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Pour une alimentation (plus) sûre

En 1999 survient la crise de la dioxine à savoir la contamination par ce produit d’aliments pour animaux d’élevage.

Une enquête avait alors démontré que la contamination trouvait son origine au sein de l’entreprise Verkest, située à Deinze et de la société wallonne Fogra, basée à Bertrix. Cette dernière fournissait des graisses contaminées au PCB (polychlorobiphényles) à Verkest, qui les livrait ensuite à des fabricants d’alimentation pour bétail. Les Verkest déclaraient fournir à leurs clients de la graisse animale fondue. Il s’agissait en réalité d’un mélange de graisses animale et technique. En 2018, les deux protagonistes seront condamnés à verser 24 millions d’euros à l’AFSCA.

Pour tenter d’éviter la répétition de telles dérives, l’Etat a créé, en 2000, l’agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (AFSCA) dans le but de renforcer les contrôles en regroupant les différents départements ministériels concernés. L’agence a, comme son nom l’indique, pour mission de veiller à la sécurité de la chaîne alimentaire afin de protéger la santé des hommes, des animaux et des plantes. Elle dispose pour ce faire de près de mille trois cents collaborateurs dont six cent septante affectés aux unités locales de contrôle. Elle peut également compter sur cinq laboratoires internes complétés par un réseau de soixante laboratoires externes agréés et sur un service luttant contre les fraudes pour accomplir les différentes missions qui lui sont conférées. Un budget de 164 millions lui est alloué. Elle est non seulement compétente pour le contrôle des denrées alimentaires, des aliments pour animaux, des matières fertilisantes et des produits phytopharmaceutiques mais elle se charge également des mesures de prévention et de lutte sanitaires (maladies animales) et phytosanitaires
(secteur végétal). Elle veille également à la communication sur toutes les matières qui la concernent, en particulier l’information fournie
aux consommateurs. D’autres missions lui sont également déléguées comme les contrôles de l’interdiction de fumer, les contrôles de qualité à l’importation et à l’exportation et ceux du bien-être des animaux de rente. 4Malgré les mesures prises pour sécuriser la
chaîne alimentaire, depuis de nombreuses années, les scandales entachant l’industrie alimentaire se succèdent, justifiant si besoin est,
l’existence de l’agence.

La maladie de la vache folle (encéphalopathie spongiforme bovine) causée par la présence de farines animales dans l’alimentation des bovins
provoquera le décès de plusieurs centaines de personnes en Europe.

La grippe aviaire H5N1 trouve son origine au Vietnam et en Thaïlande. Des millions de poulets, canards et oies sont infectés et transmettent la maladie à l’homme. Alors qu’on s’attendait à une pandémie de très grande ampleur, le nombre de victimes se limitera finalement à quatre cents.

Les autorités sanitaires irlandaises détectent la présence de viande de cheval dans des steaks hachés estampillés pur boeuf. À la suite de cela, la société Findus effectue des tests qui révèlent que 29% de la viande contenue dans les lasagnes et les moussakas est d’origine chevaline. L’affaire touche l’Europe tout entière et pose la question de la traçabilité des aliments.

En 2011, la bactérie Escherichia Coli provoque diarrhées sanglantes et infections intestinales et cause la mort de 47 personnes tandis que 4.000 sont malades. Pointés comme responsables, des concombres, des tomates et des salades seront rapidement mis hors de cause. Des graines germées provenant d’une ferme biologique seront finalement identifiées comme étant les coupables. La présence de fipromil a conduit à la destruction de 77 millions d’oeufs et à l’euthanasie de 2 millions de poules et mis en danger la santé de nombreux consommateurs.

Aujourd’hui, c’est à la peste porcine africaine que nous sommes confrontés. Les premiers cas de cette maladie ont été détectés le 13 septembre 2018 chez des sangliers trouvés morts dans la région d’Etalle, en province de Luxembourg. Tant les sangliers que les porcs d’élevage se trouvant dans la zone contaminée seront mis à mort et les exploitations ne pourront être repeuplées jusqu’à éradication de la maladie. L’AFSCA, en collaboration avec la région wallonne, a également établi une zone tampon adjacente à la zone infectée et dans laquelle les mesures sanitaires sont également en vigueur.1

Outre le traitement des grands scandales alimentaires, l’AFSCA travaille au quotidien dans le contrôle des commerces alimentaires et des établissements HORECA. Ainsi des prélèvements effectués dans des « snacks pitas » ont révélé que dans la moitié des restaurants, des échantillons présentaient une mauvaise qualité microbiologique à la suite d’un manque d’hygiène et d’une mauvaise gestion thermique des aliments.2

Excès de zèle ou principe de prudence ?

