enfants de leur logement et de réduire quasiment à néant les écoles ghettos.

Risque-t-on de se retrouver avec des écoles ghettos dans des quartiers ghettos ? Selon Nico Hirtt, selon l’étude qu’il a réalisé pour Bruxelles et qui est pourtant une ville avec des quartiers très polarisés socialement parlant, on arrive à créer la mixité dans la majorité des cas : «  ( …) actuellement un élève bruxellois sur cinq est scolarisé dans une école-ghetto très pauvre, il ne resterait plus aucune école de ce type après la mise en œuvre de la proposition de l’Aped. Inversement, seul un tiers des élèves sont actuellement scolarisés dans des écoles réellement mixtes, c’est-à-dire dont l’indice socio-économique moyen est proche de l’ISE moyen bruxellois. Mais au terme de notre simulation, nous sommes parvenus à faire en sorte que 94% des élèves soient dans de telles écoles ».[8] La réponse est donc clairement non, il est tout à fait possible de faire rimer mixité et proximité.

Pauvreté et filières d’enseignement

Le système même de l’organisation scolaire mène à des inégalités. « De manière générale, les pays qui ont les troncs communs les plus courts (6 ans et moins), sont plus inégalitaires du point de vue scolaire que les pays dont le tronc commun est plus long, 9,33 années en moyenne ».[9]Il semble que les pays qui ont des filières à partir de 14 ans ne font pas partie des pays les plus égalitaires.

La sélection au sein même des écoles

Sans parler de relégation dans une filière en particulier, « les inégalités entre les élèves peuvent dépendre du niveau de ségrégation sociale et scolaire des établissements. La manière dont on regroupe les élèves est susceptible de jouer un rôle décisif dans leurs acquisitions et dans la formation des inégalités ». [10]

Certaines écoles secondaires créent un vrai système de ségrégation au sein de leur établissement en répartissant les élèves selon leur école d’origine par exemple. Si une école secondaire accueille des élèves issus de différentes écoles primaires et que les niveaux de celles-ci sont très disparates, certains directeurs font le choix de rassembler les meilleurs et de laisser les plus faibles entre eux. On  observe que, la plupart du temps, les élèves les plus faibles sont issus de quartiers défavorisés.

L’objectif officiel ? Créer des classes les plus homogènes pour apporter à tous les élèves les soins nécessaires. L’objectif caché ? Dans certaines écoles, il est de garder une élite quitte à sacrifier les élèves en plus grandes difficultés.

 

 

Pauvreté et enseignement spécialisé

Depuis 1997, l’objectif que s’est fixé le système scolaire belge est d’être une école de la réussite pour tous, quel que soit le milieu socio-économique de l’élève. [11]

Des élèves pauvres sont plus nombreux dans l’enseignement dit spécialisé. En effet, le taux d’envoi vers celui-ci est 3,5 fois plus élevé dans les écoles les plus défavorisées que dans les écoles les plus favorisées. Il n’y a cependant aucune raison objective à ce  que des enfants issus d’un milieu socio-économique plus faible y soient plus nombreux. Pauvreté, ne devrait pas rimer avec handicap.

Il n’est pas rare que des enfants qui présentent de grands retards soient « abandonnés » ; « l’école garde l’inscription, les laisse passer de classe ou les fait redoubler, mais ne s’en occupe pas ». Pour les enfants qui n’ont pas appris à lire avant 8-9 ans (pour toutes sortes de raisons : retards, échec, absentéisme, immigration) la situation devient encore plus complexe puisque rien n’est mis en place pour eux dans l’enseignement ordinaire. Ils sont alors très nombreux à être envoyés dans un établissement enseignement spécialisé, alors que beaucoup ne souffrent d’aucun handicap.[12]

Riche ou pauvre : un avenir différent ?

La proportion de jeunes entre 18 et 24 ans qui ont au maximum un diplôme de l’enseignement secondaire inférieur et qui ne suivent pas d’enseignement ni de formation est important. En 2017, cela concernait près d’un jeune Bruxellois sur sept. [13]

La faute aux enseignants ?

Les enseignants connaissent peu la vie de ces familles et les jugent souvent négativement, à partir de leur propre expérience et de leurs représentations : les enfants mal habillés, n’ayant pas leur matériel, parfois leur repas, sont rapidement considérés comme « négligés » ; les parents ne payant pas les frais, ne se présentant pas aux réunions, comme se désintéressant de la scolarité, voire de leurs enfants…[14]

Les enseignants jouent sans le vouloir le jeu du système malgré eux puisque c’est le seul moyen de fonctionner qu’ils connaissent. La plupart sont de bons élèves issus de la classe moyenne.  Leur formation ne les a généralement pas mis en situation de comprendre et d’intégrer le mode de fonctionnement des populations défavorisées.

Les professeurs font de leur mieux et mettent souvent, de leur propre initiative, beaucoup de processus en place pour amener tous leurs élèves à la réussite.

Malheureusement, il peut arriver que certains élèves se sentent  tellement humiliés par des remarques et des menaces répétées lorsqu’il leur manque du matériel ou qu’ils  ne paient pas les frais demandés, qu’ils préfèrent quitter l’école. On se trouve alors devant le phénomène du décrochage scolaire.

Le « corona virus » créateur d’inégalités scolaires ?

Dès l’annonce de la possible fermeture des écoles pour endiguer le virus, de nombreux établissements ont cherché des solutions pour permettre aux élèves de suivre à domicile, une forme de scolarité. Une bonne idée ? Certainement pour créer un fossé encore plus important entre les élèves issus d’un milieu socio-culturel faible et ceux d’un milieu plus élevé.

Pourquoi ?

D’abord parce que beaucoup de professeurs sont partis du principe que tous les enfants disposent à domicile d’un ordinateur et d’une connexion internet or, ce qui n’est pas forcément le cas pour les enfants précarisés.

