Manifestation contre les violences faites aux femmes

Manifestation contre les violences faites aux femmes le 28 novembre 2021 à Bruxelles

Photos: Francis Duwyn

Jeunes éco-anxieux et jeunes révoltés

Pierre Guelff - Auteur, chroniqueur radio et presse écrite

Dans toutes les sphères de la Société et de la planète, il y a de plus en plus de jeunes en détresse face à l’inquiétante situation climatique. L’échec de la COP 26 n’a fait que confirmer ce constat.

Une immersion de trois ans parmi eux, permet de mieux cerner ce problème qui prend de l’ampleur. Reportage « engagé ».

« The Lancet », journal scientifique par excellence, publia récemment le résultat d’une vaste enquête de neuf chercheurs en psychologie auprès de 10 000 jeunes âgés de 16 à 25 ans répartis sur les cinq continents : l’anxiété liée au climat s’accompagnant de frayeur, de chagrin, d’inquiétude, de colère…, nuit à leur vie quotidienne.

Ces jeunes s’exprimèrent sans ambages : « L’humanité est condamnée » (plus de 50%), « Le futur est effrayant » (quelque 75%), « C’est faute de ne pas avoir pris soin de la planète » (83%) et 39% déclarèrent hésiter à faire des enfants dans pareille situation.

Conclusion de ces chercheurs : « Pour un grand nombre de jeunes dans le monde, les gouvernements ne reconnaissent pas la crise ou n’y réagissent pas de manière cohérente et urgente, ou ne répondent pas à leur alarme. Cela est vécu comme de la trahison et de l’abandon, non seulement de l’individu mais des jeunes et les générations futures en général. »

Et sur le terrain ? Marie-Paule Peuteman, psychothérapeute au Planning familial d’Evere, voit également un accroissement assez significatif des jeunes parmi la patientèle : « Effectivement, comment vivre quand on est jeune et que l’on a la conviction d’assister à l’effondrement de la planète, puisqu’il n’est plus à démontrer qu’elle se meure, que les forêts primaires disparaissent, que la biodiversité se dégrade de façon affolante, que le climat se déglingue, que les défis démographiques sont énormes, que la pollution est généralisée et, en plus, voilà aussi cette jeunesse, comme nous tous, au cœur d’une crise sanitaire mondiale ?  »

Dans une chronique radio abordant ce malaise chez de nombreux jeunes, Marie-Paule Peuteman évoqua le dernier récit de Patrice Van Eersel « Noosphère », publié chez Albin Michel. Il met en scène un jeune homme de 30 ans qui ne croit en plus rien, qui est dans une spirale descendante et possède une conscience hyper-aigüe des menaces qui pèsent sur le monde. Il se dit à quoi bon travailler puisque tout va s’effondrer et il est donc littéralement tétanisé par l’ensemble des phénomènes de destruction.

Alors le narrateur, évoque la collapsologie, qui est un courant de pensée qui envisage les risques d’un effondrement de la civilisation industrielle et ses conséquences et va proposer une rencontre avec des collapsologues qui, malgré leur scepticisme, restent actifs et confiants dans le « monde d’après ». Le jeune homme désabusé va ainsi découvrir un nouvel horizon, l’extraordinaire vision de la « Noosphère » ou la perspective fantastique d’une « conscience humaine collective ».

L’auteur, dit-elle, s’appuie sur les travaux de Teilhard de Chardin et de Vladimir Vernadski qui eux ont compris cent ans avant tout le monde, l’influence prépondérante de l’action humaine sur la biosphère terrestre. Ces deux scientifiques cherchent à décrypter les lois de l’évolution. Et malgré toutes les violences et aveuglements durant la guerre 14-18, l’un et l’autre voient l’humanité prendre peu à peu conscience d’elle-même. D’ailleurs, ces deux visionnaires vont jusqu’à imaginer une science à venir qui intégrerait la notion d’amour.

Genèse d’un profond mal-être

En mai 2018, une certaine Greta Thunberg, participa à un concours écrit proposé par un journal aux jeunes suédois afin d’exprimer leur sentiment par rapport au climat. Elle y décrivit sa peur du réchauffement climatique et, quelques jours plus tard, une photo d’elle munie d’une pancarte « Grève scolaire pour le climat » commença à faire le tour du monde. Le phénomène « Greta » était lancé !

Née en janvier 2003 à Stockholm, souffrant du syndrome d’Asperger (forme d’autisme), elle devint militante écologique et se lança dans une sensibilisation aux catastrophes naturelles avec une détermination rare.

Il faut dire que l’un de ses lointains parents n’est autre que Svante Arrhenius (1859-1927), qui fut Prix Nobel de chimie en 1903 et l’un des premiers scientifiques à émettre une théorie du réchauffement climatique. Ceci explique peut-être cela.

En Belgique, le mouvement de jeunes en faveur du climat et contre l’inertie du monde politique en matière de défense de l’environnement débuta la première semaine de 2019 et fut initié par quelques adolescentes via les réseaux sociaux, principalement par Anuna De Wever, aujourd’hui 20 ans, néerlandophone, à l’origine du mouvement « Youth for Climate » avec Kyra Gantois, 21 ans, comme porte-paroles, et Adélaïde Charlier, coordinatrice des actions du côté francophone. Le mouvement des jeunes pour le climat était aussi en Belgique !

Un jour de janvier 2019, donc, 3 000 jeunes séchèrent deux à trois heures de cours pour clamer dans les rues bruxelloises leur volonté d’une prise en considération de ce grave problème par les autorités.

Cela n’avait pas été apprécié par les directions d’écoles qui firent pression et les menacèrent de sanctions disciplinaires.

Suite à un reportage consacré à cette manifestation pacifique, je fus catalogué d’« inconscient » car « encourageant les jeunes à déserter les bancs d’écoles » (La Libre Belgique, Facebook…) par ces mêmes directions. J’ai répliqué en signalant que, quand les enseignants faisaient grève pour porter leurs revendications, ce n’était ni le mercredi après-midi, ni le week-end ou durant les vacances scolaires ! Parenthèse fermée.

Il en fut de même une semaine plus tard, avec, réponse du berger à la bergère, puisque les jeunes furent 12 500, encore de manière pacifique, mais déterminée, à défiler jusqu’aux abords des ministères belges et de la Communauté européenne.

En troisième semaine, les rangs grossirent avec une énergie davantage marquée et remarquée : quelque 35 000 participants, selon la police, et de plus en plus d’adultes aux côtés des adolescents, même un groupe de grands-parents rassemblés dans un collectif créé pour la cause : « Grands-Parents pour le Climat ».

