Is Google God?
Pascal Simoens
ML [Morale Laïque]L’ouverture de ce début 21ème siècle s’est défini par l’arrivée des technologies des commu- nications et de l’information dans notre quotidien. A ce changement de paradigme sociétal est venu s’adjoindre l’émergence de nouvelles approches philosophiques liant l’homme et les machines.
Qui est Google et quel est son dessein ?
Notre propos n’est pas ici de valoriser l’une ou l’autre pensée, mais bien de démontrer (ou démonter ?) les mécanismes qui amènent à cette grande crainte du développement du mythique « Big Brother », omniscient de chacun de vos gestes et faits quotidiens. Parler de Google pourrait paraître simple tant il est déjà présent dans la vie de chacun d’entre nous. Mais précisons d’emblée que Google ce n’est pas qu’un moteur de recherche. C’est aussi un OS (Operating System) qui couvre plus de 80% des téléphones mobiles de type « Smartphones » ; c’est aussi de la cartographie avec Google Maps et des plans de bâtiments avec Google Earth ; il est probablement votre boite mail (Gmail), un traducteur en ligne, un réseau social (le deuxième après FB), etc. Ce que l’on sait plus rarement, c’est que Google est aussi une entreprise qui réalise des séquençages ADN avec sa société 23andMe et « accessoirement », Google fait des lunettes, des téléphones, des TV, permet à des voitures de conduire sans chauffeur (840.000 km parcourus1), vous offre la télé et la vidéo via YouTube, … sans oublier le fameux Google Books, celui qui a fait probablement le plus de polémique et qui sera l’objet d’un développement plus approfondi dans cet article.
Google en chiffres donne le vertige : c’est 6,4% du trafic mondial sur internet en 2013, plus de 2% du parc mondial d’ordinateurs et 3% de la consommation d’électricité avec ses serveurs localisés dans le monde entier (dont un en Belgique à 4 kilomètres du centre-ville de Mons, province du Hainaut). C’est aussi un milliard de dollars par mois…
Si cela peut donner le vertige des chiffres, force est de constater l’omniscience de cette entreprise qui vit avec nous, au sens premier du terme. Toutefois, Google n’est pas qu’une somme d’ordinateurs régis par des algorithmes de recherche, car derrière cette entreprise il y a des hommes, des femmes, et nous allons tenter de les présenter afin de mieux comprendre ce que cette entreprise pourrait devenir.
Le lien entre l’université, la recherche et Google est fondamental pour comprendre les enjeux de la pensée de ses fondateurs. Ce sont deux hommes qui sont, avant tout, des scientifiques et mathématiciens dans une université technologique à la pointe de la recherche dans le monde. Une université où les religions n’ont pas de droit de cité eu égard au fait que cela va à l’encontre même de la recherche scientifique. Ou plutôt, une seule religion y a droit de cité : le progrès pour et par la science. Notons d’ailleurs que l’un des deux fondateurs de Google s’est ouvertement présenté comme « athéiste», ce qui est courageux dans le pays où le président des Etats-Unis prête serment sur la Bible en citant « God bless you2 ». Toutefois, Sergey BRIN a très vite rétracté ses propos afin de ne pas faire de tort au marketing de Google (société mondiale) dans un monde de plus en plus régi par les religions.
L’homme peut-il être omniscient par la connaissance? Cette approche est-elle si éloignée des fondements de la connaissance moderne telle que définie par les penseurs de l’époque des Lumières qui prônaient la connaissance pour l’émancipation des peuples et des hommes ? Les Lumières, dont l’Europe se revendique largement sont, sans nul doute, également le fondement de l’approche technologique de Google.
Pour l’objet qui nous concerne dans cet article, Google, deux éléments sont à prendre en considération pour mieux comprendre la démarche humaniste : la première est le fait que Condorcet développe deux fondements de notre société actuelle : la liberté d’expression et les moyens de les communiquer. Il part également du principe fondateur qui dit « plus les gens sont informés, mieux ils décident ». Notre intention n’était pas de traiter des fondements de la philosophie des Lumières dans le bref aperçu qui vient d’être esquissé mais bien de décortiquer ces fondements et de les analyser à l’aune de la démarche de Google. Car que fait Google, si ce n’est :
Un travail encyclopédique
- Le développement des nouvelles technologies
- La diffusion des informations
A cela, ajoutons quand même…
- Un projet politique, au sens philosophique du terme
- Une mission messianique
Google aurait-il les mêmes objectifs que les Lumières? Certainement oui mais avec les outils de son époque: la révolution numérique. Toutefois, compiler des données qui se trouvent sur internet ne suffit pas pour avoir une connaissance du monde, ou comme aime à le dire les patrons de Google « une conscience mondiale ». Google a donc besoin de se constituer lui-même une encyclopédie du monde. Et comment ? Par Google Books.
Google Books c’est le rêve inachevé de Paul Otlet avec son Mundaneum : répertorier toutes les données du monde. Mais Larry PAGE et Sergey BRIN vont plus loin, ils désirent absorber la conscience du monde.
… la conscience du monde… pourquoi ?
Pour comprendre cette démarche il faut une méthode et quoi de plus normal que de numériser tous les livres dans le monde pour comprendre l’esprit et l’intelligence qui décrivent ce monde ? C’est de la sorte que depuis plus de 5 ans, Google numérise tout ce qui s’écrit et, surtout, tout ce qui a été écrit dans les bibliothèques mondiales.