Ensuite, tous les enfants ne seront pas dans les mêmes conditions pour effectuer ce travail. Certains d’entre eux seront accompagnés soit par des parents voire par des professeurs particuliers qui les pousseront à l’excellence. Ces élèves disposeront d’un espace calme et seront stimulés, rythmés. Pour d’autres, les choses seront plus compliquées. Certains parents ne sont pas à même d’accompagner les enfants dans leur travail à domicile, soit par manque de temps soit de capacité. De plus, vivant parfois dans des logements exigus, il est difficile à l’enfant de s’isoler au calme pour réaliser son travail.

C’est pourquoi, certaines écoles ont donc choisi de ne pas donner de travail pour ne pas créer une plus grande injustice. D’autres par contre ont pris la décision d’imprimer les dossiers que les parents peuvent récupérer à l’école.

Les sources des inégalités scolaires sont multiples. La première d’entre elles est liée au fait que les sociétés sont hiérarchisées et stratifiées et que l’école est souvent à son image. Les élèves sont issus des milieux familiaux très différents.  Chaque enfant arrive ainsi à l’école, porteur « d’une inégale maîtrise des fondamentaux attendus par l’école ». [15]

Une fatalité ?

Bien sûr que non !  Quelques mesures simples pourraient changer les choses.

Les enseignants devraient être formés « à la prise en compte dans leur pédagogie des inégalités culturelles, pas pour « rabaisser le niveau » mais pour cesser l’hypocrisie du «  tous pareils  », les former à ne pas être indifférents aux différences ». [16]

Il est impératif de mettre en place des mesures compensatoires aux inégalités de richesse et d’intelligence en promouvant dans l’enseignement certains traits de personnalité comme la persévérence, la méticulosité et l’autodiscipline qui sont aussi des facteurs de réussite scolaire.

Pour changer les choses ?

Il appartient à chacun de prendre sa part du travail. Il faut une réelle réforme de l’institution scolaire et une prise de conscience collective tant du monde politique, des enseignants que des parents. Pour le gouvernement, cela passe par la prise d’importantes mesures qui ne plaisent pas toujours à l’électorat, pour les enseignants, par la formation et pour les parents, cela reviendra à renoncer à une totale liberté de choix pour avoir enfin une école de qualité pour tous.

Marie Béclard
FAML

[1]                 Informations consultées le 12 janvier 2020 sur le site http://www.skolo.org/2019/12/09/inegalites-segregations-marche-scolaire-petites-lecons-de-pisa-2018/

[2]                 Informations consultées le 10 janvier 2020 sur le site https://www.ccc-ggc.brussels/sites/default/files/documents/graphics/rapport-pauvrete/barometre_social_2018.pdf

[3]                 Informations consultées le 10 janvier 2020 sur le site https://www.ccc-ggc.brussels/sites/default/files/documents/graphics/rapport-pauvrete/barometre_social_2018.pdf

[4]                 N. HIRTT, Les négationnistes de l’inégalité Offensive idéologique en Flandre contre l’équité dans l’enseignement, Montreal, le 25 mars 2014 consulté le 12 mars 2020 sur le site http://www.skolo.org/CM/wp-content/uploads/2014/04/van_den_broeck_f_.pdf

[5]                 N. HIRTT, Zéro-école ghetto article consulté le 12 mars 2020 sur le site http://www.ieb.be/spip.php?page=impression&id_article=30681

[6]                 N. HIRTT, Zéro-école ghetto article consulté le 12 mars 2020 sur le site http://www.ieb.be/spip.php?page=impression&id_article=30681

[7]                N. HIRTT, Zéro école-ghetto http://www.ieb.be/spip.php?page=impression&id_article=30681

[8] N. HIRTT, Zéro école-ghetto http://www.ieb.be/spip.php?page=impression&id_article=30681

[9]                F. DUBET, M. DURU-BELLAT, A. VERETOUT, Les inégalités scolaires entre l’amont et l’aval. Organisation scolaire et emprise des diplômes dans Sociologie 2010/2, Vol.1, p.187.

[10]             F. DUBET, M. DURU-BELLAT, A. VERETOUT, Les inégalités scolaires entre l’amont et l’aval. Organisation scolaire et emprise des diplômes dans Sociologie 2010/2, Vol.1, p.188.

[11]              Décret Missions de 1997 

[12]              D. VISEE-EPORCQ, Grande pauvreté et droits de l’enfant les enfants pauvres et leurs familles, des droits fondamentaux en friche…Les principes du droit à l’éducation : Lutter contre l’absentéisme et l’abandon scolaires. Décrochage scolaire et pauvreté.  Information consultées le 12 janviers 2020 sur le site https://www.atd-quartmonde.be/IMG/pdf/2010_AN14_VD_0823.pdfs, p.12.

[13]              Informations consultées le 12 janvier 2020 sur le site https://www.ccc-ggc.brussels/sites/default/files/documents/graphics/rapport-pauvrete/barometre_social_2018.pdf

[14]              D. VISEE-EPORCQ, Grande pauvreté et droits de l’enfant les enfants pauvres et leurs familles, des droits fondamentaux en friche…Les principes du droit à l’éducation : Lutter contre l’absentéisme et l’abandon scolaires. Décrochage scolaire et pauvreté.  Information consultées le 12 janviers 2020 sur le site https://www.atd-quartmonde.be/IMG/pdf/2010_AN14_VD_0823.pdfs, p.11.

[15]             G. FELOUZIS, Comment se construisent les inégalités scolaires ? Dans Les inégalités scolaires,2014, p. 68.