Au fil des semaines, ce ne furent plus seulement la presse dite militante et différents médias alternatifs qui relatèrent ces manifestations, puisque la presse traditionnelle nationale et internationale en fit également état avec des titres comme « La désobéissance civile, la nouvelle manière de militer pour le climat » (La Libre Belgique, 24 janvier 2019) et allusion à quelques slogans et déclarations, tels « Quand je serai grand je voudrais être vivant », « Nous sommes la dernière génération à pouvoir agir », et une petite touche d’humour avec « Le climat est plus chaud que mon mec », ou « Plus de degrés dans la bière et pas dans la nature ! »…

Le monde politique a bien cru que cette jeunesse avait viré sa cuti après les vacances. Il n’en fut rien. La manifestation de reprise, si j’ose dire, compta de 15 à 20 000 personnes, encore et toujours inspirées par Greta Thunberg, la jeune suédoise à l’origine de cette contestation planétaire.

Autre constatation, davantage d’ONG et les principaux syndicats du pays s’associèrent à ce mouvement « Jeunes pour le Climat ».

Plutôt que de longs discours, l’un de mes reportages se concentra sur les slogans scandés, chantés ou écrits, reflets incontestables de sentiments : « Nous sommes tous des colibris », « Pas de nature sans futur », « Savez-vous nager ? », « H&M = 12 tonnes d’invendus brûlés par an ! », « Halte aux fausses politiques, place à la pratique », « Fin du monde, fin du mois, même combat », « Sobriété, solidarité, humilité envers la Nature », « Arrête de niquer la mer », « Pas la guerre mais la révolution climatique ».

Poursuivant des grèves scolaires et défilés, certains thèmes furent parfois davantage développés, un peu comme les « Vendredis Alerte Incendie » de Jane Fonda au Capitole (voir notre magazine de janvier 2021).

Ainsi, un vendredi fut centré sur l’indispensable préservation de la vie marine et on vit quatre pingouins en glace être exposés en plein air et, au fil du défilé, fondre à l’instar du drame écologique avec la fonte de la banquise et des sommets de moins en moins enneigés : « Océans à la casse, on est tous dans la mélasse », « Nous voulons une terre à vivre pour nos petits-enfants », « De tous les maux, la complaisance est le plus mortel défaut », « Océans en chaleur, on en sent déjà la douleur » …

Durant des mois et jusqu’à la pandémie et les mesures sanitaires, des centaines de milliers de citoyens, voire des millions dans le monde, firent pression sur les élus pour qu’ils aient le courage de mettre au pas ceux qui salissent la Terre.

Il fut également réconfortant de constater que le nombre de « grands-parents pour le climat » qui se trouvaient aux côtés des jeunes allait aussi en augmentant, au point que des groupes structurés de personnes du 3e âge prirent un certain essor.

Cela allait-il influencer les politiciens ? Les décideurs allaient-ils être moins dédaigneux ? Le dénigrement à l’égard des jeunes activistes, telle Greta Thunberg, sur les réseaux sociaux et de la part d’une personnalité comme Michel Onfray, s’estomperait-il ?

Les provocations policières, les manipulations de l’opinion publique et les propos des climatosceptiques qui semblaient être fomentés par différents pouvoirs afin de décrédibiliser le mouvement citoyen, s’éteindraient-ils face à la réalité ?

La maison brûle

Ce n’est pas facile de faire entendre son avis quand on connaît les accointances entre certains politiciens et les lobbys (quelque 20 à 30 000 officiellement inscrits dans la capitale de l’Europe), et si, jusqu’à présent, ces Marches pour le Climat se sont déroulées dans le calme, on sent de plus en plus cet engagement pacifique voisiner avec des propos plus radicaux au cœur des manifestations.

Ainsi, un tract disait clairement : « Comme on a pu l’observer, les révoltes qui restent dans les cadres établis rentrent totalement dans le jeu du pouvoir et ne permettent pas d’obtenir de réelles avancées », alors qu’un slogan était assez explicite sur la manière d’agir : « Notre maison brûle, brûlons leurs palais », et qu’un jeune manifestant me déclarait que le « pacifisme ne sert plus à rien, il faut passer à autre chose… »

Il faut dire que le dédain du monde politique ou la récupération à des fins électorales par divers caciques de partis est littéralement pris comme une injure par la jeunesse.

M’avisant de leur place au sein de cortèges, les organisateurs m’assurèrent qu’ils continueraient à accueillir tous les citoyens, mais que les politiciens étaient priés de laisser la priorité à la société civile, c’est-à-dire ce qui désigne « l’ensemble des associations à caractère non gouvernemental et à but non lucratif qui agissent comme groupes de pression pour influencer les politiques gouvernementales dans un sens favorables aux intérêts de ceux qu’elles représentent. Il s’agit donc de l’auto-organisation de la société, en dehors du ou parallèlement au cadre institutionnel politique, administratif ou commercial » (Wikipedia).

Cependant, la violence n’est pas venue du côté des citoyens… Ainsi, une mobilisation intergénérationnelle, toujours pacifique, puisqu’il s’agissait de débats publics, se déroula en octobre 2019 à la Place Royale à Bruxelles, à quelques pas du palais royal.

Alors que, la veille à Londres, une action était menée par le mouvement pacifiste de désobéissance civile « Extinction Rebellion » (XR) qui clame l’urgence climatique, l’on y trouva parmi les nombreuses personnes arrêtées un membre de la famille royale belge !

« Esmeralda la princesse belge rebelle de 63 ans », souligna le quotidien « Le Soir », qui déclara : « Ce serait merveilleux que le roi Philippe prenne position sur le climat, car c’est un problème global, humain, urgent. Mais, compte tenu de la complexité du système belge, il ne parlera pas. »

À Bruxelles, place Royale, le pacifisme était également omniprésent dans les rangs des manifestants, de 7 à plus de 77 ans : « Nous respectons tout le monde : les uns envers les autres, envers le grand public, le gouvernement et la police, nous ne commettons aucune violence, ni physique ni verbale, nous ne portons ni armes ni masques, nous n’apportons ni alcool ni drogues, nous nous tenons responsables de nos actes et quiconque enfreint ces accords sera prié de partir… »

Les six cents manifestants ne forcèrent pas les barrages et furent installés à même le sol, en principe pour vingt-quatre heures.

Parmi eux, Xavier, trentenaire, me développa les motifs de sa participation « parce que les politiciens sont inactifs et qu’il espère que le roi va se ‘‘mouiller’’… »

Eh bien, ce furent les manifestants qui furent mouillés car, avec une rare violence, les policiers utilisèrent pompe à eau, gaz lacrymogènes, matraques pour les déloger, le tout fut suivi de dizaines d’arrestations musclées.

