La femme, son statut et ses (non) droits à travers l’histoire

Il suffit d’ouvrir un manuel d’histoire pour constater à quel point les femmes sont absentes dans ce domaine. Il y a bien quelques grandes dames dont on cite le nom et les exploits. Les femmes du commun des mortels, passent elles complètement à la trappe. Si depuis quelques décennies, on tente d’écrire une histoire de la femme, il n’est pas toujours évident de trouver les sources nécessaires dans une histoire écrite essentiellement  par des hommes pour des hommes.

A la préhistoire

Il est difficile de savoir ce qu’il en est réellement des femmes, de leurs droits et de leur statut à cette période. L’absence de textes complique l’étude de ces temps reculés et tout ce qui est envisagé par les différents scientifiques relève de l’hypothèse. Au XIXe siècle, les préhistoriens ont popularisé l’image des premières femmes « occupées à cueillir des baies en attendant le retour de leurs mâles chasseurs qui les entraîneront par les cheveux au fond de la caverne… »[1]

Mais aujourd’hui, beaucoup de spécialistes s’accordent à dire que l’image développée à cette époque et ensuite véhiculée par les films et la littérature est probablement biaisée. Des anthropologues s’orientent vers une théorie selon laquelle : « les hommes préhistoriques auraient été beaucoup plus calmes et organisés, avec des principes d’égalité entre hommes et femmes que ce que l’on aurait envisagé ».[2]

Des études sur des tribus modernes  de chasseurs-cueilleurs montrent une répartition égalitaire des tâches entre les hommes et les femmes. Des anthropologues pensent qu’on peut transférer cette logique moderne à la préhistoire puisque ces sociétés présentent beaucoup de similitudes. On peut supposer que : « les femmes avaient un rôle économique et social important avec des activités liées à la transformation et aux transports des animaux morts : les tâches sont attribuées en fonction des capacités et non du sexe. Elles avaient un rôle actif de cueillette et de collecte ». Les anthropologues supposent que les femmes avaient le droit de s’exprimer et étaient probablement aussi écoutées que les hommes.

 

 

Durant l’antiquité

En Mésopotamie, entre 1792 et 1750 avant J.-C., les femmes semblent protégées par des textes de lois précis comme c’est le cas dans le code Hammurabi. Elles sont lourdement punies lorsqu’elles commettent des fautes mais « elles sont aussi protégées du viol avec la peine de mort pour le coupable ». [3] Les femmes n’ont pas accès au pouvoir mais elles peuvent exercer certaines fonctions importantes comme être scribes.

Quelques siècles plus tard, en Grèce et plus particulièrement à Athènes, dans les familles aisées garçons et filles         reçoivent très tôt une éducation différente, puisque dès sept ans, les deux sexes sont séparés. Aux hommes, les apprentissages intellectuels, aux femmes on réserve une formation orientée vers la gestion de la maison et du domaine (travail de la laine, gestion du personnel …). Des formations qui s’expliquent par les tâches à venir de chacun de deux sexes puisque « les garçons sont formés à leur futur rôle de guerrier ou de citoyen  et les filles à leur futur rôle de mère et d’épouse ou de gestionnaire du domaine familial ».[4] En effet, les femmes n’ont pas le statut de citoyennes mais d’épouses ou de mères de citoyen. Elles ne peuvent accéder à la justice qu’avec l’accord de leur mari ou d’un tuteur. Il en va de même pour avoir accès à la propriété, elles ne peuvent pas posséder de biens immobiliers. [5]

Durant la Rome républicaine, la « société est fondée sur un système d’inégalité entre les citoyens, dans lequel les droits et les devoirs sont à géométrie variable, et sont essentiellement proportionnels à l’importance de la naissance et de la fortune » et aussi du sexe.

Les femmes sont tenues à l’écart des fonctions publiques et civiques. Le droit romain est clair: il n’est de citoyenneté possible que pour les hommes. Il n’existe même pas de terme pour désigner une citoyenne. [6]

Dans une jurisprudence romaine datée du Ve siècle avant J.-C., on apprend que les femmes même lorsqu’elles sont majeures doivent rester sous tutelle « sous une autorité masculine, que ce soit la potestas du père, la manus du mari, ou la tutelle d’un frère, d’un oncle ou d’un membre extérieur à la famille ».  [7]

Au Moyen-âge

Les femmes sont souvent absentes des sources puisque les textes sont écrits par des hommes qui ne leur accordaient que très peu d’importance. Le Moyen-âge ne fait pas exception à la règle. Seules les reines et les abbesses font couler un peu d’encre. De cette période considérée souvent comment période noire, on n’attend pas beaucoup d’amélioration des droits de la femme. Les viols, les droits de cuissage inondent la littérature et les films. Qu’en est-il  vraiment ?