[16]             Trois mesures pour lutter contre les inégalités  http://www.cahiers-pedagogiques.com/Trois-mesures-pour-lutter-contre-les-inegalites

Bénévolat et précarité

Vous avez un peu de temps, envie de vous rendre utile dans une école de devoir, un club sportif, une ONG, …  en leur apportant vos compétences ?

Vous voulez devenir bénévole ou volontaire ? Existe-t-il une différence entre ces deux statuts ?

S’il est généralement perçu positivement, le bénévolat est-il exempt de certaines dérives ?

En Belgique, 10 à 14% de la population sont impliqués dans des activités de volontariat. Ce qui représenterait un chiffre entre 1 million et 1,8 million de personnes en 2018. Mais ces chiffres varient très fort d’une étude à l’autre car il n’existe aucun registre centralisé des bénévoles. Les résultats varient selon les méthodes utilisées pour la réalisation du comptage.

Le terme bénévolat vient du latin bene valeus qui signifie « qui veut bien ».

Le volontariat peut être défini selon les critères suivants : il s’agit d’une activité qui ne vise pas la récompense financière ; elle n’est donc pas rémunérée. Le volontariat est le fruit d’un libre choix et il bénéficie à une tierce personne qui ne fait pas partie de la famille ou du cercle d’amis. Il est ouvert à tous : on observe du bénévolat dans presque toutes les catégories sociales. [1]

Le bénévolat joue un rôle important dans notre société. En plus de tout ce qu’il apporte à l’association qu’il aide, le volontaire peut y trouver certains avantages : des contacts sociaux, l’acquisition de connaissances et de compétences professionnelles, ou encore de l’estime de soi. Mais le bénévole apporte lui aussi des compétences à l’association.

Si l’on veut mettre en évidence le poids réel que représente le travail non rémunéré dans l’économie, il est nécessaire de le quantifier en termes de nombre de personnes concernées, de volume horaire ou encore d’équivalents temps plein. Une telle mesure n’est toutefois pas aisée à effectuer.

Il est une réelle force de travail, qui permet de rendre des services utiles à la collectivité en offrant son aide à des associations dans des domaines divers comme l’action sociale, la santé, l’éducation, le sport ou encore la culture.[2]

Les actions menées par des citoyens pour lutter contre la pauvreté sont nombreuses.

Les frigos solidaires

Vous entendez parler de frigo solidaire, ouvert, partagé, collectif, communautaire, urbain, de rue, public… Toutes ces dénominations sont en réalité des synonymes et le choix revient au porteur de projet. Pour la petite histoire, les premiers frigos solidaires émergent en Allemagne et en Espagne en 2012. L’initiative s’installe en Angleterre, en Inde ou encore la Nouvelle-Zélande. En Belgique, le premier frigo solidaire a vu le jour en 2014 à Bruxelles et on en trouve aujourd’hui sept dans la capitale mais également un peu partout en Belgique.

Le frigo solidaire est un réfrigérateur proposé en libre-service et accessible depuis un espace public. Dans d’autres cas, il est à l’intérieur d’une association, d’un garage transformé en chambre froide ouverte et au public pendant des permanences. Les bénévoles accueillent alors ceux qui viennent faire des dons et ceux qui souhaitent se servir. Chacune des options présente des avantages : ouverture plus large et anonymat pour la première version, plus de contacts humains dans la deuxième.

Il est rempli par des citoyens, souvent des voisins, des associations, des restaurateurs ou encore des commerçants. Et chacun peut venir s’y servir à la seule condition de s’engager à consommer ce qui a été pris et de penser dans la mesure du possible aux autres bénéficiaires pour que chacun puisse bénéficier du service.

On y place des produits frais, des dons d’invendus et des produits dont la date de consommation est limite. On peut parfois lire que les produits cuisinés par des particuliers ne sont pas autorisés mais l’AFSCA l’autorise quand le frigo est une initiative citoyenne et s’engage à ne pas faire de contrôles dans ce genre d’initiative en partant du principe que « Les personnes qui déposent des produits alimentaires dans un frigo partagé sont considérées comme des personnes responsables et prudentes. Lorsque ce frigo partagé est une initiative privée, l’agence alimentaire est très flexible ; l’initiative ne devra pas être enregistrée auprès de l’Agence, ni avoir une autorisation spécifique[3] ». Lorsqu’il y a plainte, l’AFSCA vérifiera quelques points et rappellera les conditions nécessaires d’hygiène. Par contre, lorsque le frigo est tenu par une banque alimentaire, les règles ressemblent beaucoup plus à celles mises en place dans la restauration classique mais là aussi l’AFSCA se veut conciliante et flexible.   Afin d’éviter que l’offre de banques alimentaires et d’organisations caritatives ne diminue en raison d’obligations administratives, l’AFSCA est très flexible. Par exemple, des directives adaptées ont été élaborées, en particulier pour les organisations caritatives, afin qu’elles puissent distribuer des denrées alimentaires de manière sûre et avec le moins de gaspillage possible. [4]

Les frigos solidaires une réponse à une double problématique

Les frigos répondent à un double besoin actuel à savoir aider des personnes dans la précarité mais aussi lutter contre le gaspillage alimentaire. Deux problèmes importants chez nous.  La Belgique occupe la triste place de deuxième pays européen le plus gaspilleur. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), chaque année c’est environ 1,3 milliard de tonnes d’aliments qui sont jetés durant les différentes étapes de la chaîne de production. En Belgique, sur toute la filière alimentaire, ce sont 345 kilogrammes par habitant qui sont perdus. Des chiffres qui donnent le vertige et se partagent entre les ménages belges, l’industrie agroalimentaire, les commerces, la grande distribution, la vente au détail ainsi que la restauration.