La réprobation fut quasiment unanime face à cette violence absolument injustifiée : les manifestants étaient tous pacifistes et leur comportement respectait scrupuleusement les mots d’ordre du mouvement non-violent.

Le bourgmestre de la Ville de Bruxelles, Philippe Close déclara vouloir pacifier la situation et les autorités policières affirmèrent que ce fut une manifestation non autorisée (des pourparlers avaient eu lieu), qu’elle se déroulait dans une zone interdite (à l’exception de quelques individus, les 99,9% des manifestants étaient sur une place adjacente), que les manifestants refusaient de quitter cette place et entravaient la circulation or, ils pliaient bagages suite aux injonctions de l’officier des forces de l’ordre et se dirigeaient paisiblement vers les « sorties » ou des espaces reculés.

Même s’il n’y a pas lieu de généraliser ni d’établir des amalgames, car tous les membres des services de l’ordre n’ont pas cette attitude, il faut quand même reconnaître que cette violence policière est assez récurrente.

Ainsi, le 5 juillet 2021, le Tribunal de 1ère instance de Bruxelles condamna la Police de Bruxelles qui avait interpellé des dizaines de jeunes activistes d’« Extinction Rebellion » à la suite de la tentative (donc, avant la moindre action) contre le Black Friday, au titre que les arrestations ne se justifiaient pas. La condamnation fut étendue pour des fouilles d’activistes à nu, ainsi que pour leur avoir refusé d’appeler une personne de confiance et de les avoir menottés. Ces actes furent jugés injustifiés.

COP 26-espoir, COP-26 désespoir

Toute cette tension fut oubliée, car la pandémie au COVID-19 frappa de plein fouet la planète. Ce qui, bien entendu, ajouta encore de l’angoisse dans la Société.

Cependant, après un arrêt forcé par la crise sanitaire, le mouvement « Jeunes pour le Climat », soutenu par des dizaines d’associations, relança la contestation, ainsi que d’autres organisations citoyennes, compte tenu de catastrophes majeures de plus en plus marquantes sur toute la planète et du contenu du nouveau rapport du GIEC, le sixième, publié dès le 9 août 2021.

Un constat scientifique absolument catégorique sur la dégradation constante de la situation climatique. « L’alerte rouge est lancée » et il n’y a plus la moindre raison à rester climatosceptique : l’humanité risque de disparaître très rapidement.

À la veille d’un important Sommet européen qui se déroula à Bruxelles en octobre 2021 et la Conférence climatique de Glasgow (COP 26), du 2 au 13 novembre 2021, ce sont quelque 50 000 (selon la police) à 70 000 (d’après les organisateurs) personnes, principalement des jeunes, qui défilèrent à nouveau dans les rues de Bruxelles et passèrent devant les institutions fédérales belges et l’immense complexe de la Communauté européenne.

Près d’une centaine d’organisations, des « Jeunes pour le Climat » aux syndicats européens, et des citoyens vinrent en masse clamer que l’on était au point de bascule : « Où nous restons empêtrés dans le monde d’avant ou nous optons radicalement pour la solidarité et un changement de politique, car l’horloge tourne. Inexorablement. Inondations et sécheresses dramatiques, incendies dévastateurs, mépris des multinationales et des politiciens, même de prétendus élus écologistes qui font davantage de bla-bla-bla que de la véritable politique écologique, comme le clama Greta. Il est grand temps, mais c’est limite, de changer le cours de l’Histoire, selon des climatologues qui spécifient qu’il est encore possible de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, par exemple. »

Bien avant cette nouvelle Marche pour le Climat, Victor Hugo, qui fut un véritable défenseur de la Nature, écrivit : « Le chien, c’est la vertu – Qui ne pouvait se faire homme, s’est faite bête. »

Pourquoi citer ces propos canins ? Parce que, incontestablement, « la » vedette du cortège fut un chien tenu en laisse par son maître. Le bel animal portait sous le cou une pancarte : « Nos politiques traînent la patte, alors j’ouvre ma gueule pour le climat ».

Durant ce temps, ses amis les êtres humains brandissaient d’autres slogans dans une harmonie parfaite qui en disait long sur leur détermination face à l’inertie politicienne : « Honte aux décideurs », « Changeons le système pas le climat », « Merci les banques ! », « Ne pas casser ma planète », « Nous sommes prêts à agir, et vous les politiciens ? », « Protégeons notre planète, ce n’est pas une poubelle », « Assez marché ! Luttes locales et résistance globale », « Justice ? Quand les billets de banque pèsent plus qu’une vie… », « Les changements climatiques ne connaissent pas de frontières du Nord au Sud » …

Sophie, une adulte qui soutient la jeunesse : « J’attends que les politiciens prennent des décisions et leurs responsabilités, qu’ils arrêtent de tourner autour du pot en défendant, soi-disant, l’emploi. Il faut qu’ils défendent la terre et les gens, alors cela aidera beaucoup l’emploi ! Les lobbys ne devraient pas être autorisés à entrer dans les enceintes parlementaires. Il faut interdire ces influences ! »

Lèia, une manifestante de 20 ans, expliqua la raison de sa participation : « Il faut lutter pour ce qui se passe dans le monde depuis si longtemps, mais surtout actuellement tant les catastrophes s’accentuent. Il faut agir concrètement plutôt que parler et absolument mettre des solutions en place… »

Solutions radicales comme le spécifia un organisateur : « Changeons de système économique et social à l’échelon mondial, car les changements climatiques, eux, ne connaissent pas les frontières. De plus en plus, les citoyens montrent et démontrent aux politiciens qu’ils ne sont plus dupes et que leur bla-bla-bla est débusqué. L’heure de passer aux actes a sonné. Puisse-t-elle ne pas devenir un glas pour l’humanité. »

Une autre manifestation eut encore lieu le 31 octobre à Bruxelles en parallèle avec plusieurs défilés en Allemagne, à Glasgow…, comme un dernier rappel aux participants à la COP 26 : « L’humanité est à l’aube de retombées climatiques cataclysmiques. Nous voulons que les dirigeants européens et mondiaux respectent l’Accord de Paris avant que la terre ne devienne invivable ! »

Ironie de la situation, si j’ose dire, la Belgique officielle devait être représentée à Glasgow par QUATRE ministres du Climat… qui ne s’entendaient pas entre eux !

