Trump et religion

Daniel Leclercq

L’élection de Donald Trump à la présidence des USA fut probablement une surprise immense, tant peu pouvaient imaginer qu’un tel personnage puisse accéder à cette fonction.  On le sait, il doit en partie son succès à un vote massif des fondamentalistes et autres Born Again.

Quoique pratiquant théoriquement une séparation entre la religion et l’état, les USA baignent dans une atmosphère tout empreinte de religiosité, même si elle n’est pas forcément si présente dans  certaines grandes villes plus « progressistes » comme New-York ou San Francisco, arbres qui cachent la forêt dont les plus beaux exemplaires se trouvent dans la Bible Belt[1].

Néanmoins, même si près de 71% des américains se déclarent chrétiens[2], de grandes différences existent entre eux. Certaines sont historiques, comme la prédominance au Nord des héritiers des Pères pèlerins (qui fuyaient les persécutions religieuses qu’ils subissaient en Angleterre et en Europe et espéraient construire la Nouvelle Jérusalem) et des puritains  (qui voulaient réformer l’église anglicane) tandis que le Sud connaît la domination des descendants des colons anglicans. D’autres proviennent d’une transformation « théologique » depuis les années 50, les différents courants protestants passant progressivement d’une conception plus ou moins ouverte de la religion et de la pratique religieuse à un fondamentalisme de plus en plus marqué.

Il faut par ailleurs remarquer que dans ce pays qui compte plus de 1200 « mégas églises »[3], l’américain change en moyenne trois fois de congrégation au cours de son existence. Il n’y a pas qu’en économie que la concurrence règne…

Contrairement au catholicisme romain, qui reconnaît une hiérarchie verticale au sein de l’église, les différents courants du presbytérianisme prônent une organisation horizontale, dans laquelle chacun est potentiellement à la fois fidèle et ministre du culte.

Ce type d’organisation explique ainsi en partie la multiplication des courants à l’intérieur de ce type de protestantisme, qui bien que basés sur un corpus unique, présentent de multiples variations.

Et dans un pays où la religion a donc énormément d’importance, à tel point que 67 % des américains estiment que le Président doit avoir des croyances religieuse fortes[4] et que seuls 6% voteraient pour un président athée[5], quelles sont les positions philosophiques du Donald ?

Trump et l’église

Officiellement, Donald Trump s’est déclaré presbytérien, une des multiples formes du protestantisme.  Mais il a également déclaré être catholique, membre de l’Eglise réformée hollandaise (des protestants) et il s’est marié à son actuelle épouse selon le rite épiscopalien (une variante des anglicans)…

Et si il doit une partie de son succès à des groupes de croyants plus ou moins extrêmes, Il est très loin de faire l’unanimité auprès de certaines « autorités morales ». ChristianityToday (le magazine phare des évangélistes US) considère qu’il est un « idolâtre » et « la représentation parfaite de ce que la Bible appelle un idiot »[6] et il s’est notoirement fait réprimander par l’actuel pape qui a déclaré, en parlant de lui, qu’ « un homme qui parle de construire des murs plutôt que des ponts n’est pas un chrétien ».

Quant à l’église presbytérienne, dont il continue à se réclamer, suite à ses prises de position violement anti- Islam, elle n’a pas hésité à publier un communiqué de presse en 2015 le traitant de non-chrétien (unchristian en V.O.).  Il faut bien reconnaître que les valeurs professées par cette congrégation, qui se déclare en faveur de la liberté religieuse, se positionne en faveur des pauvres et des exclus, appelle à l’accueil des réfugiés syriens et  approuve le mariage homosexuel (entre autres « monstruosités » libérales), ne semblent pas totalement correspondre aux déclarations publiques du futur Président. Il fut même d’ailleurs question de l’exclure du mouvement, ce qui, pour un presbytérien, correspond à l’excommunication catholique…[7]

Trump le jeune

Jeune, Trump fit son catchéchisme dans une église presbytérienne de New York, la First Presbyterian Church située dans le Queens. Mais à partir du milieu des années 60 il rejoignit, en compagnie de ses parents et de la « haute société » de l’époque, la Marble Collegiate Church, située à Manhattan près de la  5ème avenue (et non loin du domicile actuel de la famille de Donald, la Trump Tower) et dirigée par un pasteur aux enseignements un peu particuliers, Norman Peale.

Pour Norman Peale, pêchés, culpabilité et repentance n’avaient que peu d’importance.  Son credo ? La « pensée positive » – vous pouvez si vous pensez que vous le pouvez -, accompagnée d’une méthode en sept étapes vers une vie heureuse, et une valeur forte : la nécessité de plier le monde à sa propre volonté afin de réussir (surtout matériellement). Un discours simple, voire simpliste, mélangé avec une adoration pour le capitalisme et le marché. Il fut d’ailleurs un des premiers prédicateurs à commercialiser ses sermons sous forme de livres et de disques[8].