En Belgique, les chiffres exacts sont difficiles à obtenir mais la Fédération des Services Sociaux estime que 450 000 personnes bénéficient d’une certaine forme d’aide alimentaire chaque année. [5] Les frigos solidaires représentent donc une solution à ces deux problématiques. Même si ce type d’actions ne permettra ni de réduire à zéro le gaspillage alimentaire, ni la faim en Belgique mais s’inscrivent totalement dans cette double démarche de réduction du gaspillage alimentaire et de lutte contre la faim. On ne peut que saluer ces initiatives individuelles qui tentent de pallier le manque d’ambition des décideurs.

En 2017, à Schaerbeek, le free go a permis de sauver 32 tonnes de nourriture.

A qui sont destinés les frigos ?

Si le projet vise essentiellement les sans-abris mais pas seulement, ils sont cependant ouverts à tous mais puisque l’objectif est bien d’offrir une aide quotidienne qui “permette aux personnes d’assumer d’autres types de frais, comme des factures médicales, des activités extrascolaires, etc. d’aider des personnes dans le besoin mais qui n’osent pas ou ne veulent pas demander les aides auxquelles elles ont droit. Ce sont donc aussi bien des étudiants que des pensionnés ou encore des travailleurs en difficulté. Qu’importe l’endroit où est installé le frigo, on s’aperçoit qu’il y a souvent de la misère cachée, même dans les quartiers les plus aisés, on trouve par exemple des personnes âgées qui ont du mal à joindre les deux bouts.[6]

Chaque type de bénéficiaire va avoir ses préférences : un étudiant va généralement préférer des produits simples à cuisiner en petite portion alors qu’une famille aura besoin de plus grandes portions, de viande et de légumes. Chaque type de dons pourra donc trouver acquéreur.

Et les voisins dans tout cela ?

Nous l’avons dit, une partie des dons proviennent des voisins. Cependant, la création d’un frigo solidaire ne plait pas toujours à tout le monde. En effet, dans certains quartiers les riverains craignent que ceux-ci attirent des personnes en grande précarité et que cela cause des soucis : vols, déchets, bruit. Les associations qui mettent en place ce type de projets doivent donc porter un soin important à la sensibilisation des riverains

 

 

Des douches pour les sans –abris ou personnes en grande précarité

Si manger est une première nécessité, le manque d’hygiène pose aussi un problème aux personnes vivant dans la rue. Leur permettre de prendre une douche va leur « permettre de retrouver la dignité en commençant par la (ré)appropriation du corps ».[7]

Pour permettre aux personnes sans-abris de pouvoir avoir accès à l’hygiène, certaines associations proposent un accès à des sanitaires. Ils peuvent ainsi prendre une douche ou utiliser des toilettes, dans certains cas utiliser des machines pour laver leur linge.

L’association Rolling douche a créé un service d’hygiène mobile. Ils utilisent pour cela un motor-home spécialement équipé de sanitaires. Chacun pourra y prendre une douche, gratuite, sans inscription, sans liste d’attente. Le projet a pour but d’aller vers les personnes qui en ont besoin et de ne pas limiter leur accès pour qu’un maximum de personnes puisse en être bénéficiaire.

Que les douches soient mobiles ou fixes, le rôle des bénévoles ne se limite pas à proposer à ces personnes en grande difficulté un service mais aussi d’offrir une écoute et parfois des aides ponctuelles comme remplir des papiers pour avoir accès à l’aide sociale, …

Les dérives du volontariat

Si la plupart des personnes se lancent dans le bénévolat sans rien attendre d’autres en ont fait un véritable commerce.

Le volontourisme

Il s’agit de la contraction entre les mots tourisme et volontariat. Le volontouriste est le terme donné aux voyageurs qui profitent de leur séjour pour enseigner, participer à un projet environnemental, de construction. Le projet propose ainsi « de contribuer à construire des infrastructures vitales pour les communautés défavorisées », ou encore d’aider à l’émancipation des femmes. Les destinations proposées sont nombreuses : du Cambodge au Sénégal en passant par les îles Fidji.

Les différentes associations qui proposent du volontourisme, s’occupent de gérer les détails logistiques pour que le voyageur puisse se concentrer sur son expérience, tout cela, en échange de quelques milliers d’euros.

Ces voyages sont–ils vraiment au service des populations ? Selon une organisation : « A première vue, il est parfois difficile de mesurer la différence que peut faire un volontaire en quelques semaines. Mais quand des milliers de personnes accordent un peu de leur temps à des objectifs communs, elles peuvent accomplir de grandes choses ». Un avis que ne partagent pas les ONG. Le volontourisme est présenté comme une sorte de mythe de l’Homme blanc qui veut sauver les pauvres petits étrangers.

De nombreux touristes veulent désormais voyager autrement, se rendre utiles auprès de populations pauvres. Pour cela, certains sont prêts à payer des fortunes pour partir faire du volontariat. Des agences de voyage et d’autres organismes à but lucratif proposent de nombreuses formules pour aider des enfants, faire fonctionner un dispensaire, pour enseigner. Un voyage qui a un coût par exemple : « deux semaines en Afrique du Sud au prix de 2200€ sans le billet d’avion et où une infime partie de la somme seulement sera finalement reversée aux projets de développement ou aux populations locales ».[8]

On met souvent en avant l’inutilité des volontaires et des projets qui sont mis en place par les organismes de volontourisme. Certains prétendent même que pour entretenir les projets : « On observe ainsi l’ouverture massive d’orphelinats en Asie, remplis avec des enfants arrachés à leurs parents pour satisfaire les envies d’humanitaire des touristes ».[9] Ces projets pourraient alors être responsables de la séparation d’enfant et de parents dans le seul objectif de faire de l’argent. Beaucoup se lancent, sans préparation, dans des projets dits humanitaires dans le seul but de se donner bonne conscience.

Les ONG demandent avec insistance aux voyageurs de laisser agir les professionnels en matière d’humanitaire.