Les citoyens qui défilèrent, eux, leur redirent leurs immense inquiétude, colère, désespoir et attente, à travers des slogans et des calicots, tels « Merci pour le job, Greta », « Alors, on change ? », « Non-assistance à planète en danger », « Justice pour les sinistrés », « J’ai mal à la terre », « Inaction : excuses bidon » …

Jean-Louis, un habitué de ce type de rassemblements : « Les gouvernements et les politiciens, des citoyens, sont drogués aux énergies fossiles. Il faut agir pour les générations futures. La COP 26 ? Il faut se nourrir, même d’un peu d’espoir. Un petit pas largement insuffisant, mais il n’est jamais trop tard pour éviter le pire… »

Boris, jeune activiste : « Je n’ai pas beaucoup d’espoir en la COP 26, car il faut remettre en question toute la société dans laquelle nous vivons, l’économie de marché, la course aux profits des entreprises privées… »

Boris avait raison. La déclaration finale de cette COP 26 joua les prolongations pour remanier, manipuler, assaisonner et goupiller son texte, et, en définitive, elle fut synonyme de cynisme puisqu’elle donne « la possibilité d’aménagements pour circonstances nationales particulières ».

Autant dire que c’est la porte largement ouverte à des amendements, voire à un recul de la situation, entre autres par rapport aux énergies fossiles, peut-être avec une exception pour le charbon.

De plus, guère de changements notoires sur le principe de l’aide des pays riches, extrêmement riches, aux pays pauvres, de plus en plus pauvres.

En effet, ces derniers soulignèrent, à juste titre, que ce n’est quand même pas à eux de réaliser des efforts démesurés pour leurs capacités alors qu’ils paient déjà cash une situation climatique engendrée par les pays nantis : « Le Sud n’est quand même en rien responsable des méfaits occasionnés à la Nature par le Nord. »

Inutile, donc, de dire l’immense déception, une de plus, des jeunes qui, depuis trois années espéraient que leurs actions et réflexions porteraient leurs fruits.

Ne pas abandonner

Greta Thunberg, consciente de cette déception, elle qui ne fut pas invitée à la COP au contraire de centaines de lobbystes invités par l’ONU, fit parvenir un message post-COP 26 pour remobiliser les troupes : « Un rappel après la déception de la COP 26 : les gens au pouvoir n’ont pas besoin de conférences, de traités ou d’accords pour commencer à prendre de vraies mesures climatiques. Ils peuvent commencer aujourd’hui. Quand assez de gens se réuniront, alors le changement viendra et nous pourrons réaliser presque tout. Alors au lieu de chercher de l’espoir, commencez à le créer. Maintenant le vrai travail commence, et nous n’abandonnerons jamais, jamais. »

Par rapport à la situation d’une jeunesse qui n’est guère davantage rassurée sur son avenir en cette fin de 2021, la psychothérapeute Marie-Paule Peuteman spécifie :

« Lors de mes consultations avec des jeunes, je constate une perte de sens général avec une question récurrente : pourquoi encore étudier ? Ils me déclarent avoir principalement cours derrière un écran et que cette informatisation les empêche de se socialiser entre pairs. Ainsi, les étudiants qui quittent le secondaire pour entrer dans l’enseignement supérieur, n’ont guère de relations amicales établies en présentiel.

Certains me disent étudier pour voir s’ils en sont capables, sans plus d’attentes. Une question se pose : cette catégorie d’âge va-t-elle vivre sa jeunesse derrière un écran ?

Il y a également lieu de souligner une rupture générationnelle encore plus marquée, car les parents n’ont pas vécu ce que vivent les jeunes à l’heure actuelle. Des parents qui, par parenthèses, ont les soucis majeurs de garder leur emploi, de gérer la pandémie et leur propre couple… Donc, les jeunes se sentent encore plus largués !

À ces jeunes, je préconise de développer leurs ressources afin de gérer l’anxiété et l’angoisse, et je les accompagne à développer en eux leurs propres aspirations et désirs. Quand ils sont clairs avec cela, ils peuvent alors lutter contre leur état anxieux, ils ont le courage et la volonté qui se mettent en place : par exemple, désir du zéro déchet, agir pour un monde meilleur, jouer un rôle et tenir une place dans la société, avoir davantage de relations…, tout cela anime un moteur en eux.

Je peux citer le cas d’un garçon de 19 ans qui, à l’issue de son cycle secondaire, débuta des cours d’informatique spécialisée mais, au bout de deux mois, il n’y trouvait ni sa place ni son envie de poursuivre et il se mit rapidement à l’écoute de son malaise : ‘‘ Ce n’est pas comme ça que j’ai envie de vivre !’’

Alors, après avoir fait un bilan personnel sur ce qu’il vivait à l’université dans cette option et ses aspirations profondes et non guidées par un futur et lointain plan de carrière et de faire de l’argent à tout prix, il changea radicalement de voie et débuta des études basées sur le concept de l’Environnement et du bien-être. Il semble à présent s’y épanouir. »

À vrai dire, il est à se demander si ces gens de pouvoir pensent réellement à leurs enfants et petits-enfants, et aux citoyens en général, plutôt qu’à leur plan de carrière et à leurs attaches au consumérisme et à une croissance capitaliste effrénée qu’ils promeuvent envers et contre toute humanité. Poser la question est-il y répondre ?

Les stéréotypes s’invitent-il dans les lectures de nos enfants ?

Marie Béclard - FAML

TTrès tôt dans leur vie, on assigne aux enfants des rôles sociaux distinctifs reliés au fait d’être un garçon ou une fille, d’être d’une origine ou d’une autre, d’une religion ou d’une autre. On transmet de façon inconsciente des comportements qui peuvent induire par la suite des discriminations et des inégalités.

Les enfants ne sont pas éduqués, socialisés et pensés de la même manière selon qu’ils sont étiquetés filles ou garçons, qu’importe le lieu de vie (famille, crèche, école, lieux péri et extra-scolaires…) et à travers les différents agents périphériques de socialisation. Cette socialisation différenciée participe, dès lors, à la construction de l’identité sexuée des enfants.