Complétons cette analyse en nous arrêtant un instant sur la notion de « conscience du monde ». Cette approche presque messianique n’est à prendre en considération que si l’ensemble de la connaissance du monde permet de faire ressortir de nouvelles idées, de bonnes idées… car comme le défendaient les Lumières, on s’émancipe des dogmes à savoir plus et mieux. Google ne fait rien d’autre pour le moment.
Les technologies au service de Google.
Avant de conclure cet article, il nous semble nécessaire de présenter la stratégie de Google initiée par ses fondateurs et proches. Simplement, Sergey et Larry sont convaincus que la technologie va changer le monde ; et comment leur donner tort ? Ce qui pose plus de questions c’est quand l’on sait que ces deux Geeks ont une approche très messianique de leur vision. Résumons-la par ces quelques points :
- L’homme est perfectible, il faut le rendre meilleur
- Il est perfectible par son corps et son esprit
- Il faut donc améliorer son corps par la technologie
- Et par ailleurs, pouvoir corriger les erreurs de son
Ces deux théories sont amplement critiquées scientifiquement, toutefois, force est de reconnaitre qu’elles n’ont pas pu encore être démenties. D’une part, la frise chronologique de Ray Kruzweil3 n’a jamais été démentie et il est difficile de nier que l’électronique envahit de plus en plus le quotidien de l’homme, ne serait-ce que pour des questions médicales.
C’est ainsi que selon certains chercheurs la singularité est programmée pour la troisième décennie du 21ème siècle, soit dans moins de 10 ans. Le même objectif que Google pour la création de sa propre I.A4… Et, ajoutons, avec une intelligence machiavélique pour y arriver.
En effet, même avec toute la performance informatique du monde, sans base de données suffisamment complexe ; cela reste du silicium et des nanotubes de carbone pour les prochaines puces quantiques. Dès lors, Google s’est mis en tête d’agréger l’ensemble des connaissances du monde pour l’offrir à la connaissance de programmation de son I.A.. Ils espèrent de la sorte, créer une singularité par l’apprentissage et à partir de la connaissance.
Sur le principe, pouvons-nous critiquer ? La Renaissance et les Lumières, n’ont-elles pas créé elles-mêmes une « singularité » scientifique et spécifique à leur époque ?
Plus généralement, cette échéance semble inéluctable et ne devrait pas faire peur auprès des personnes prônant les valeurs humanistes. Toutefois, il parait important que les conditions soient garanties quant à l’information du protocole de l’expérience. Et pour comprendre toute
l’expérience actuelle de Google, il faut également prendre en compte dans notre analyse le fait que Google investit massivement dans la génétique et la robotique.
« Is Google God ?»
Selon White, nous leur donnons des qualités divines et nous sommes fascinés par leur puissance. Il suffit de voir la ferveur digne des jours du Mondial de la jeunesse chrétienne la sortie du dernier IPhone! La recherche a d’ailleurs montré que la marque à la pomme provoque la même réaction chimique dans le cerveau de certaines personnes, que celle d’une expérience religieuse profonde. Et dans le cas d’Apple, Steve Jobs était le Messie.
Le 1er mai 2002, Larry Page répond à une interview à l’université de Stanford sur sa vision de Google. Il répond sans ambages : « La Mission que je me suis promise pour vous va prendre encore un peu de temps jusqu’à la découverte de l’IA. Je ne sais pas si vous voyez ce que cela signifie ? L’intelligence artificielle (…). Si vous trouvez la solution de cette recherche, vous pouvez répondre à toutes les questions, cela signifie que vous pouvez potentiellement tout faire.»
Conclusion
La question de l’évolution de notre société est menée actuellement par les scientifiques, enfants des Lumières. Et pourtant, l’adage veut que « le 21ème siècle sera religieux ou ne sera pas ». Une nouvelle catégorie de religieux est apparue, celle des scientifiques religieux, une religion technologique basée sur les écrits, voire les commandements des Lumières. Ces mêmes Lumières qui façonnent également la pensée laïque européenne, là est tout le paradoxe. Nous sommes donc en questionnement vis-à-vis du principe qu’une pensée libre peut devenir un dogme et devons à chaque instant, toujours remettre en question les choses, jusqu’à leurs fondements… pour rester libres dans le monde qui s’ouvre à nous et qui n’a rien à voir avec le monde que nous connaissons. Mais qui, aujourd’hui, oserait dans une conversation de table de laïques remettre en cause les fondements des Lumières qui remettraient en cause l’identité même de l’Homme dans les décennies à venir ? Un avenir qui est, plus qu’à tout autre moment, incertain. Cette incertitude, il faut la cerner, et ensuite certainement agir, quitte à remettre tous les dogmes actuels en cause. Dans cette démarche de remise en cause, nous reprendrons à notre compte cette phrase de Charles Darwin :
«Ce n’est pas le plus fort des espèces qui survit, ni la plus intelligente qui survit c’est celui qui est le plus adaptable à changer. »
1 Source wikipedia, en date de mars 2010. Depuis, le prototypage de la Google Car a été présenté au public.
2« Dieu nous protège »
3Raymond C. Kurzweil (ou Ray) (kɚzwaɪl), né le 12 février 1948, est un informaticien américain, créateur de plusieurs entreprises pionnières dans le domaine de la reconnaissance optique de caractères (OCR), de la synthèse et de la reconnaissance vocales, et des synthétiseurs électroniques. Il est également l’auteur de plusieurs ouvrages sur la santé, l’intelligence artificielle, la prospective et la futurologie. Il est l’un des théoriciens du transhumanisme et de la singularité technologique. Source Wikipédia, 30 novembre 2014
4 I.A. Intelligence Artificielle