Se rendre utile, aider son prochain, apporter sa pierre à l’édifice pour réduire l’impact de la pauvreté est certes très louable. Mais il est important de chercher à s’associer à des personnes dont c’est le métier.

Aider oui mais pas en tirer profit pour satisfaire son ego et chercher à se valoriser sur les réseaux sociaux, aider sans propager des stéréotypes sur la pauvreté.

Chaque citoyen peut bien évidemment jouer un rôle important dans la lutte contre la pauvreté mais certainement pas n’importe comment.

Avant de se lancer dans du bénévolat, il convient de s’assurer qu’il s’agit bien de répondre à un réel besoin et non de le créer pour satisfaire une envie purement égoïste. Il est tout aussi important de s’en référer à des vrais professionnels et non à des personnes motivées par un intérêt purement financier.

Marie Béclard
FAML

[1]               Le volontariat en Belgique. Chiffres-clés. Informations  consultées sur le site https://www.kbs-frb.be/fr/Virtual-Library/2015/20151019DS

[2]                 Informations consultées le 12 décembre 2019 sur le site https://www.kbs-frb.be/fr/Virtual-Library/2015/20151019DS

[3]                 Informations consultées le 15 janvier 2020 sur le site http://www.afsca.be/consommateurs/viepratique/autres/frigoscommunautaires/

[4]                 http://www.afsca.be/consommateurs/viepratique/autres/frigoscommunautaires/

[5]                 Informations consultées sur Comment créer et gérer un frigo solidaire en Région de Bruxelles-Capitale ? à la page 5 sur le site https://www.goodfood.brussels/sites/default/files/be_cool_guide_24-05-19_0.pdf

[6]                 Informations consultées sur Comment créer et gérer un frigo solidaire en Région de Bruxelles-Capitale ? à la page 5 sur le site https://www.goodfood.brussels/sites/default/files/be_cool_guide_24-05-19_0.pdf

[7]                 Informations consultées le 12 février 2020 sur le site http://doucheflux.be/notre-action/services/douches/

[8]                 Informations consultées le 12 mars 2020 sur le site https://tour-monde.fr/les-bons-et-les-mauvais-cotes-du-volontariat-et-volontourisme/

[9]                 Informations consultées le 12 mars 2020 sur le site https://www.carenews.com/fr/news/8344-lu-tourisme-humanitaire-les-ong-s-inquietent

Pour un humanisme universel

Rencontre avec Jean-Michel Quillardet, fondateur de l’Observatoire International de la Laïcité Contre les Dérives Communautaires,  ancien membre de la Commission Nationale (française) Consultative des Droits de l’Homme, initiateur de la rédaction de la Charte de la Laïcité dans l’École de la République Française, auteur de Pour un humanisme universel.

« Aujourd’hui, je pense qu’il y a une universalité d’un corpus de valeurs qui nous viennent des Lumières et avec lesquelles l’homme ne peut ni négocier ni transiger. La liberté de conscience, les droits de l’homme, le droit à la dignité pour tous, la liberté d’expression, la liberté de manifestation, la démocratie peuvent être partagés par toutes les cultures du monde. »

Ainsi s’exprime Jean-Michel Quillardet dans son nouvel essai Pour un humanisme universel paru chez Dervy, auteur, avocat, ancien Grand Maître du Grand Orient de France, rencontré à la librairie bruxelloise Abao : « Il y a lieu d’expliquer ce qu’est une vision humaniste universelle, parce qu’elle contient des valeurs pouvant être acceptées par tous. Cela participe à un combat mené contre le populisme. Il y a des rappels à faire face à l’obscurantisme, à l’intégrisme, à l’antimaçonnisme… », précisa-t-il.

À la question de savoir si l’humanisme est une croyance au même titre que la religion, Jean-Michel Quillardet répond : « C’est à la fois une croyance et une réalité, il faut essayer que l’Amour règne dans la Société. En effet, compte tenu de la renaissance du communautarisme, de ne pas s’ouvrir aux autres, il faut enseigner la laïcité. C’est un principe trop peu connu. Être laïque n’est pas être contre une religion, mais c’est la séparation de l’Église et de l’État[1], l’application du multiculturalisme, car aucune identité n’est supérieure à une autre. Il faut expliquer, dès l’école primaire, ce qu’est la Charte de la Laïcité, dont je suis à l’origine, et ne pas omettre que la démarche humaniste est un combat à mener au quotidien sur soi-même. »

En sept chapitres bien rythmés et illustrés de nombreux exemples, l’auteur aborde la nécessité de s’engager : « Il existe un esprit, une conscience, qui donne à l’homme une responsabilité particulière et qui l’oblige, pour reprendre le beau mot de Montaigne ‘‘à porter l’humaine condition’’, se remettre en question et choisir soi-même plus de force, plus de sagesse, plus de beauté. »

Des militants de l’humanisme

Comment définir l’humanisme ? Comment l’appliquer ? Jean-Michel Quillardet expose son point de vue : « L’humanisme, c’est préserver en l’homme son immense et incomparable dignité. C’est découvrir la nature profonde de l’être humain. L’énergie spirituelle qui fonde la nature humaine, est la raison elle-même. Le mouvement des Lumières est un idéal universel qui permet encore au XXIe siècle de donner un sens et un guide à l’humanité. Les Lumières constituent la révolution de l’esprit dont nous avons plus que besoin. Les Lumières, c’est la libre pensée, le libre examen, le refus de tout dogmatisme, elles constituent le projet humaniste avec lequel il ne peut être transigé. L’homme est au cœur de nos interrogations à partir du moment où nous nous considérons comme des militants de l’humanisme. C’est dans le sens de l’affirmation de la liberté et dans le combat contre tout déterminisme, qu’il soit considéré comme naturel ou comme culturel, que nous devons pousser nos efforts. »

Laïcité républicaine, Devoir de Mémoire et Justice humaine

« La laïcité est un progressisme » Jean-Michel Quillardet.