Quand on parle des autres femmes ce n’est pas souvent en termes élogieux. On trouve dans certains textes que le mari peut frapper sa femme. En effet, dans les Coutumes de Clermont-en-Beauvaisis,  un ouvrage de droit français  écrit par Philippe de Beaumanoir à la fin du XIIIe siècle, on conseille même de réprimander son épouse  si elle est désobéissante.

Pourtant, les femmes mariées ont  quant à elles, des droits avancés et jouent un rôle beaucoup plus important que dans certaines régions et période de l’Antiquité. Elles peuvent hériter de terres, gérer des fiefs lorsque leur mari est absent, saisir les tribunaux. [8]

Au XIIIe siècle, les femmes  ont le droit de travailler : « Les corporations d’artisans se montrent ouvertes aux femmes. (…) Les statuts de la corporation des fourreurs de Bâle, rédigés en 1226, leur accordent les mêmes droits qu’aux hommes. (…) Elles sont également présentes dans les soins de santé. Elles exercent des emplois de sages-femmes mais aussi de médecins. On les retrouve aussi dans l’éducation. À Paris, on compte vingt-et-une maîtresses d’école à la tête d’écoles élémentaires de jeunes filles.[9] Au XIIIe siècle, on retrouve aussi des femmes libres qui se sont battues aux côtés des paysans contre l’oppression féodale. « Des femmes qui ont organisé la première grève des femmes à Bruxelles : elles considéraient que leur salaire versé par la Corporation des tisserands était insuffisant. Ce secteur était florissant en Belgique et reconnu internationalement. Elles ont donc arrêté le travail et ont menacé le secteur de la tapisserie d’être en faillite car leur travail se situait au début de la chaîne. Elles ont obtenu gain de cause : leur salaire a été augmenté. »[10]

On voit encore ici que l’obtention ou le maintien des droits de la femme est loin d’être une histoire linéaire.

A partir de 1300, des règlements urbains cherchent à  exclure les femmes des commerces qu’elles pouvaient tenir. En France aucune femme n’est  habilitée à étudier, ou encore moins à enseigner dans les universités. Les femmes perdent progressivement des droits.

Aux temps modernes

Si cette période est celle de la redécouverte de l’Antiquité en termes culturels et place l’Homme au centre de tout, on aurait pu espérer que les intellectuels de l’époque donnent aux femmes un statut équivalent au leur. Mais au contraire « C’est le début d’un mouvement souterrain qui va complètement évincer les femmes des fonctions publiques au 16e siècle et tenter de les renvoyer à leur vocation de potiche ». [11]

En effet, pour la femme, on assiste à « un durcissement de ses conditions de vie dans nombre de domaines et, pire, à  un recul de ses droits civiques, les femmes redeviennent des éternelles mineures.[12]

C’est à cette époque que les procès en sorcellerie débutent réellement contrairement à l’imaginaire collectif qui les place plutôt au Moyen-âge. En effet, c’est au XVe siècle et majoritairement au XVIe et au XVIIe siècle qu’on assiste à de nombreux procès pour sorcellerie. On accuse les femmes sans enfants  pour détourner l’impuissance de l’homme. Beaucoup de sages-femmes et de guérisseuses se sont vu également condamnés.[13] Pendant la Renaissance, « l’homme est remis au centre. Mais c’est de l’homme (petit h) dont on parle, pas l’Homme… Et toutes les femmes détentrices d’un certain savoir, et par extension d’un certain pouvoir, furent persécutées»[14]

 

 

La Révolution française

Une nouvelle chance pour les femmes d’être mieux considérées ?

Les femmes se sont battues pour l’égalité. Sur les représentations iconographiques de la Révolution française, on peut voir des hommes et des femmes qui mènent ensemble des actions: « prise de la Bastille, scènes de rue, de procès, d’assemblée, de pillage, d’exécution, de soutien aux armées partant défendre «la patrie en danger» ».