Donald Trump fréquenta longtemps ce pasteur et son église, dans laquelle il se maria d’ailleurs avec sa première femme, Ivana, en 1977. Et quoiqu’il n’en soit plus un membre actif, il considère toujours la Marble Collegiate Church comme étant « son » église[9]

Inutile de préciser que ces années formatives ont laissé une impression durable sur Trump, mais qu’elles ne l’ont pas amené à développer une immense pensée théologique… Pour l’anecdote, signalons qu’interrogé par une chaîne de télévision chrétienne sur qui était dieu pour lui, sa réponse se limita à déclarer que « dieu est l’être ultime et tout pour moi » avant d’expliquer à quel point il était content d’avoir acheté à vil prix le terrain de golf sur lequel il était interviewé…[10] Ajoutons à cela que selon ses propres dires, sa pratique religieuse se résume à aller à la messe à Noël et à Pâques…

Trump le vieux

Depuis plusieurs années, et suite à la mort Peale,  Trump s’est rapproché d’un autre pasteur, Paula White, avec qui il s’entretient régulièrement … par téléphone.

Née en 1966, blonde et jolie (ce qui a une certaine importance pour Trump), White fait partie de la grande famille des Born Again Christians suite à une vision qu’elle eut à dix-huit ans. Elle dirige actuellement le New Destiny Christian Center, église officiellement pentecôtiste située en Floride, dont elle prit le contrôle en 2011. Mais elle est également connue comme télévangéliste et comme la fondatrice, avec son premier mari, de la Without Walls International Church qui connut une ascension prodigieuse, accumulant 150 millions de dollars entre 2004 et 2006, avant de faire faillite en 2007, le train de vie de Paula et de son deuxième mari, basé sur l’achat de propriétés de prestige (dont un appartement dans la … Trump Tower de New York) et l’acquisition d’un jet privé n’étant pas étranger à ses ennuis financiers. Heureusement, un peu d’ailleurs à l’image de Trump, elle réussit à rebondir et coule actuellement des jours que l’on espère heureux avec son troisième mari

Ses valeurs spirituelles ? La théologie de la prospérité, une croyance religieuse chrétienne évangélique qui prétend que l’aisance financière et une bonne santé physique sont des dons de Dieu, qui ne peuvent être que renforcés par des dons à des cause religieuses et par une pensée… positive. Ajoutons que pour les tenants de cette croyance, la pauvreté est une malédiction ou une punition de Dieu…[11] Dans leur optique, la Bible se résume à un contrat passé entre Dieu et l’humanité, et si l’homme a foi en lui alors celui-ci lui donnera sécurité et prospérité. On voit bien en quoi ce genre de théologie peut séduire un homme d’affaire(s)…

Et est-il utile de préciser que ce genre de positionnement augure de lendemains qui chantent pour ceux qui ne font pas partie des « 1 % » ?

Originellement paru dans ML 193


[1] Une zone géographique caractérisée par la présence d’un écrasant nombre de fondamentalistes. Pour plus de renseignements, voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Bible_Belt

[2] Voir : http://www.pewforum.org/2015/05/12/americas-changing-religious-landscape/

[3] Une méga église est définie comme une communauté religieuse regroupant plus de 2.000 fidèles. Pour plus d’explications, voir http://www.religion.info/2006/04/19/etats-unis-mega-eglises-protestantes/

[4] Voir : http://www.pewresearch.org/daily-number/most-want-a-president-with-strong-religious-beliefs/

[5] Voir : http://www.pewforum.org/2016/01/27/faith-and-the-2016-campaign/

[6] http://www.christianitytoday.com/ct/2016/october-web-only/speak-truth-to-trump.html

[7] http://www.inquisitr.com/2624672/presbyterian-church-to-to-fire-donald-trump/

[8] Pour plus de renseignements sur Peale, voir l’article de William Miller, Some Negative Thinking About Norman Vincent Peale, disponible à l’url http://www.unz.org/Pub/Reporter-1955jan13-00019

[9] Voir : http://www.huffingtonpost.com/david-stebenne/donald-trumps-religious-b_b_11072346.html

[10] http://www1.cbn.com/thebrodyfile/archive/2015/09/23/brody-file-video-exclusive-donald-trump-exclaims-god-is-the

[11] Pour plus de renseignements sur la théologie de la prospérité, voir https://en.wikipedia.org/wiki/Prosperity_theology

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