Trois concepts (Laïcité républicaine, Devoir de Mémoire et Justice humaine) bouclent cet essai qui devrait interpeller tout un chacun, mais plus particulièrement tous ceux qui, comme aux Amis de la Morale Laïque, à la rédaction de son magazine ML, défendent, plus que jamais, la laïcité : La laïcité, explique Jean-Michel Quillardet, c’est la liberté de penser, la liberté d’opinion, la liberté de croyance, la liberté de croire ou de ne pas croire, la liberté de conscience : « Les Églises et les religions sont ainsi restituées dans la sphère uniquement privée, dans laquelle le domaine public n’a pas à intervenir de quelque façon que ce soit, sauf pour faire respecter les grandes lois républicaines et en particulier la liberté de conscience. »

 

Hélas, ce principe n’est pas d’application dans tous les pays. Ainsi, les présidents des USA prêtent toujours serment sur l’une ou l’autre bible et, en Belgique, l’Église est omniprésente dans maints rouages de la Nation, dans l’enseignement et le financement des cultes, par exemple.

L’auteur insiste : « La laïcité républicaine, c’est dire toujours que nous sommes, avant d’être juifs, musulmans, catholiques, protestants, athées, agnostiques, francs-maçons, etc., d’abord et avant tout des citoyens », il clame encore que « le totalitarisme de la foi viole constamment la liberté de penser et la liberté de choisir ses propres certitudes ou interrogations. »

Cependant, pour Jean-Michel Quillardet, la laïcité ne peut pas se résumer qu’à la séparation de l’État et des Églises, « c’est aussi une vision d’une société égalitaire qui considère l’individu d’abord comme un citoyen en fonction de son humanité et non de son appartenance à tel ou tel groupe culturel ou ethnique. »

Encore plus concrètement, il déclare que « tant que la population, pauvre, précarisée, non instruite et non éduquée existera, la laïcité, idée émancipatrice pour l’être humain, ne pourra guère triompher. »

Au sujet de la nécessité du Droit de Mémoire, l’auteur rappelle, à juste titre, que « la bête immonde, ce monstre froid, qui comme dans la nouvelle de Kafka se couche, se déploie et se déploie encore et prend une telle place qu’elle étouffe et très vite étrangle, cette bête immonde est toujours prête à renaître »

Pourtant, la civilisation ne signifie-t-elle pas le respect de l’individu, la liberté et la tolérance ?

La Shoah, l’Arménie, les Khmers rouges, Staline, Mao, Franco, Pinochet, le Rwanda, le Darfour et tant d’autres exemples, cela exista quoi que disent les révisionnistes. Et, comme l’Histoire a tendance à repasser les plats, même les plus nauséabonds, la nécessité de se souvenir que, je cite encore, « les bourreaux trouvent toujours une bonne raison de bâillonner, d’emprisonner, de tuer », cette nécessité vitale doit donc être constante.

Pour Jean-Michel Quillardet, avocat de profession, rappelons-le, « seul un État de droit, avec des règles, des lois et des cours de justice, permettra à l’homme de maîtriser ses passions, de canaliser ses tentations et d’organiser le vivre ensemble malgré nos contradictions. »

Et puisqu’on évoque la Justice, il insiste également sur le concept de « Justice humaine », c’est-à-dire que « nous savons bien que le miroir nous renvoie l’image de notre pire ennemi : nous-même ! »

Sans le moindre détour il expose que « l’homme a une terrible responsabilité à l’égard de l’humain et qu’il doit toujours, pour être un homme, éradiquer l’inhumain dans l’humain. Seules les règles de droit, d’un droit démocratiquement élaboré, d’un droit humaniste, peuvent éviter les transgressions. Le Justice doit rendre sa dignité d’homme à la victime, lui rendre son humanité, pour le présent et l’avenir, exprimer de manière rationnelle, implacable, irréfutable, le jugement de l’humanité, chaque homme étant porteur de la condition humaine. »

Il ne s’agit pas d’un discours, un de plus, qu’émet Jean-Michel Quillardet puisqu’il fut cheville ouvrière de la Charte de la Laïcité à l’École affichée et, en principe commentée, dans tous les établissements scolaires de l’Enseignement public en France.

Elle s’articule sur trois grands principes : prévenir, répondre et soutenir. Il y est question de neutralité de l’État, de la liberté de croire ou de ne pas croire, de s’exprimer librement dans le respect de l’autre, du vivre ensemble, de l’accès à une culture commune et partagée, du rejet de toutes formes de violence, du devoir de stricte neutralité des personnels…

Et si d’autres pays, dont la Belgique, prenaient exemple sur cette Charte plutôt que tergiverser depuis des décennies en cette matière ?

Une matière devenue particulièrement urgente à traiter, compte tenu des bouleversements sociétaux auxquels nous assistons.

 

Rationalisme et Lumières

De Jean-Michel Quillardet dans Pour un humanisme universel :

  • « L’utilisation du rationalisme n’est pas exclusive d’une démarche intuitive ou poétique.»
  • « La démarche rationnelle est également poésie, intuition, imagination, parce qu’elle tente de briser les convenances, les apparences, ou des signes, et ouvre les portes de la complexité de l’être humain.»
  • « La philosophie des Lumières a libéré l’Homme de ses chaînes ; les Lumières, c’est la constitution, pour chaque homme[2], d’une pensée libre, préoccupée du réel sans messianisme religieux ou politique.»
  • « Les Lumières, ce sont des textes juridiques et philosophiques, actes fondateurs générés par l’Homme lui-même, contractualisé par et pour l’humanité.»
  • « La lumière, c’est la lumière naturelle à l’intérieur de l’homme qui s’oppose à la lumière surnaturelle.»
  • « La lumière naturelle n’est pas l’inclination qui nous porte à croire, elle nous fait connaître.»

