Le COVID-19, nouvel ennemi des droits des femmes ?

La pandémie de COVID-19 met en évidence, encore davantage, les inégalités femmes-hommes et la condition des femmes dans nos sociétés pourtant dans un projet égalitaire. La commission Jeunes du Conseil des femmes francophones de Belgique a souhaité faire le point et passer en revue, de façon synthétique, les différentes thématiques qui touchent aujourd’hui les femmes dans cette situation particulièrement difficile.

Après avoir détaillé plusieurs aspects saillants de la situation actuelle, nous proposons des pistes grâce auxquelles l’État et les citoyen∙nes peuvent agir pour aider les femmes durant la crise.

“N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant.”

Nous découvrons aujourd’hui que cette citation de Simone de Beauvoir est malheureusement aussi valable dans le cadre d’une crise sanitaire. Cette crise que nous vivons a déclenché une crise à la fois politique, économique et spirituelle.

Depuis le début de cette crise, si les femmes sont en première ligne dans de nombreux secteurs de première nécessité, elles sont pourtant, toujours et encore, frappées par des inégalités croissantes, conséquences entre autres des mesures de confinement.

Que ce soit l’augmentation des violences au domicile, les menaces sur les droits sexuels et reproductifs, ou encore les risques de précarité et de pauvreté qui sont, comme auparavant, plus élevés pour les femmes, le chemin à parcourir pour une réelle égalité femmes-hommes est encore long. Il faut s’en rendre compte maintenant pour pouvoir réfléchir le monde de demain !

I. Comment les femmes sont-elles touchées par le Covid-19?

Pourquoi parler des femmes en particulier ? Parce qu’en première ligne, elles sont par conséquent et indéniablement les plus touchées par la maladie. En Belgique, les chiffres de l’ONSS quantifiant l’emploi des femmes par secteur d’activité le démontrent:

  • 80% dans le secteur hospitalier
  • 88% dans les maisons de repos et de soins
  • 86,5% dans les maisons de repos pour personnes âgées
  • 96% dans les crèches
  • 95% dans le secteur des aides familiales à domicile
  • 60% dans le secteur du commerce de détail en magasin non-spécialisé (grande distribution)

Les femmes sont donc bien majoritaires dans les secteurs les plus touchés par la crise, les métiers dits du care (soins aux personnes) ou encore des professions dites « féminines ». Ce sont des secteurs essentiels, et pourtant ils sont, socialement et financièrement, dévalorisés et peu soutenus par les pouvoirs publics.

Ce sont donc, encore et toujours, les femmes qui payent le prix fort. En effet, cette crise aggrave profondément les inégalités et la précarité de ces métiers, mais également les discriminations que subissent les femmes en général.

Santé

Les droits sexuels et reproductifs sont déjà, en temps normal, particulièrement attaqués. La crise renforce ces menaces dans le monde entier.

Interruption Volontaire de Grossesse (IVG)

Les menaces visant le droit à l’IVG s’aggravent durant cette période, les anti-choix ayant bien évidemment saisi le prétexte de la crise sanitaire pour tenter d’imposer des restrictions dans l’accès à ce droit. Que ce soit aux États-Unis, en Pologne, ou encore en France, les défenseu∙r∙se∙s du droit à l’avortement sont tou∙te∙s extrêmement préoccupé∙e∙s de l’impact de la crise sur l’accès à l’IVG.

L’argument principal des anti-choix est de dire que l’IVG n’est pas un acte essentiel durant cette crise, et que les femmes occuperaient « inutilement » des lits dans les hôpitaux qui devraient plutôt être réservés pour les personnes gravement atteintes du coronavirus.

En Belgique, les centres de planning familial (CPF) ont été définis dès le début du confinement comme des secteurs essentiels qui devaient rester ouverts ; leur travail en tant que tel n’est donc pas pour l’instant menacé. Mais sur le terrain, de nombreux centres sont fermés, restant accessibles seulement par téléphone.

