Pauvre Marx…
Patricia Keimeul - Administratrice FAML
Marx disait « La religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit de conditions sociales d’où l’esprit est exclu. Elle est l’opium du peuple. L’abolition de la religion en tant que bonheur illusoire du peuple est l’exigence que formule son bonheur réel. »
Pratiquer une religion c’est comme se droguer. Si la religion est l’opium du peuple, c’est que ce peuple a besoin d’un puissant narcotique pour supporter les souffrances sociales qu’on lui inflige, que les classes dominantes lui infligent. Elle permet donc de justifier les inégalités sociales et aux classes dites inférieures de les accepter.
Celui qui use de ce stupéfiant ressent un effet relaxant qui lui procure un bien-être intense, il en oublie, tout à sa béatitude, la situation misérable dans laquelle il se trouve. Il perd ainsi toute capacité et toute envie de se révolter et reste dans ce rapport de soumission consenti.
Une misère cependant bien réelle, matérielle qui trouve son origine dans l’existence de ces rapports de domination, d’inégalité et d’exploitation des travailleurs et qui, grâce aux effets lénifiants de la drogue, est supportée.
La religion est tout à la fois le remède qui soigne la souffrance de la classe populaire et ce qui l’anesthésie par la promesse d’un monde meilleur, celui auquel on accède une fois mort. Celui situé la-haut, rempli de jeunes vierges pour les uns – la reconstruction des hymens doit y être une industrie florissante – et pour les autres, de riz au lait (de soya pour les végans) à déguster avec des petites cuillers en argent, c’est du moins ce que me racontait ma grand-mère et nul doute qu’elle devait avoir des informations sérieuses vu sa fréquentation assidue des églises. Elle a rejoint le paradis il y a de nombreuses années et depuis, plus la moindre nouvelle, pas le moindre petit signe pour infirmer ou pour confirmer l’information…
Les régimes communistes ont donc décidé de bannir les deux drogues, opium et religion. Une fois affranchi des promesses chimériques de la religion, l’individu se trouvera en mesure d’agir contre l’injustice sociale dont il est la victime.
Ce n’est pas, selon le philosophe, contre les pratiques religieuses qu’il faut lutter mais bien contre les conditions qui ont amené leur existence. Et ce contre quoi il faut lutter c’est le capitalisme industriel qui fait que ce n’est plus le système productif qui est au service de l’homme mais bien celui-ci qui est au service de ce système.
Lutter contre les religions revient donc à lutter contre les injustices de la société dans laquelle vivent les travailleurs.
Lorsque le régime communiste a aboli les religions (essentiellement catholique et orthodoxe) en Union soviétique et dans les républiques qui en dépendaient, aucun parti de gauche en Occident n’y a trouvé grand-chose à redire.
Il faut dire qu’à l’époque, les socialistes étaient encore laïques, ceci expliquant sans doute cela…
Et voilà que ce sont les mêmes héritiers de Marx qui, aujourd’hui oubliant que la drogue annihile toute capacité de révolte contre les injustices sociales, en recommandent l’usage à la fois pour ses qualités apaisantes mais aussi, semblerait-il, pour ses vertus émancipatrices.
Et ce doit être vrai. En voici quelques preuves :
Ne nomme-t-on pas une femme voilée commissaire du gouvernement auprès de l’Institut pour l’égalité hommes/femmes ? Emancipation par le port d’un signe de soumission, non pas aux classes dominantes mais à …Dieu. Cette même personne, dans une interview accordée au journal Le Soir le 4 juillet dernier, remet en question le principe de la séparation de l’Église et de l’État qui, même s’il n’est pas inscrit formellement dans notre Constitution est fondateur de notre démocratie, au motif qu’il ne tient pas compte du changement démographique !
Ne choisit-on pas, en 2015, l’Arabie saoudite, royaume wahhabite bien connu pour sa tolérance, à la direction du panel droits de l’homme de l’ONU ? Droits de l’homme ! C’est bien de cela qu’il s’agit car la femme, elle, n’y détient aucun droit, obligée, en vertu d’une interprétation rigoriste du Coran, de se voiler entièrement afin de se soustraire aux regards concupiscents des mâles incapables de réprimer leurs ardeurs.
Un énorme pas en avant a cependant été fait dans l’émancipation de la femme saoudienne: elle a obtenu l’autorisation de conduire une voiture. Pas question toutefois d’aller se balader seule ou avec ses copines, un mari, un frère, … elle est bien entendu « priée » de se faire accompagner d’un mari, d’un frère, … qui veillera à la préservation de sa vertu.
Et, lorsque cette femme, lassée d’un mari qu’on lui a imposé, se jette dans les bras d’un amant, elle commet là l’irréparable. Pour sa punition la femme adultère périra par lapidation sous les yeux d’un public curieux, on a le sens du fun ou on ne l’a pas ….
Et d’ailleurs c’est bien fait pour elle, elle n’avait qu’à être fidèle et à ne pas avoir la burqa aguicheuse.
De même, celui qui ose porter une critique à l’égard de la religion sera, au mieux, fouetté, au pire exécuté.