Les hommes ont pourtant réussi à les faire disparaître dans l’historiographie traditionnelle. On ne parle que d’hommes à l’exception de quelques femmes extraordinaires. La femme est totalement effacée comme si ce n’avait pas été le fruit de toute la population mais une révolution purement masculine.

Si la Révolution et son principe d’égalité laissaient augurer une amélioration et un changement de statut pour la femme. Il n’en est rien dans la réalité. Les femmes obtiennent bien le titre de «citoyenne» mais n’acquièrent pas pour autant de droits politiques et n’ont légalement pas le droit de vote.[15]

Pourtant, ce n’est pas l’intérêt politique qui manque chez les femmes.  Elles sont très  assidues dans les assemblées révolutionnaires. [16] Certaines d’entre elles expriment même des idées féministes qui visent à améliorer leur statut comme Olympe de Gouges et sa Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne mais le combat pour l’égalité reste encore long et difficile.

Sous l’Empire

Aucun droits politiques ou civils ne lui sont accordés. La femme reste une  éternelle mineure placée sous la coupe de son mari ou de celle de son père.

Depuis le 7 novembre 1800 en France,  les femmes ne pouvaient plus porter le pantalon sous peine d’être accusées de travestissement. Une loi qui n’a étonnement été abrogée qu’en 2013.[17]

En France, les premières revendications politiques apparaissent durant la Révolution de 1848, avec la mise en place du suffrage universel, encore réservé aux hommes.

Le XXe siècle

« Les femmes mariées obtiennent le droit d’ouvrir un compte d’épargne et d’en retirer de faibles sommes sans l’autorisation de leur mari. Elles peuvent aussi conclure un contrat de travail et toucher une partie de leur propre salaire. Elles peuvent dépenser cet argent sans autorisation de leur mari pour autant qu’il soit affecté aux besoins du ménage. Toutes les restrictions à disposer de son propre revenu professionnel seront levées en 1922, et le droit de percevoir sa propre pension sera instauré en 1928 ». Autant de choses qui semblent tellement naturelles actuellement, tellement inimaginables qu’elles en sont risibles et qui est pourtant, pour obtenir ces droits, il a fallu de longues luttes. En France, les femmes auront dû attendre jusqu’en 1965 et en 1976 en Belgique pour avoir le droit d’ouvrir un compte en banque sans l’accord de leur mari.   [18]

Si actuellement en Belgique, on a progressé sur la route de l’égalité homme-femme, la route reste encore très (trop) longue. On assiste encore à des inégalités salariales si deux individus salariés de la même société et possédant le même niveau de qualification exécutent des tâches similaires mais que par contre ils ne sont pas payés de la même façon. Bien que cette pratique soit illégale, il arrive encore que des hommes soient payés plus que des femmes à diplôme et poste équivalent.

Les femmes sont les grandes absentes de la hiérarchie dans bon nombre de sociétés. On explique souvent ce phénomène par le « plafond de verre ». Expression qui renvoie au fait que les femmes peuvent progresser dans la hiérarchie de l’entreprise mais seulement jusqu’à un certain niveau. Elles n’atteignent que rarement les postes les plus hauts. Comment expliquer que la Belgique n’a jamais eu de premier ministre femme jusqu’à la nomination de Sophie Wilmès dans une fonction que peu d’hommes auraient accepté pour combler le vide du pouvoir fédéral ? Et même en regardant chez nos voisins, les dirigeants femmes sont à compter sur les doigts d’une main. [19]

On l’a vu à travers l’histoire, jamais les droits ne sont totalement acquis pour la femme et un retour en arrière n’est jamais impossible. Il ne faut pas aller très loin ni géographiquement ni dans le temps pour assister à des pertes de droits pour la gente féminine. En 2016, La Pologne a tenté d’interdire totalement l’avortement mais sous la  pression, l’a fortement limité : il n’est autorisé qu’en cas de viol, d’inceste, de danger pour la mère ou de malformation irréversible du fœtus. A Malte, en 2019, il reste interdit qu’importe le motif et implique une peine de prison pour la femme et le médecin qui ne respecteraient pas l’interdit.  [20]