« Dans les albums jeunesses, les stéréotypes sexistes n’existent plus ou beaucoup moins qu’avant ! On n’est plus à l’époque des Martine et des petites filles modèles… ». Cette impression peut elle se vérifier ou au contraire est-elle trompeuse ? La littérature jeunesse contribue-t-elle également à propager des stéréotypes ? Dès leur tout jeune âge, les enfants sont en contact à la maison ou à l’école avec ces livres créés spécialement pour eux. écrits et illustrés par des adultes. Chaque année, on publie des livres destinés aux enfants. Ce type d’objets plaisent souvent aux parents et aux enseignants car ils représentent un moyen d’accès à la culture mais ils sont également un important « support de socialisation ». 1 En effet, ils présentent des personnages de filles, de garçons, de femmes et d’hommes et ils « véhiculent des représentations à propos du masculin et du féminin, lesquelles sont intériorisées par les enfants eux-mêmes ». 2

Littérature jeunesse et construction sexuée

La littérature jeunesse à l’instar de la littérature adulte n’est pas unique. Si on édite un grand nombre de livres pour enfants de qualité chaque année, on trouve également parallèlement une littérature de jeunesse qui n’a de littérature que le nom. Quand un film ou une série sortent, on crée des produits dérivés dont des livres, purs produits de merchandising. On est alors face à des produits qui n’utilisent pas les mêmes codes que dans la littérature jeunesse traditionnelle. Les rayons des supermarchés sont remplis de livres de princesse rose à paillettes et de livres Pokemon ou Ninjago dans des couleurs sombres, des livres spécifiquement pour plaire à des filles ou des garçons. Ils sont clairement genrés mais ne se voilons pas la face : la majorités des albums jeunesse traditionnels présentent également des stéréotypes de genre même si à premier vue, ce n’est pas aussi flagrant. Les personnages des histoires sont très souvent présentés avec une répartition sexiste des rôles sociaux. Les filles y sont quasiment toujours clairement identifiées avec des attributs exclusivement féminins : il n’y a donc pas de doute sur le sexe des personnages représentés, si il n’y a pas de couettes, de robes ou de rose on est face à un garçon. 3 Le personnage neutre est quasi toujours considéré comme de sexe masculin.

Dans les albums illustrés, les auteurs et illustrateurs proposent une représentation du féminin et du masculin de manière consciente ou inconsciente qui va construire l’identité sexuée des jeunes. Les albums jeunesse présentent les trois dimensions stéréotypiques de la différence des sexes : intérieur/extérieur, privé/public et passif/actif.4 En effet, les filles sont plus souvent représentées à l’intérieur, dans un lieu privé et dans des attitudes passives alors que les garçons sont eux davantage dehors, dans un lieu public, dans des occupations actives voir même très actives : ils jouent, font du sport, se disputent, font des bêtises.5

Mais où sont les héroïnes dans nos histoires?

Selon certaines études, les livres qui racontent des histoires de héros masculins sont deux fois plus nombreux que ceux qui racontent des histoires d’ héroïnes et globalement, les garçons sont plus souvent présentés sur les couvertures. En effet, le déséquilibre en termes de représentation du masculin et du féminin s’affirme : les protagonistes correspondent à un monde masculin (Il y a dans le corpus étudié 258 personnages masculins et seulement 114 personnages féminins). Les garçons ont aussi des rôles plus centraux dans les histoires tandis que les filles sont elles plus nombreuses à occuper des rôles secondaires et elles sont plus souvent adultes qu’enfants puisqu’elles occupent fréquemment le rôle de la mère. Dans les albums, elles ont rarement un rôle professionnel. 6 Là où les hommes ont très souvent la double tâche, ils travaillent et jouent en rentrant avec leurs enfants.

Dans les albums jeunesse, il y a de nombreux personnages anthropomorphiques. On pourrait penser qu’ils sont asexués mais ce n’est pas le cas. Ces animaux représentent clairement un garçon ou une fille, un homme ou une femme. Il semblerait que « les histoires avec des personnages animaux humanisés donnent une représentation encore plus stéréotypées des rôles associés à chaque sexe ».7L’animal choisit pour représenter un sexe, n’est pas le fruit du hasard. Pour représenter un héro masculin, on choisira principalement un animal puissant comme l’ours, les animaux de la savane ou le loup. Alors que pour une fille, le choix se portera davantage sur un petit mammifère ou sur un insecte.

L’utilisation de personnages asexués ne semblerait pas être une solution car un personnage sans attribut typiquement féminin ou ne réalisant pas une tâche jugée maternante sera d’office perçu comme étant un homme.

Les enfants préfèrent des livres avec un héro de leur propre sexe. Alors pourquoi, est-ce qu’on trouve une grande majorité de livres avec des héros masculins ? La raison est simple et les « coupables » sont souvent les parents. C’est eux qui choisissent et achètent les livres et ils sont nombreux à penser qu’un personnage masculin conviendra à une fille mais que l’inverse ne fonctionnera pas. En effet, «  en raison de l’androcentrisme qui habite nos société, les adultes considèrent qu’une histoire où un garçon est le héros conviendra aux deux sexes et inconsciemment, se disent qu’une histoire d’héroïne ne plaira qu’aux filles ». 8

Les stéréotypes de genre présents dans la littérature jeunesse sont-ils dangereux ?

Le stéréotype est une notion complexe et axiologiquement ambivalente : nécessaire pour comprendre le monde, il consiste en des « représentations toutes faites, des schèmes culturels préexistants, à l’aide desquels chacun filtre la réalité ambiante » 9. Une illustration doit permettre de faire passer un message et donc l’utilisation d’images simplifiées, de stéréotypes, aide le lecteur à décoder rapidement le message de l’auteur et de l’illustrateur. Le stéréotype joue un rôle essentiel, il en est de même au niveau didactique. En effet, stéréotyper fait partie du processus cognitif dans le sens où « la démarche de catégorisation et de schématisation est indispensable à la cognition ».

Les stéréotypes, ce sont des idées qui ne reposent que sur des généralisations sans preuve ou fait vérifié, et qui mènent à des différences et particularités de comportements vis à vis des personnes discriminées, portant ainsi préjudice au principe d’égalité entre les humains. 10

« Les enfants comprennent, intègrent, intériorisent les attentes et les attitudes différentes de la société face aux deux sexes, qui encourage inconsciemment des comportements typés selon le sexe de l’enfant ». Pourtant les principaux acteurs/actrices de cette différenciation sont convaincus d’avoir un comportement identique et égalitaire et n’ont pas conscience d’agir différemment avec les filles et les garçons ». On entend ainsi souvent, « tu vois c’est une vraie fille, elle aime le rose, les poupées et les robes même si elle a accès à des jouets catégorisés « de garçons ». Tenir un tel discours c’est nier tous les messages qu’on envoie aux enfants parfois même avant leur naissance : combien de chambres roses, ou de layettes définissent déjà les goûts supposés de l’enfant selon son sexe ? 11

Les stéréotypes de genre présents dans la littérature jeunesse ont aussi une influence sur la perception de l’identité sociale de l’enfant, sur la construction de l’identité de soi et sur l’image de soi et comme les stéréotypes sont par définition des images réductrices du réel, et souvent des représentations culturelles dépassées, ils peuvent envoyer un mauvais message aux jeunes lecteurs. ». Par exemple, les jouets attribués aux filles et aux garçons sont souvent différents dans les albums jeunesse. Les dessins présentent les garçons avec des jeux de construction alors que les filles sont accompagnées de leur poupée. Mais quand on va plus loin et qu’on prend en compte les différentes compétences travaillées par chaque type de jouets on réalise l’impact sur l’avenir socio professionnel qu’on prépare aux enfants. En effet, une socialisation différenciée favorise également l’apprentissage d’habiletés cognitives et sociales différentes. Construire des LEGO complexes ou jouer à la poupée ne travaillent en effet pas les mêmes compétences.