Pierre Guelff
Auteur, chroniqueur presse écrite et radio

[1] Ce qui est loin d’être le cas en Belgique, par exemple.

[2] N.D.L.R. : être humain.

Belgique, pays du surréalisme

Pays du surréalisme où après qu’une de ses composantes – entendons le parti le plus important en termes de sièges – ait claqué la porte, le gouvernement fédéral devient minoritaire (les francophones l’étaient dès le début).  Ce même gouvernement, chargé de la gestion des affaires courantes à la suite des élections législatives de mai 2019 et toujours sans majorité, s’est vu privé de son premier ministre qui a pris sa fonction de président du conseil européen, s’est donc vu obligé de se trouver un remplaçant.

Pressenti, parmi d’autres, pour occuper le poste de Charles Michel resté vacant, Didier Reynders, opportunément blanchi dans une affaire de corruption, quitte, lui aussi, la politique nationale pour se réfugier à l’Europe où il deviendra dès le 1er novembre commissaire européen à la justice.

Et nous voilà sans ministre des affaires étrangères !

Voilà donc un pays où deux membres d’un parti ayant perdu les élections sont récompensés par une nomination à des postes européens de prestige et, ce qui ne gâche rien, extrêmement bien rémunérés.

Alors que les gouvernements wallon, bruxellois et flamand sont déjà en place, le fédéral qui détient encore les fonctions régaliennes, semble ne plus intéresser grand monde. Jan Jambon, par exemple, qui briguait le poste de premier ministre y a renoncé pour occuper la présidence du gouvernement flamand.

Pas de gouvernement fédéral, une « première ministre » ad intérim issue d’un parti toujours minoritaire, tout comme le nouveau ministre des affaires étrangères. Et nous voilà avec un gouvernement fédéral en affaires courantes dont seuls subsistent six ministres de l’équipe d’origine et personne au sein de la population pour s’en inquiéter !

Il faut dire que la vacance du pouvoir avait duré cinq cent quarante et un jours dans l’attente du gouvernement Leterme, créant bien davantage d’émoi à l’étranger que dans notre cher pays. Mais au moins, le gouvernement intérimaire détenait une assise parlementaire.

Afin de pallier l’absence d’un gouvernement issu des urnes, certains, parmi les élus, proposent de mettre en place un exécutif de technocrates faisant fi de la volonté de l’électeur qui s’est exprimé démocratiquement. Incapables de former un gouvernement de plein exercice, ils pourraient donc le faire avec des spécialistes ?

D’autres envisagent un retour aux urnes avec le risque et il est grand, d’un renforcement des partis extrémistes et la possibilité que les résultats de ce nouveau scrutin ne permettent pas davantage de dégager des majorités capables de s’accorder.

Voilà un pays dans lequel une certaine politique se joue en insultes. Bart De Wever et ses amis flamands, dans l’espoir d’une scission du pays, n’ont de cesse de traiter les Wallons avec haine et arrogance.  Le patron de la N-VA refuse désormais de « prélever des milliards d’euros d’impôts en Flandre pour entretenir des électeurs passifs ».

C’est oublier un peu vite qu’il fut un temps – quelques dizaines d’années quand même – où la Flandre bénéficiait largement de la générosité de la Wallonie alors à l’apogée de sa prospérité. L’argent wallon a été investi dans l’aéroport de Zaventem, dans les ports d’Anvers et de Zeebrugge sans que les Flamands ne soient accusés de manger le pain de leurs voisins du « Sud ».

Voilà un pays où, dans l’indifférence générale, le président du Vlaams Belang, Tom Van Grieken, est nommé en tant que parlementaire au Conseil de l’Europe, institution chargée de faire respecter la Convention européenne des Droits de l’Homme !

Voilà un pays dans lequel le carnaval flamand de la ville d’Alost est exclu de la liste du patrimoine de l’Humanité de l’Unesco pour ses relents racistes et son antisémitisme.

Voilà un pays où un chirurgien plastique, Jeff Hoeyberghs (dont la clientèle est probablement constituée majoritairement de femmes) se permet, à l’université de Gand et devant un public hilare de jeunes catholiques pour le moins extrêmes, de tenir des propos sexistes d’une rare violence, déclarant notamment « les femmes veulent les privilèges de la protection masculine et de l’argent, mais elles ne veulent plus ouvrir les jambes ».[1]

 

 

Voilà un pays dans lequel le gouvernement régional bruxellois récemment mis en place a pour but d’interdire la circulation de tout véhicule à propulsion thermique dans la ville de Bruxelles à l’horizon 2035.

Si cette décision peut paraître sympathique, il n’en reste pas moins qu’elle pose un certain nombre de problèmes et peut avoir des conséquences pour le moins inattendues voire contraires au but recherché qui est de rendre la ville plus conviviale.

Comment se fera l’approvisionnement des commerces si les camions et camionnettes de livraison deviennent indésirables ? verra-t-on mourir le centre des villes ?

Comment le citoyen fera-t-il ses courses ? on vous conseillera d’utiliser vos pieds ou votre vélo pour vous rendre dans les commerces de « proximité » !

En voilà une bonne idée ! Qui, dans les villes, a encore la chance d’avoir, dans un périmètre raisonnable, une boucherie, une boulangerie, une droguerie, une épicerie, une poissonnerie, … ? sera-t-on condamné à effectuer désormais nos achats dans les « petites surfaces » des grandes enseignes (Carrefour express, city Delhaize, …) ?

Si la volonté de cet exécutif régional est d’engraisser ces multinationales, il ne s’y prendrait pas autrement !

Voilà un pays, parmi les plus riches du monde, dont la capitale détient le triste record de la pauvreté des enfants à Bruxelles, mais aussi en Wallonie !