La proposition de loi qui prévoit une extension du délai pour une IVG jusqu’à 18 semaines ayant fait l’objet de manœuvres juste avant le début de la crise pour retarder son adoption par la large majorité qui la soutient (8 partis politiques sur 12), le délai légal en Belgique reste à 12 semaines. Par conséquent, les femmes belges ou résidentes belges dépassant le délai doivent se rendre aux Pays-Bas, où le délai est de 22 semaines. Chaque année, elles sont entre 400 et 500 à le faire, ce qui signifie que les mesures de sécurité actuelles leur sont particulièrement défavorables et peuvent entraver leur droit à l’IVG. Pour le moment, les CPF rédigent une attestation de soins urgents gynécologiques, soins qui sont indisponibles en Belgique, afin de permettre aux femmes de passer la frontière. Cette situation est très stressante pour un grand nombre de femmes, qui n’oseront peut-être pas se rendre dans un CPF pour une IVG (par peur de la maladie, ou parce qu’elles pensent que les médecins ont mieux à faire). Les professionnel∙l∙es craignent donc de devoir faire face à un grand nombre de demandes d’IVG qui seront hors-délais lorsque le confinement sera levé.

Contraception

En Belgique, la contraception régulière se délivre habituellement sous ordonnance. Avec les mesures de sécurité actuellement en vigueur, il est plus difficile pour les femmes de se procurer cette ordonnance. Les raisons en sont nombreuses : pas de médecin généraliste, peur de contacter un∙e médecin qui a « sûrement mieux à faire », pas de possibilités de se rendre dans une pharmacie, etc.

Les CPF enregistrent une baisse de 80% par rapport aux demandes habituelles, ce qui les inquiètent fortement. Si les femmes peuvent demander aux centres de planning familial une prolongation de contraception, celle-ci est unique et ne peut donc pas être renouvelée…

Les professionnel∙le∙s de la santé encouragent actuellement les femmes à opter pour une contraception de longue durée, plus sûre étant donné les circonstances, d’autant que personne ne connaît la date à laquelle nous pourrons circuler à nouveau sans entrave.

Autre problème d’envergure : la contraception d’urgence. En pharmacie, la contraception d’urgence est disponible sans prescription. Il faut alors payer le prix plein et ensuite, puis demander le remboursement à sa mutualité (remboursement soit total, soit la contraception d’urgence vous aura coûté moins d’1€). Le coût peut cependant s’élever jusqu’à 50€. Là encore, certaines femmes en situation de précarité ont davantage de difficultés à mettre 50€ dans cette contraception d’urgence, ce qui une fois de plus renforce les inégalités sociales et la précarité des femmes. Ne pas pouvoir prendre la contraception d’urgence, c’est risquer une grossesse non-désirée, ce qui peut résulter dans quelques semaines en une demande d’IVG. Les CPF redoutent un pic de demandes d’IVG après le confinement.

En ce qui concerne la production et l’expédition des marchandises, nous avons appris qu’il y a un risque certain de pénurie de préservatifs dans les prochains mois. Les retards importants causés par la fermeture des usines, notamment celles qui produisent des contraceptifs, augurent d’une pénurie au niveau mondial de tous les moyens de contraception en 2020-2021. Il est urgent que les pouvoirs publics s’en saisissent d’autant que le secteur de la pharmacie est renommé et bien développé en Belgique.

Accouchements

En France, on interdit dans certains hôpitaux à l’autre parent ou à un proche d’assister à l’accouchement, par mesure de sécurité. Cette interdiction est source d’angoisses et de traumatisme chez la femme qui, sur le long terme, peuvent aussi provoquer un syndrome de stress post-traumatique.

En Belgique, cette interdiction n’est pas constatée ; il faut cependant rester vigilant∙e∙s !

Violences

Les chiffres le démontrent, en Belgique comme partout ailleurs, les violences envers les femmes augmentent en période de confinement.

Confinées avec un compagnon violent sans possibilité de s’échapper, dans une promiscuité qui augmente les tensions, ces femmes ne peuvent pas ou difficilement appeler au secours, étant surveillées et sans possibilité de s’isoler pour lancer un appel à l’aide.

En Belgique, on a constaté une hausse de 70% d’appels au numéro d’Écoute violences conjugales (0800/30.030). Une initiative à saluer : à Mons, les pharmacies ont mis en place un dispositif qui permet aux femmes de demander de l’aide discrètement.