« Les théories de l’apprentissage social postulent que c’est l’exposition à des modèles stéréotypés et les relations de contingence entre les stimuli et les réponses qui incitent l’enfant à se comporter de manière stéréotypée ». 12 Les stéréotypes peuvent ainsi participer à la construction de plafonds de verre qui peuvent impacter les ambitions des filles. 13

Pour certains, les enfants ont la capacité de faire la part des choses. Ils ont la capacité à comprendre qu’il y a des représentation abusives dans les histoires qu’on leur lit. Cependant, il faut garder un équilibre. A l’école, elle préconise de proposer des productions qui ne soient pas stéréotypées mais on peut aussi parfois utiliser un « mauvais livre » pour étudier les contre-exemples. Mais comment s’assurer de cet équilibre dans certaines familles où les modèles ne sont pas diversifiés ? De plus, les contre exemples peuvent perturber certains enfants issus de milieux moins favorisés. Ils sont perdus et ne trouvent plus leurs repères.

Une évolution dans la littérature jeunesse  ?

On voit depuis la fin des années 90 des changements dans la littérature jeunesse en termes de stéréotypes de genre mais c’est dans les années 2000 qu’on voit apparaître certaines maisons d’édition qui font de la déconstruction des stéréotypes de genre leur cheval de bataille. C’est le cas par exemple de la maison d’édition : « Talents Hauts, la maison d’édition jeunesse qui piétine les stéréotypes » et qui est née en 2005.14 La maison d’édition publie :La déclaration des droits des filles, La déclaration des droits des garçons, celle des droits des mamans ou encore ceux des papas… Si l’initiative est plus qu’intéressante pour déconstruire les stéréotypes, on peut cependant reprocher le côté répétitif qui donne l’impression qu’on tient un bon filon et qu’on va donc l’exploiter jusqu’au bout. Pour ce qui est des maisons d’éditions plus traditionnelles, certains livres luttent contre les stéréotypes mais ces livres côtoient cependant toujours des ouvrages qui véhiculent de nombreux stéréotypes sexistes.

Quelles solutions, pour une littérature jeunesse moins stéréotypée ?

Pour lutter contre les stéréotypes de genre qui enferment aussi bien les femmes que les hommes dans une répartition des rôles qui ne correspondent plus aux valeurs de la société actuelle et pour que ce ne soient plus des injonctions sociales qui dictent les conduites et les goûts des enfants,15

il convient de faire évoluer les textes au regard de la question du genre. Pour cela, il est important de faire la part belle aux personnages de filles, tout en veillant à ce que l’égalité ne soit pas seulement quantitative. Mettre des personnages féminins juste pour atteindre un cota ne changera rien. Il faut que filles et garçons aient des rôles qui soient valorisés dans les histoires. Il faut donner des rôles variés aux personnages de femmes dans les livres pour enfants : elles sont mères mais aussi travailleuses, elles font le ménage mais occupent des postes importants comme elles le font actuellement dans notre société. 16

Il a été mis en évidence qu’il était plus efficace de s’entraîner à l’affirmation de contre-stéréotypes positifs qu’à la négation de stéréotypes négatifs. Autrement dit, il serait plus efficace d’affirmer, par exemple, que « les filles sont courageuses » que d’affirmer que « les filles ne sont pas peureuses ».17

Il faut toujours garder à l’esprit que « les adultes, même s’ils sont de papier, restent des modèles ! ». Les auteurs, les éditeurs doivent donc veiller à ce que l’égalité des chances devienne également une réalité dans la littérature jeunesse. 18 la littérature jeunesse peut-être un outil puissant de lutte contre les inégalités de genre et lutter contre la socialisation différenciée. 19 20

Notes

1A. DAFFLON NOVELLE, Filles-garçons. Socialisation différenciée ?, Presses universitaires de Grenoble, 2006, p. 304.

2A. DAFFLON NOVELLE, Littérature enfantine sous l’angle du genre publié en 2010 consulté 31 août 2021 sur le site

le https://m.centre-hubertine-auclert.fr/sites/default/files/fichiers/livret-dvd-ce-genre-que-tu-te-donnes.pdf

3A. DAFFLON NOVELLE, Filles-garçons. Socialisation différenciée ?, Presses universitaires de Grenoble, 2006, p. 306.

4A. DAFFLON NOVELLE, Filles-garçons. Socialisation différenciée ?, Presses universitaires de Grenoble, 2006, p. 307.

5A. DAFFLON NOVELLE, Filles-garçons. Socialisation différenciée ?, Presses universitaires de Grenoble, 2006, p. 308.

6A. DAFFLON NOVELLE, Filles-garçons. Socialisation différenciée ?, Presses universitaires de Grenoble, 2006, p. 309.

7A. DAFFLON NOVELLE, Filles-garçons. Socialisation différenciée ?, Presses universitaires de Grenoble, 2006, p. 312.

10J. BASDEVANT, « La littérature jeunesse et les stéréotypes de genre : du véhicule de stéréotypes de genre à l’outil de lutte » dans Education consulté sur le site https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02278250/document

11 L. MARGARITO, « Influence de la littérature jeunesse dans la transmission des stéréotypes de genre » dans Education, 2017, p.5 consulté le 4 juillet 2021 sur le site ffdumas-01698499f.

12 D. POULIN, L.SERBIN, « La connaissance des catégories de genre et des stéréotypes sexués chez le jeune enfant »dans Enfance, 2006,3,Vol. 58, p. 285.

13 L. CORROY, S. JEHEL, Stéréotypes, discriminations et éducation aux médias, paris, 2016, p.115.

14Informations consultées le 30 juillet sur le site http://www.talentshauts.fr/

15V. ROUYER, Y. MIEYAA et A. LE BLANC, « Socialisation de genre et construction des identités sexuées »,dans  Revue française de pédagogie, 187 | 2014, 97-137.

16A. DAFFLON NOVELLE, Filles-garçons. Socialisation différenciée ?, Presses universitaires de Grenoble, 2006,

17 GAWRONSKI et coll., « When “Just Say No” is not enough: Affirmation versus negation training and the reduction of automatic stereotype activation », dans Journal of Experimental Social Psychology, 44, 2, Mars 2008, p. 370-377.