Il faut savoir, d’après une étude réalisée par Frank Vandenbroucke et Anne-Catherine Guio, que l’état de déprivation des petits Bruxellois est comparable à celui des enfants pauvres de Pologne ou de Roumanie et celui des enfants wallons aux petits Lituaniens.

L’état de déprivation qui concerne 40% des petits Bruxellois et 25% des petits Wallons, est celui dans lequel se trouvent des enfants qui, par exemple, vivent dans un logement mal chauffé, qui ne peuvent participer aux excursions scolaires, qui ne peuvent inviter leurs amis chez eux, …

Comment évaluer la pauvreté ? il suffit de se baser sur le revenu du ménage. Celui-ci est considéré comme pauvre si son revenu représente moins de 60% du revenu médian national à savoir 885,00 euros par mois, ce qui, il faut le reconnaître, est déjà scandaleusement bas.

Ces enfants pauvres vivent principalement dans des ménages sans emploi qui seraient, toujours selon l’étude, 54% en fédération Wallonie-Bruxelles (pour 41% en Flandre), plaçant la Belgique à la triste première place européenne pour cet indicateur.

La cause de ce malheureux record : l’étude pointe des prestations sociales (indemnités de chômage, revenu d’intégration sociale, …) insuffisantes et ne permettant pas à ceux qui en « bénéficient » de sortir de la pauvreté et de vivre dignement.

Les enfants ne sont pas les seules victimes d’un système inadapté, nos rues sont envahies par des sans-abris de plus en plus nombreux, certains d’entre eux ayant un travail rémunéré mais insuffisant pour permettre de payer un loyer et une garantie locative.

Pauvreté scandaleuse d’un côté, salaires et primes indécents d’un autre …

Le patron de la poste, Johnny Thijs, alors que le gouvernement envisageait la limitation à 290.000,00 euros de la rémunération des tops managers – ceux payés par les deniers des citoyens – se déclarait « prêt à faire un effort », mais pas à voir son salaire passer de 1,1 million (trois fois le salaire du président des Etats-Unis) à un salaire de misère et comparait ce montant à des cacahuètes juste bonnes pour des singes. Il faut croire que le pays est peuplé de singes ! Dans le même temps, il mettait en place un plan drastique de réduction des effectifs tout en exigeant de son personnel, une augmentation de la productivité.

Louis Michel, ancien ministre et député européen, déclarait dans une interview au VIF, non sans cynisme et mépris, que la limiter à 4.800 euros nets mensuels, les émoluments des parlementaires (ils avoisinent actuellement les 9.000 euros[2]), serait une mauvaise chose car seuls les enseignants – ne le fut-il pas lui-même ? – et les fonctionnaires pourraient être intéressés par ce salaire de misère ajoutant que cela « couperait le Parlement de la réalité ».[3] Une réalité à 4.800 euros ?

Il faut aussi savoir que les ministres belges sont parmi les mieux rémunérés. Le site d’information français Direct Matin cité par La Libre révèle que le salaire du premier ministre ne serait dépassé que par celui du président des Etats-Unis. [4]

Didier Bellens, ancien CEO de ce qui était encore Belgacom, a touché en 2012, la modique somme de 2.400.000,00 euros. Dominique Leroy qui lui succéda à la tête de l’entreprise aurait quant à elle perçu pour l’ensemble de ses rémunérations un peu plus de 940.000,00 euros annuels. Montant manifestement insuffisant puisqu’elle envisageait de doubler cette rémunération en rejoignant KPN aux Pays-Bas. Mais ça, c’était avant d’être rattrapée par la justice pour une sombre affaire de délit d’initié.

La palme de l’indécence revient bien évidemment à Stéphane Moreau, patron de Nethys, avec ses 11 millions d’euros de primes (10 fois son salaire annuel).[5]

Il faut croire que ces patrons, ministres, députés, … sont à ce point indispensables et irremplaçables qu’en leur absence, leurs entreprises et pire encore, l’Etat, … s’effondreraient, nul autre n’ayant les compétences suffisantes pour assurer leurs tâches.

Et, malgré cela, …

Les Belges sont les champions d’Europe du bonheur, eh oui, ils détiennent parfois des records positifs ! C’est en effet dans ce pays que l’on retrouve en moyenne – 76% – le plus de gens qui se disent heureux !

Comment expliquer cette propension au bonheur quand pas grand-chose ne va ?

Humour belge, sens de la dérision ? Peut-être.

Surréalisme ? sûrement !

Patricia Keimeul
Directrice FAML

[1]                 https://www.rtbf.be/info/regions/detail_l-ugent-suspend-le-kvhv-pour-deux-mois?id=10388476

[2]                 https://www.rtbf.be/info/dossier/la-prem1ere-soir-prem1ere/detail_indemnites-de-sortie-et-salaire-des-deputes-des-montants-trop-eleves?id=10249591

[3]                 https://www.rtbf.be/info/dossier/la-prem1ere-soir-prem1ere/detail_indemnites-de-sortie-et-salaire-des-deputes-des-montants-trop-eleves?id=10249591

[4]                 https://www.lalibre.be/belgique/politique-belge/le-salaire-brut-des-ministres-belges-parmi-les-plus-eleves-51b8ead8e4b0de6db9c693b7

[5]                 https://www.google.com/search?q=limitation+des+salaires+des+tops+managers&rlz=1C1GCEU_frBE824BE824&sxsrf=ACYBGNQYs1PgLeaAstxjrfnpFjBYA9EuEg:1574339086113&ei=DoLWXajCBpKXkwX-xqrQAg&start=10&sa=N&ved=2ahUKEwioge-PpvvlAhWSy6QKHX6jCioQ8NMDegQICxA_&biw=1366&bih=625