Les religions « Les religions n’aiment pas les droits des femmes » [21]? On peut se poser la question quand on assiste à des situations comme celle d’une fillette de neuf ans  qui est excommuniée pour avoir avorté suite aux viols répétés de son beau-père et face au risque important de décès pour la jeune mère.  Pour citer Geneviève Fraisse : « Allons-y sans détour : aucune religion ne pense l’égalité des sexes, aucun des trois monothéismes notamment. Chrétiens, juifs, musulmans louvoient tous à leur façon pour éviter cette question brutale : l’égalité, doublée de la liberté, pour tous et toutes ». [22]

Peut-on vraiment lui donner tort ? Restons vigilant(e)s, l’histoire nous a appris qu’en matière d’égalité homme-femme rien n’est jamais acquis définitivement.

Marie Béclard
FAML

 

[1] I. GREGOR, Les tribulations des femmes à travers l’Histoire, herodote.net, p.8.

[2] https://www.hominides.com/html/actualites/egalite-sexes-prehistoire-0924.php

[3] I. GREGOR, Les tribulations des femmes à travers l’Histoire, p.14.

[4] C. MARISSAL, Femmes hommes Un passé commun Antiquité et Moyen âge, http://www.avg-carhif.be/media/d_Femmesethommesdanslhistoire_71317.pdf

[5] A. CHATELARD, « minorité juridique et citoyenneté des femmes dans la Rome » dans Clio. Femmes, Genre, Histoire » 2016/1, 43, p.27.

[6] A. CHATELARD, « minorité juridique et citoyenneté des femmes dans la Rome » dans Clio. Femmes, Genre, Histoire » 2016/1, 43, p.27.

[7]

[8] https://www.boutique.afnor.org/resources/8c157a96-2705-475d-b149-785413ce2091.pdf

[9] I. GREGOR, Les tribulations des femmes à travers l’Histoire, herodote.net, p.54.

[10] Conférence : le féminisme ne sert plus à rien, p. 3 consulté le 10 octobre 2019 sur http://www.lepoissonsansbicyclette.be/wp-content/uploads/2018/04/180318-Ape%CC%81ro-le-fe%CC%81minisme-c%CC%A7a-sert-plus-a%CC%80-rien-.pdf

[11] I. GREGOR, Les tribulations des femmes à travers l’Histoire, herodote.net, p.57.

[12] I. GREGOR, Les tribulations des femmes à travers l’Histoire, herodote.net, p.59.

[13] Informations consultées le 11 octobre 2019 sur le site https://www.franceinter.fr/culture/la-chasse-aux-sorcieres-la-face-cachee-de-la-renaissance

[14]

[15]N. THÉVENET,  Les femmes et la Révolution française, https://www.reseau-canope.fr/la-classe-loeuvre/fileadmin/user_upload/projets/musee935/MRF-DossierPed-FemmesRevol.pdf

[16] N. THÉVENET,  Les femmes et la Révolution française, https://www.reseau-canope.fr/la-classe-loeuvre/fileadmin/user_upload/projets/musee935/MRF-DossierPed-FemmesRevol.pdf, p.4.

[17] Informations consultées dans l’article, Les femmes ont (enfin) le droit de porter un pantalon

https://www.bfmtv.com/politique/femmes-ont-enfin-droit-porter-un-pantalon-439964.html

[18] Conférence : le féminisme ne sert plus à rien, p. 6 consulté le 10 octobre 2019 sur http://www.lepoissonsansbicyclette.be/wp-content/uploads/2018/04/180318-Ape%CC%81ro-le-fe%CC%81minisme-c%CC%A7a-sert-plus-a%CC%80-rien-.pdf

[19] Informations consultées le 4 septembre sur le site https://igvm-iefh.belgium.be/fr/activites/emploi/plafond_de_verre

[20] Informations consultées le 4 septembre sur le site https://www.touteleurope.eu/actualite/le-droit-a-l-avortement-dans-l-ue.html

[21] Religions et droits des femmes : un combat éternel  Informations consultées le 4 septembre sur le site genreenaction.net/Religions-et-droits-des-femmes-un-eternel-combat.html

[22] Religions et droits des femmes : un combat éternel  Informations consultées le 4 septembre sur le site genreenaction.net/Religions-et-droits-des-femmes-un-eternel-combat.html