Depuis #metoo, les violences envers les femmes ont enfin été considérées comme un dossier prioritaire par les politiques. Ainsi, une task force a récemment été mise en place par la Wallonie, la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), la Région bruxelloise et la Cocof, dont la mission est de s’assurer que les infrastructures d’accueil sont suffisantes pour répondre aux besoins d’éloignement en urgence du domicile.

Une campagne de communication, rappelant les différents numéros des services d’urgence, d’écoute et de soutien est aussi diffusée tout comme le rappel de la ligne d’écoute gratuite pour les violences conjugales : 0800/30.030.

Le 2 avril, la Conférence interministérielle (CIM) rassemblant 12 cabinets ministériels s’est réunie, dans l’objectif de lutter contre les violences et de nombreuses mesures ont été prises ou accentuées. Par exemple : les lignes d’écoute/chat ont été renforcées, la prise en charge des auteurs assurée, via Praxis ou les Maisons de justice, par téléphone et vidéoconférence.  Quant aux Centres de Prise en charge des Violences Sexuelles (CPVS), ils continuent à fonctionner 24h/24 et la COL 4/2006 destinée aux procureurs généraux, une circulaire connue sous le nom de  « tolérance zéro » doit être strictement appliquée.

On constate cependant un manque de coordination entre les différentes zones de police de Bruxelles. Celle de Bruxelles-Nord a décidé, dès le début du confinement, de reprendre contact avec les victimes qui avaient déposé plainte précédemment, démarche pro-active à saluer, alors que les autres zones de police ont tardé à s’aligner sur cette démarche, qui s’est heureusement généralisée depuis.

Sur le plan judiciaire,  nous connaissons les difficultés rencontrées par les femmes pour se faire entendre, et la suspicion qui continue à peser sur leurs plaintes et les constats de violences, qu’elles demandent à la justice de condamner.

En cette période, l’inquiétude reste donc de mise, car le monde policier et judiciaire reste très peu formé à la prise en compte et à la compréhension des mécanismes de violence. Ils sont peu ou pas formés pour la déceler et l’appréhender.

Concernant les femmes en situation de prostitution, la crise les touche tout particulièrement. En effet, elles n’ont plus aucun revenu, et n’étant pas déclarées elles ne touchent aucune aide sociale. Elles sont donc particulièrement à risque : si elles arrêtent, elles sont confrontées à une pauvreté et précarité immédiate ; si elles continuent, elles risquent de tomber malade et de propager l’épidémie. La situation tragique dénoncée en France n’est pas différente chez nous ; iI est en conséquence urgent d’aider ces femmes invisibles aux yeux de l’État belge qui ne leur garantit pas les droits fondamentaux qui leurs reviennent.

Sexisme et stéréotypes

80% des chef.fe.s de familles monoparentales sont des femmes. Le sexisme d’avant confinement aggrave leur situation dans de nombreux domaines de la vie quotidienne.

 Charge ménagère

En plus d’occuper les métiers essentiels dans la lutte contre l’épidémie, ce sont aussi les femmes qui sont principalement confrontées au travail invisible et non-rémunéré, regroupant les tâches ménagères, la cuisine, les courses, etc. Selon une étude de l’Iweps en 2017, les hommes consacrent 8% de leur temps aux tâches ménagères et familiales, tandis que les femmes y consacrent 13%. Chez nos voisins français, une étude de l’Insee a démontré que les femmes accomplissaient en moyenne 70% du travail familial et domestique.

Avec deux parents à la maison, on aurait pu imaginer une meilleure répartition des tâches, une prise de conscience de la part du compagnon … C’est beau de rêver ! Malheureusement, les inégalités dans les foyers se renforcent, et les mécanismes mis en place ne changent pas nécessairement. Les femmes sont ainsi au service du foyer 24h/24h. Cela peut s’expliquer par le fait que l’humain, en temps de crise, doit s’appuyer sur des habitudes et des repères, ce qui veut donc dire que la répartition des tâches peut difficilement changer durant cette période.

En plus de cette charge ménagère, une grande partie de la prise en charge émotionnelle repose sur les femmes. Cette charge émotionnelle explose en temps de crise, puisqu’il s’agit pour les femmes de rassurer leurs proches tandis que personne ne les rassure en retour.