Si ces contrôles sont généralement de nature à rassurer les consommateurs que nous sommes, d’aucuns jugent le zèle de l’Agence un peu trop tatillon à l’égard de certains.

Le ministre wallon en charge du Développement durable, Carlo Di Antonio qualifiait, dans un communiqué, l’action de l’organe de contrôle
« d’entrave à la transformation à la ferme, au développement des PME agroalimentaires locales et du circuit court ».3 Et d’ajouter que « depuis sa mise en place en 2002, de nombreux agriculteurs et producteurs ont témoigné des difficultés qu’ils rencontrent avec l’Agence fédérale pour la Sécurité de la Chaîne alimentaire. Nombreux sont ceux qui ont dû fermer leurs portes. »

Alors même que la production, la transformation et la vente de produits à la ferme ou en circuit court doivent être vues comme des opportunités de développement économique à soutenir.

Ce communiqué faisait suite à l’affaire du fromage de Herve au lait cru.

En 2016, après avoir découvert des traces de listeria monocytogène dans le fromage de Herve au lait cru provenant de la ferme du dernier producteur de ce fleuron de la gastronomie wallonne, l’Agence contraignit ce dernier à détruire sa production. Las de la bataille judiciaire qui s’ensuivit et de la mauvaise publicité faite aux produits à base de lait cru,celui-ci finira par cesser son activité.

C’est ensuite à un autre joyau culinaire de Wallonie que s’est attaquée l’AFSCA, la tarte au riz verviétoise en raison de sa conservation à température ambiante, ce qui jusqu’à aujourd’hui n’a jamais posé de problème.

Plus récemment, l’AFSCA a interdit à l’école communale de Clavier de servir aux enfants de la soupe aux légumes frais préparée par une bénévole au motif que les normes sanitaires risquaient de ne pas être garanties.4 Le bourgmestre de la localité est furieux car les légumes sont issus du potager entretenu par les élèves de primaire. Le but pédagogique de la chose ne fait pas de doute, il s’agit ni plus ni moins que d’apprendre aux enfants le bon goût des choses naturelles.

Les soupes industrielles répondraient-elles mieux aux impératifs de sécurité alimentaire ? peut-être, au détriment d’une alimentation saine
et équilibrée sûrement.

En 2014, onze procès-verbaux ont été dressés et 452 avertissements à l’encontre des cantines scolaires ont été émis. Des chiffres supérieurs à l’année précédente au cours de laquelle 10 PV et 426 avertissements avaient été formulés, mais moins de structures inspectées (1296 en 2013 contre 1415 en 2014).5 Bernard Hubien, secrétaire général de l’UFAPEC rapporte :  » Il est déjà arrivé que des parents nous
contactent pour nous dire qu’il n’y avait plus de cantine dans l’école de leur(s) enfant(s) en raison des contrôles de l’AFSCA. Une école de Schaerbeek nous a expliqué avoir complètement remis sa cuisine aux normes deux ou trois ans auparavant, et s’être vue malgré tout dans l’obligation de faire de nouveaux aménagements. Elle a finalement jeté le gant, face aux coûts que cela représentait ! ”

Après la soupe, la tarte au riz, le Herve, ce sont les frigos solidaires qui sont dans le collimateur de l’agence. Celui de Waterloo vient par exemple de se voir privé de 57 kilos de denrées alimentaires périmées. Si les responsables du frigo reconnaissent l’utilité sanitaire des contrôles, ils plaident néanmoins pour plus de souplesse pour ce qui concerne les dates de péremption. « Les députés européens veulent arrêter le gaspillage alimentaire ; en Belgique, on veut que les supermarchés donnent les invendus à des associations… Et on nous empêche de distribuer des aliments qui sont périmés de quelques jours ».6 Sachant que des denrées comme le café, les pâtes, le riz, certaines boissons ont une durée de vie illimitée, il est absurde de les jeter alors qu’elles pourraient être consommées sans aucun risque.