18M. MANUELIAN, N. MAGNAN-RAHIMI, « La littérature pour la jeunesse et le genre : un corpus face à ses contradictions ? » dans Le français aujourd’hui , 2016, 2,193, p. 54.

19J. BASDEVANT, « La littérature jeunesse et les stéréotypes de genre : du véhicule de stéréotypes de genre à l’outil de lutte » dans Education consulté sur le site https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02278250/document

Derrière les mots,… les femmes dans l’histoire

Patricia Keimeul - Administratrice FAML

Derrière les mots se cache une réalité bien plus interpellante. Refuser la prédominance du mâle passe aujourd’hui par l’écriture inclusive (illisible…), par la féminisation …des mots. Un hommage devient donc un femmage (ou mieux encore, une femmage). Des mots, toujours des mots…

Désormais, ne dites plus Journées du patrimoine, terme beaucoup trop « patriarcal » mais Heritage Days (non sans ironie lorsqu’on sait que Heritage se traduit par…patrimoine!).

Pour complaire aux ultras, la France devrait-elle changer sa devise, liberté oui, égalité oui mais fraternité ? Et la Marseillaise ? pourra-t-elle encore parler des enfants de la « patrie » comme si le pays appartenait aux hommes !

Mais derrière les mots, il y a une tout autre réalité…

Où sont les femmes dans l’histoire ? Quelle place ont-elles dans les manuels scolaires ? Dans notre culture générale ?

Où sont les peintres, les compositrices, les réalisatrices de cinéma ? Seules deux d’entre elles ont obtenu une palme d’or au festival de Cannes, Jeanne Campion l’avait reçue en 1993 pour son chef-d’œuvre « la leçon de piano » et vingt ans plus tard, c’est à Julia Ducourneau que revient cet honneur pour son film « Titane ». Deux femmes en 74 années d’existence du festival. …

Aucune autre n’a pu prétendre à cette haute récompense cinématographique.

Quant aux actrices, si elles sont nombreuses, elles obtiennent bien moins de premiers rôles que les acteurs masculins.

Que dire de la cuisine, domaine qui a toujours été réservé à la femme « de par sa nature », l’homme au boulot, la femme aux casseroles. Et, là aussi, ce sont les hommes qui brillent de leurs étoiles. Pourtant il y en a, même si celles qui voient afficher leur nom au firmament de la gastronomie avec trois étoiles ne sont que sept dans le monde ; à côté d’elles, une centaine de chefs. Si on connaît Hélène Darroze pour sa participation comme juge à l’émission Top Chef, quelles sont les autres ? Qui pourrait citer les noms d’Elena Arzak, d’Anne-Sophie Pic, de Nadia Santini, d’Annie Feolde, de Clare Smyth, de Dominique Crenn ? Alors que les noms de Guy Savoy, Alain Ducasse, Michel et César Troisgros, feu Paul Bocuse…nous viennent immédiatement sur les lèvres.

Et les scientifiques ? S’il est un domaine dont on prétend qu’il n’intéresse pas les filles, c’est bien celui des sciences.

Et si l’histoire ne célèbre pas ces dames des sciences, ce n’est pas qu’elles n’existent pas, elles sont même nombreuses. Cependant rares sont ceux qui peuvent nommer l’une ou l’autre d’entre elles.

Exception faite bien sûr de Marie Curie, de sa fille Irène Joliot-Curie… et peut-être de notre Lucia de Brouckère pour quelques anciens étudiants de l’ULB ?

En voici quelques-unes choisies au hasard dans une longue liste et dont les recherches ont eu une importance capitale dans les progrès de la science et les bénéfices (ou les effets négatifs) qui en ont découlé pour l’humanité.

Rosalind Franklin (1920-1968), physico-chimiste britannique, pionnière de la biologie moléculaire. Elle est la première à avoir formulé la structure hélicoïdale de l’ADN, découverte que se sont attribuée ses collègues masculins Watson et Crick qui recevront le prix Nobel de médecine pour cette découverte majeure tandis qu’elle restera dans l’ombre.

L’histoire célèbre Albert Einstein, ce savant de génie, mais dans son ombre, il y a Mileva, son épouse qui aurait collaboré à l’élaboration de la théorie de la relativité dont seul son illustre mari sera crédité.

Lise Meitner (1878-1968), cette physicienne austro-suédoise a découvert, avec ses collègues Otto Hahn et Fritz Strassmann, le mécanisme de la fission nucléaire à la base de l’énergie nucléaire mais aussi de l’armement du même nom. Lorsque le prix Nobel de physique fut attribué pour cette importante découverte, seul Hahn aura droit à cette récompense. Une nouvelle fois, une femme est évincée au profit d’un collaborateur.

Emilie Duchatelet (1706-1748). Obligée de se déguiser en homme pour pouvoir participer aux débats scientifiques de l’Académie des Sciences de Paris qui en interdit l’accès aux femmes, Émilie, scientifique et philosophe, collaborera avec Voltaire qui l’encouragera à approfondir ses connaissances en physique et en mathématiques.

En 1737, elle participe à un concours anonyme de l’Académie royale des sciences portant sur le feu, sa nature et sa propagation. Elle rédige une « dissertation sur la nature et la propagation du feu », étude dérivée des travaux de Newton. Bien que n’ayant pas remporté le concours, la qualité de ses écrits fait qu’ils seront publiés par l’Académie, une première pour une femme !

Ada Lovelace

Ada Lovelace (1815-1952). Son nom dira peut-être quelque chose aux geeks …

Fille de Lord Byron, Ada convaincue que la machine pourrait manipuler non seulement des chiffres mais aussi des lettres et des symboles en « tissant » des motifs algébriques, elle a inventé le premier algorithme logiciel, le premier programme destiné à être utilisé par une machine : elle est donc , en 1842, la première codeuse au monde.

Avec le mathématicien Charles Babbage, elle travaillera à la mise au point de la « machine analytique », ancêtre de nos ordinateurs.

Elle bénéficie d’une reconnaissance tardive lorsque le Département de la Défense américain donne, en 1997, son nom à un langage de programmation tandis que le CNRS nommera en son hommage un de ses supercalculateurs.

Un film lui sera aussi dédié. Elle reste néanmoins peu connue du grand public.