Injonctions de beauté aux femmes

Depuis le début du confinement, on voit beaucoup de posts d’« humour » qui circulent sur les réseaux sociaux vis-à-vis des femmes et de leur apparence durant cette période. Même en confinement, il faudrait se maquiller, être bien habillée, bien épilée, et être toujours gracieuse et élégante, et bien sûr tout faire pour rester mince ou le devenir. Quelle que soit la situation, les injonctions envers les femmes sont multiples et concourent à les responsabiliser quant à leur physique, et à la culpabiliser si elles ne correspondent pas aux critères esthétiques édictés par les autres.

Il est essentiel de rappeler que le corps des femmes leur appartient, et de combattre ces injonctions et stéréotypes sexistes.

Le harcèlement de rue

On aurait pu espérer que, vu la distanciation physique et la raréfaction des sorties dans l’espace public, les femmes subiraient moins de harcèlement.

Au contraire, la situation semble s’aggraver. Même lors de sorties exceptionnelles et nécessaires,  les femmes subissent encore sifflements, remarques et insultes sexistes, regards insistants de harceleurs « qui s’ennuient et sont encore plus excités ». De plus, les rues étant plus désertes, les femmes se sentent moins en sécurité et sont donc plus vulnérables face à aux agresseurs.

Les plaintes à la police n’augmentent pas pour autant : d’une part, les femmes évitent un maximum de déplacements et d’autre part, le harcèlement est à ce point quotidien qu’elles ne rapportent pas ces faits à la police, car soit elles les minimisent, soit elles ne sont pas informées qu’il s’agit de délits punissables.

Quotidien, vous êtes sûres ? Oui ! Les chiffres parlent d’eux-mêmes, avec plus de neuf femmes sur dix qui affirment avoir déjà été confrontées publiquement à des comportement sexistes. Alors si le coronavirus va peut-être changer la face du monde tel qu’on le connaît, il ne changera pas le fait que les femmes détesteront toujours autant se faire alpaguer en rue, comme être réduite par des insultes et autres manifestions déplacées à une dimension sexuelle infériorisante.

Précarité et pauvreté

Perte d’emploi et de revenus

Il a déjà été constaté que les personnes les plus démunies d’un point de vue sanitaire et économique étaient les premières victimes du virus. Être une femme constitue donc une double peine. En effet, pour les femmes, l’impact économique négatif du Covid-19 est exacerbé.

Pourquoi ? Car elles ont davantage d’emplois précaires de manière général (près de 60% d’entre-elles travaillent dans l’économie informelle c’est-à-dire non-régulée par l’État) et ont un salaire généralement plus bas que les hommes, ce qui rend difficile la possibilité d’économiser à long terme et renforce donc les inégalités durant le confinement. En outre, le taux de perte d’emploi a touché, à l’échelle mondiale, plus rapidement et de manière disproportionnée les femmes, notamment dans le secteur des titres-services. Comme nous l’avons dit précédemment, les métiers les plus exposés au virus sont occupés majoritairement par des femmes et restent aussi sous-payés. Tout cela aggrave et aggravera la situation précaire de beaucoup de femmes.

Sur ce plan, l’ONU a alerté sur les risques accrus de diminution des revenus des femmes comme sur leur moindre participation économique à la société d’après crise sanitaire. Les femmes déjà en situation précaire avant celle-ci risquent de tomber dans l’extrême pauvreté alors qu’elles auront joué plusieurs rôles indispensables durant cette crise.

A l’échelle de la planète, les jeunes filles et adolescentes qui vivent dans la pauvreté seront les premières sacrifiées lorsqu’il faudra reprendre l’école. En plus de devoir consacrer plus d’heures aux tâches ménagères en raison du confinement, elles seront davantage contraintes d’abandonner leur scolarité à la fin de la crise. En effet, elles sont statistiquement plus exposées au décrochage scolaire lorsque la situation économique de leur famille est plus fragile. La crise aggravant cette situation, cette donnée risque de s’accroître.

Mères célibataires

En ce qui concerne les familles monoparentales, il faut savoir que la plupart sont gérées par des femmes (80% en Wallonie) et que 46% de ces familles ont des revenus inférieurs au seuil de pauvreté. Le confinement aggrave encore la charge psychologique : faire les courses avec leurs enfants, aider pour les devoirs, etc.