Deux poids deux mesures ?

Alors que l’on semble constater une forme d’acharnement sur des petits producteurs, sur des écoles qui, en toute bonne foi, proposent à
leurs élèves de la soupe faite maison, sur des associations venant en aide aux plus démunis, sur certaines filières les contrôles se font plus « discrets » comme ce fut le cas par exemple dans l’affaire Veviba.

En 2018, l’abattoir Veviba situé sur le site de Bastogne est mis sous le feu des projecteurs pour diverses fraudes à l’étiquetage et à la congélation. Si l’AFSCA déclare avoir procédé au retrait immédiat des rayons des lots incriminés, il n’en reste pas moins que dès septembre 2016, le Kosovo avait donné l’alerte et informé que les dates de péremption avaient été falsifiées et que ce n’est que le 28 février 2018 qu’une perquisition de grande ampleur est menée dans l’entreprise.

Que s’est-il alors passé durant ces deux années ? des denrées impropres à la consommation ont-elles été mises sur le marché sachant que la perquisition a mis à jour des produits congelés depuis 2001 et que sur les 200 palettes contrôlées, 138 étaient non conformes ?

Afin de mettre un terme « à certains « déficits » en matière de contrôle et de transmission de l’information », le ministre de l’agriculture Denis Ducarme, a annoncé, au cours d’un débat en Commission de l’agriculture de la Chambre sur le scandale Veviba, la mise en place de réformes au sein de l’agence. Le ministre lui reproche de n’avoir pas effectué des contrôles plus offensifs compte tenu des informations dont on disposait depuis 2016.

Conclusion

La bonne qualité des aliments que nous consommons doit bien évidemment être une priorité. II appartient à l’AFSCA de traquer sans complaisance toutes les fraudes qui constituent un risque pour notre santé et de révéler les scandales qui entachent certaines filières.

  • Faut-il pour autant sombrer dans une forme d’hygiénisme, d’aseptisation qui aurait pour conséquence de favoriser l’industrie agro-alimentaire
  • responsable de la plupart des grands scandales
    au détriment des petits producteurs ?

Le ministre Carlo Di Antonio estime que les contrôles de l’Agence alimentaire ne sont pas adaptés aux réalités des productions fermières et artisanales et demande une « révision normative » de celle-ci.

Les règles en vigueur entravent le travail des producteurs locaux en faveur d’une alimentation durable et locale en imposant des normes trop exigeantes, appliquées de manière tatillonne et qui nécessitent des investissements énormes que les petits paysans ne sont pas capables de consentir.

Faut-il priver les enfants d’un potage aux légumes frais au motif qu’il n’est pas cuisiné à l’école ?

Faut-il jeter le discrédit sur des denrées qui ont fait la réputation de la gastronomie wallonne et qui n’ont, jusqu’à aujourd’hui, causé aucun dommage ?

Faut-il, alors qu’on nous encourage à lutter contre le gaspillage, envoyer à la poubelle des denrées dont la date de péremption est légèrement
dépassée ?

Un juste milieu doit pouvoir être trouvé entre aspect sécuritaire et possibilité de consommer des aliments naturels peut-être un peu moins contrôlés.

Patricia Keimeul
Directrice FAML

1 http://www.afsca.be/ppa/actualite/belgique/
2 http://www.afsca.be/quefaiton/controlesciblees/
3 https://www.7sur7.be/7s7/fr/1502/Belgique/article/detail/2332274/2015/05/21/L-AFSCA-une-entrave-aux-PMElocales-
et-au-circuit-court.dhtml
4 https://www.rtbf.be/info/regions/detail_clavier-lasoupe-scolaire-preparee-au-domicile-d-une-maman-d-instit-c-est-fini-dit-l-afsca?id=10083027
5 https: //www.r tbf.be/info/belgique/detail_apeine-66-des-cantines-scolaires-ont-eu-un-feu-vert-de-lafsca?id=9177215
6 https://www.sudinfo.be/id88603/article/2018-11-30/lafsca-saisit-57-kg-daliments-au-frigo-solidaire-de-waterloo