Jocelyn Bell, (1943) est une astrophysicienne britannique qui a découvert le premier pulsar. Ce n’est pas elle mais son directeur de thèse, Antony Hewish qui recevra pour cette découverte la récompense suprême, le prix Nobel de physique. Une fois de plus, c’est l’homme qui s’attribue sans vergogne le travail de sa collègue et le prix qui lui revenait de droit.1

Katherine Thompson (1918-2020) Cette mathématicienne de génie (elle a obtenu son diplôme d’humanités à 13 ans), informaticienne et ingénieure spatiale afro-américaine à la NASA a contribué à repousser les frontières de l’espace. Ce sont ses calculs qui ont permis à la mission Apollo 11 de se poser sur la lune et de ramener son équipage sain et sauf sur la terre.

Plusieurs fois récompensée pour ses travaux, le président Obama lui octroiera la plus haute distinction civile des États-Unis, la médaille présidentielle de la liberté, elle reste néanmoins inconnue du grand public.

Maryam Mirzakhani (1971-2011), mathématicienne née à Téhéran. Elle obtient la plus prestigieuse des récompenses attribuées dans sa discipline , la médaille Fields, équivalant du Nobel pour les mathématiques. Elle est la première femme à avoir été honorée de cette haute distinction .

Hedy Lamar, (1914-2000) cette actrice connue pour sa grande beauté est aussi, et cela on l’ignore, une scientifique et une inventrice brillante. Mariée à un marchand d’armes, elle a avec lui de nombreuses conversations autour des missiles radioguidés. Après leur séparation, elle se rend aux USA et rencontre le pianiste George Antheil. Ensemble ils imaginent  un système de codage des transmissions par étalement du spectre applicable aux torpilles radioguidées pour lequel un brevet est déposé en 1941. Cette invention importante passe inaperçue. Ce n’est que 21 ans plus tard, alors qu’elle est tombée dans le domaine public que l’armée américaine s’en saisit et fait de cette invention majeure l’ancêtre de technologies modernes comme le Wifi, le Bluetooth, le GPS et le téléphone portable.

Il faudra attendre 1997, elle a alors 82 ans, pour qu’elle soit récompensée du prix de l’Electronic Frontier Foundation. 2

Hedy Lamarr

Clémence Augustine Royer, née le 21 avril 1830 à Nantes et morte le 6 février 1902 à Neuilly-sur-Seine, est une philosophe et scientifique française. Elle a traduit en français l’ouvrage de Darwin « l’origine des espèces ».

Elle fut à la fin du XIXᵉ siècle une figure du féminisme et de la libre pensée. Vous la connaissez ?

Qui sait que le vaccin contre le COVID d’Astra Zeneca a été co-créé par une femme ? Sara Gilbert, professeure de vaccinologie à l’université d’Oxford, est une spécialiste des vaccins contre la grippe et des pathogènes viraux émergents.

Elle a dirigé l’équipe qui a mis au point le vaccin qui utilise un vecteur adénoviral en stimulant une réponse immunitaire contre la protéine de pointe du coronavirus.

Consciente du peu de visibilité qui leur est donné , la société Mattel a créé une poupée Barbie à l’effigie de la scientifique pour promouvoir les femmes dans la science et les encourager à choisir ces carrières.3

Et il y en a de nombreuses autres …

Pourquoi laisse-t-on dans l’ombre ces femmes qui ont à leur actif des découvertes d’une importance capitale pour l’humanité ? Pourquoi leur confisque-t-on les récompenses qu’elles auraient largement mérité ?

Le phénomène, théorisé par l’historienne Margaret Rossiter qui fait que les femmes, contrairement à leurs homologues masculins, ne bénéficient que très peu, voire pas du tout lorsqu’elles se font spolier par leurs collègues, des retombées de leurs découvertes et des récompenses qui les accompagnent s’appelle l’effet Matilda en référence à la militante féministe américaine du 19ème siècle Matilda Joslyn Gage. Celle-ci avait remarqué que des hommes s’attribuaient les pensées intellectuelles des femmes et que leurs contributions étaient ( et sont ?) souvent réduites à des remerciements en bas de pages.

La liste des scientifiques mâles connus est quant à elle interminable. De Thalès, Pythagore, Archimède à Oppenheimer et Stephen Hawking en passant par Newton, Darwin, Mendeleïev, Lavoisier, Volta, Fermi et tous les autres ….

Où sont les compositrices ?

Pas moins de 700 compositrices, du 17ème siècle à aujourd’hui, sont répertoriées sur une plate-forme numérique. 4Sept cents et combien d’entre elles connaissent la gloire ?

Sept cents et notre culture musicale les ignore en se limitant la plupart du temps aux « grands compositeurs », toujours des hommes. Ces dames restent une fois encore dans l’ombre.

Si le nom de Schumann est connu de tous, c’est surtout celui de Robert. Et pourtant son épouse Clara fut une excellente pianiste mais aussi une compositrice de talent. Même constat pour l’ épouse de Friedrich Mendelssohn, Fanny, pour la fille d’Ernest Boulanger, Lili,…

D’après la plate-forme, Francesca Caccini serait, au 17ème siècle, la première femme à avoir composé un opéra et Barbara Strozzi, l’une des premières compositrices professionnelles. Il semble que ce soit un secret bien gardé…

Quant à Hildegarde de Bingen (1098-1179), sainte de l’Église catholique, elle aurait été l’une des premières compositrices « connues ».

Sept cents connues probablement des seuls musicologues …

Et en peinture ?

Si Berthe Morisot, Suzanne Valadon, Sonia Delaunay, Frieda Kahlo, et Marie Laurencin célébrée par Joe Dassin … jouissent d’une certaine notoriété, combien d’autres sont restées dans les limbes de l’histoire picturale ?

La politique semble faire exception même si le nombre de femmes y reste encore beaucoup plus faible que celui de leurs homologues masculins. Peu de lois portent un nom de femme (la loi Veil en France, elle portera en Belgique le nom de Lallemand-Michielsen, donnant prédominance à son homologue masculin). Peu d’entre elles ont été à la tête d’un parti politique ou d’un gouvernement si on excepte le court intérim de Sophie Wilmès, qui, il faut le souligner, géra avec efficacité les débuts de la crise sanitaire.

Quand elles viennent à occuper des postes de premier plan dans des organismes internationaux ou à la tête de grandes entreprises publiques ou privées, on attend d’elles qu’elles se comportent comme des hommes. Ou peut-être le font-elles inconsciemment ?

Alors, femmage, matrimoine, … peut-être, mais avant tout, donner à la femme sa place dans la société et la reconnaissance à laquelle elle a droit.

On peut vivre sans la gloire qui ne prouve rien
Être inconnu dans l’histoire et s’en trouver bien …
Bourvil

On peut aussi être connue dans l’histoire et s’en trouver mieux !