Étant donné qu’avant la crise, les femmes avaient un salaire moins élevé et qu’elles sont généralement davantage touchées par les pertes d’emploi que les hommes, il y a et aura encore plus de risques pour les femmes de tomber dans la pauvreté.

Précarité menstruelle

La précarité menstruelle représente un problème conséquent pour les femmes dans une situation de pauvreté en temps normal, que la crise ne fait qu’intensifier. En effet, les associations qui luttent contre la précarité menstruelle ont moins de ressources pour continuer leurs collectes et le gouvernement semble oublier cette problématique. Les femmes en situation précaire et, plus particulièrement, les femmes sans-abri et/ou en situation irrégulière sont considérablement touchées par l’absence de prise en charge, ce qui rend leur état de santé davantage à risque de complications.

Par exemple, en France, des colis de première nécessité ont été distribués aux personnes les plus démunies, mais ceux-ci ne comportaient pas de protections hygiéniques. À nouveau, elles ont été « oubliées » car non considérées comme essentielles. En Belgique, rien n’a été mis en place par les autorités à ce niveau. C’est une nouvelle preuve du tabou qui pèse sur les règles.

II. Maintenant que l’on sait ce qui se passe, que fait-on ?

La situation est donc plus que catastrophique pour les femmes. La question est donc, comment l’État peut-il agir ? Et comment nous, en tant que citoyen∙ne∙s, pouvons-nous agir à notre niveau ? Nous devons, tou∙te∙s ensemble, exiger de l’État qu’il remplisse ses obligations de protection vis-à-vis de tou∙te∙s ses citoyens, et nous pouvons agir en solidarité avec toutes ces femmes.

De façon générale, il est indispensable de revaloriser les métiers du soin aux personnes. La majorité de femmes qui compose ce secteur n’ont pas envie d’être acclamées telles des héroïnes, elles préfèreraient pouvoir travailler dans des conditions respectables et qui favorisent leur bien-être. Nous devons écouter aujourd’hui ces femmes actives dans ces secteurs ainsi que leurs revendications, sans quoi la prochaine crise pourrait se révéler encore plus dramatique.

On observe enfin que beaucoup de citoyen∙ne∙s sont aujourd’hui bénévoles, ce qui est particulièrement encourageant car il faut un esprit de solidarité. Cependant il est également nécessaire que, d’une part l’État encourage cette solidarité en donnant plus de moyens aux associations qui la coordonnent, et que, d’autre part l’État prenne ses responsabilités. On constate par exemple qu’une très grande majorité de femmes couturières ont aidé à pallier le manque de masques de protection. Procurer des masques est clairement une des obligations de l’État compétent en matière de santé publique, et les femmes couturières qui ont aidé n’ont pas été rémunérées pour ce travail absolument essentiel. Cela démontre une fois de plus que quand les femmes travaillent gratuitement cela ne gêne personne, et qu’au contraire on les encourage à prester gratuitement, au mépris de leurs apport social et d’une juste rétribution financière.

Santé

Le droit à l’IVG doit être réaffirmé en tant qu’acte médical essentiel même en temps de crise. La télémédecine, non encadrée aujourd’hui en Belgique, doit également être envisagée afin de faciliter les téléconsultations pour la contraception régulière par exemple.

La contraception d’urgence devrait être, au moins pendant le confinement, gratuite sans ordonnance. La production et l’approvisionnement des contraceptifs doivent être une priorité.

Concernant les accouchements, la tendance, à la hausse durant cette période, est celle d’accoucher à la maison. Cela comporte cependant des risques évidents pour la santé des femmes et ne doit pas devenir la norme. Les femmes doivent disposer de toutes les informations utiles quant à leur santé et aux risques patents de complications, souvent graves, inhérents à un accouchement avant de faire un tel choix.  Une femme enceinte sur cent, en Belgique, doit être prise en charge en soins intensifs pour cause de grossesse ou d’accouchement.

Violences

L’éclatement des compétences suivant les niveaux de pouvoir constitue un frein réel à la prise en charge globale et efficace pour lutter en faveur des droits des femmes en général, et contre les violences en particulier.

Ensuite, pourquoi la Belgique ne coordonnerait-elle pas un dispositif anti-violences dans toutes les pharmacies, comme cela est fait en France et à Mons ? Ou encore mettre à disposition un numéro de téléphone d’écoute violences conjugales via lequel on peut communiquer par sms ? Il reste de nombreux autres points à améliorer, comme la formation du secteur judiciaire et des policiers, ou encore l’accessibilité des services d’aide aux femmes en situation de handicap.