Les femmes et les opposants au régime subissent le même sort dans l’Iran des ayatollahs, dans l’Afghanistan des talibans, …. tous ceux que les pays occidentaux ont eux-mêmes et pour diverses raisons – notamment celles de tenter d’enrayer l’influence de ce qui était encore l’Union soviétique – portés au pouvoir.
De libres et émancipées qu’elles étaient, les femmes ont perdu tous leurs droits. Les talibans leur interdisant de travailler, le pays s’est retrouvé sans enseignants et sans médecins, professions essentiellement exercées par la gent féminine.
C’est grâce aux vertus émancipatrices de la religion que les parents soucieux du bonheur de leurs filles leur choisissent un époux. Pas question de se soustraire à ce mariage arrangé entre les familles. Certaines l’ont fait et l’ont payé de leur vie. Des frères tout dévoués à leur famille, ont, sans le moindre état d’âme, ôté la vie à celles qui lui avaient jeté le déshonneur.
Elles n’avaient qu’à obéir et devenir les épouses dévouées et aimantes d’un homme, souvent trop vieux pour elles. Et d’ailleurs, l’amour est-il nécessaire lorsqu’un bon accord entre familles fonde la relation conjugale?
Le mur de Berlin tombe et les religions qui étaient bannies de l’autre côté refleurissent un peu partout, plus radicales les unes que les autres.
Les très catholiques Pologne, Hongrie, … sont bien connues pour favoriser l’émancipation des minorités sexuelles.
Pourquoi leur accorder des droits ? ils n’ont qu’à être hétéros comme tout le monde.
Les orthodoxes ne sont pas en reste en ce qui concerne les droits émancipateurs des LGBTQ+
Et ce n’est pas parce que des lois homophobes limitant la liberté d’expression dans le but de « préserver les enfants » sont votées en Hongrie, que des lois limitant drastiquement le droit à l’avortement voient le jour, qu’il n’y a pas émancipation de l’homme, du vrai, du viril…
Les femmes aussi, que ce soit en Pologne, en Hongrie, en Turquie,… ont acquis leur émancipation : elles ont le droit de rester à la maison et de faire des enfants … ce qui est tout à fait normal vu qu’elles sont bien moins intelligentes que leurs virils homologues masculins, c’est du moins ce qu’ils affirment.
Plus près de chez nous, les cathos fondamentalistes tendance Mgr Lefebvre, refusent en vrac le mariage gay, l’adoption d’enfants par ces couples, l’avortement, la PMA … dénier à la femme le droit de disposer de son corps fait partie de son émancipation… d’ailleurs, si on laisse faire cette frivole insouciante, elle est capable de faire interrompre sa grossesse au cours du huitième mois (dixit une femme médecin et politicienne belge…). On n’appellerait pas ça un accouchement prématuré ?
En Italie, le journal milanais Corriere della Serra rapporte que, et c’est une première dans les relations entre les deux États, « le Vatican a activé ses canaux diplomatiques pour demander formellement au gouvernement italien de modifier une proposition de loi ». Cette loi censée lutter contre l’homophobie, la transphobie, la misogynie mettrait en péril, selon le Saint-Siège, la liberté d’expression des catholiques italiens. Autrement dit, le catholique italien doit avoir le droit d’être homophobe et de le faire savoir.
Le texte qui vise à combattre les discriminations liées à l’orientation sexuelle des individus mais aussi celles à l’encontre des personnes handicapées n’est pas du goût de la diplomatie vaticane qui enjoint le gouvernement italien de modifier son texte qui représenterait une violation des accords du Latran qui organisent les rapports entre l’Église catholique et l’État italien.
Outre l’ingérence dans les affaires d’un gouvernement , le texte se penche et donne un avis plutôt tranché sur la notion de différence sexuelle qui dérive de la révélation divine et qui en conséquence ne peut être discutée . Homosexualité, non, pédophilie oui même si les victimes sont pour la plupart des petits garçons …
Émancipation ? De qui ? Lorsque des vieillards en robe du soir (pas très viril tout ça) vivant dans un monde à part, s’arrogent le droit d’imposer à la société séculière des règles tout droit venues du ciel, c’est à toute la société qu’ils refusent l’émancipation.
Quant aux protestants évangélistes, leurs prédicateurs se remplissent les poches de l’argent « volé » aux fidèles à qui ils expliquent lors de leurs prêches, comment s’en passer, comment vivre avec peu peut rendre plus heureux. N’est-ce pas toujours ce même rapport de domination que Marx critiquait il y a plus de cent ans déjà ? Qu’il soit le fait du pouvoir patronal ou religieux, c’est toujours le dominé qui fait les frais d’un rapport de soumission « librement » consenti.
Les religions sont en vente libre dans notre pays – elles bénéficient même de plantureux financements à charge de chacun d’entre nous – ce qui n’est pas le cas de l’opium et des autres substances hallucinogènes dont certains de nos hommes politiques semblent abuser… l’incohérence de certains de leurs propos, leurs promesses oubliées, bafouées,… en témoignent. Ou alors c’est l’attrait irrésistible du pouvoir, ce qui est une autre addiction, une autre drogue.
La libéralisation du commerce des drogues douces serait sans doute une bonne chose, elles paraissent bien moins dangereuses ….
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