Au niveau de la prostitution, il faudra se soucier évidemment de l’impact de la crise sur la précarité et de la pauvreté de ces femmes. Les stigmatiser et les plonger dans une plus grande pauvreté et insécurité ne résoudra pas le débat autour de la prostitution, et ne correspond pas aux valeurs d’une société démocratique.

Pour toutes les femmes qui subissent des violences, de tous ordres, il faut investir en amont par la prévention, la sensibilisation, le maillage local et des relais efficaces dans la chaîne socio-judiciaire.

Les violences qu’auront subies les femmes pendant ce confinement vont coûter énormément à la société, tandis que si une réelle prévention et prise en charge étaient mises en place, comme l’exige la Convention d’Istanbul ratifiée par la Belgique en 2016, il y aurait une diminution certaine du nombre de violences faites aux femmes, comme l’a démontré l’Espagne.

Sexisme et stéréotypes

Pour alléger les charges ménagères et émotionnelles des femmes, comme les injonctions esthétiques, l’État peut également intervenir. Pourquoi ne pas envisager une campagne nationale à destination des hommes, avec comme message une dénonciation de ces stéréotypes sexistes ?

Les citoyen∙ne∙s doivent en parallèle continuer à dénoncer ces injonctions et à les contrer.

Précarité et pauvreté

Les recommandations dans ce domaine sont innombrables. Pour dresser un rapide tableau, il nous semble essentiel aujourd’hui de porter un regard beaucoup plus attentif sur les femmes et familles monoparentales en situation de précarité et à risque de pauvreté, ainsi que sur les femmes qui, une fois les enfants partis, se retrouvent âgées et démunies.

Il faudrait également prendre en compte la situation singulière que vivent les femmes sans-abris et/ou en situation irrégulière, et les femmes en situation de pauvreté.

La précarité menstruelle n’est pas encore suffisamment prise en compte en Belgique, et une proposition de loi sur la gratuité des protections menstruelles pour les femmes les plus démunies devrait pouvoir être rédigée. De plus, ne serait-ce que durant la crise, la Belgique devrait mettre en place un kit de première nécessité pour les personnes les plus démunies, comprenant d’office des protections hygiéniques. Ces dernières devraient systématiquement être considérées comme des produits de première nécessité, produits essentiels pour toutes les femmes.

III. Le monde de demain

Les femmes sont à la fois les grandes perdantes de la crise, mais aussi et surtout les plus indispensables.

L’urgence actuelle et la crise économique qui se profile pourrait faire l’impasse sur les objectifs d’égalité de genre et les remettre à plus tard. Nous nous opposons au discours qui prétendra que « Les droits des femmes peuvent bien attendre, et puis de toute façon on n’a plus l’argent ! ».

C’est précisément ce que révèle cette crise de façon encore plus visible : l’égalité femmes-hommes ne peut plus attendre, et c’est la réponse que les politiques devront apporter à ceux∙celles qui disent le contraire. Les droits des femmes sont des enjeux démocratiques fondamentaux ; beaucoup de responsabilités, de tâches et de services sont pris en charge par les femmes.  L’État doit le reconnaître et valoriser tant le travail fourni que les citoyennes qui ne comptent ni leurs heures ni leur engagement pour assurer le bien-être de la collectivité.

Plus généralement, il est urgent d’améliorer l’information et l’éducation à la non-discrimination envers les filles et les femmes. Les générations – plus jeunes ou plus anciennes –  doivent être sensibilisées sans relâche à cet enjeu de société majeur, que ce soit par des campagnes de sensibilisation et d’information ou une meilleure application du droit.

Nous devons aussi engager un dialogue citoyen autour de ces questions, afin de s’assurer que les droits des femmes soient garantis et cessent d’être constamment attaqués.

L’égalité entre hommes et femmes est une obligation pour les 189 pays qui ont ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la convention internationale onusienne la plus célèbre concernant les droits des femmes et adoptée en… 1979. Alors, qu’est-ce qu’on attend ?

Emilie Djawa et Diane Gardiol

Commission Jeunes du CFFB