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Pauvre Marx…

Patricia Keimeul - Administratrice FAML

Marx disait « La religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit de conditions sociales d’où l’esprit est exclu. Elle est l’opium du peuple. L’abolition de la religion en tant que bonheur illusoire du peuple est l’exigence que formule son bonheur réel. »

Pratiquer une religion c’est comme se droguer. Si la religion est l’opium du peuple, c’est que ce peuple a besoin d’un puissant narcotique pour supporter les souffrances sociales qu’on lui inflige, que les classes dominantes lui infligent. Elle permet donc de justifier les inégalités sociales et aux classes dites inférieures de les accepter.

Celui qui use de ce stupéfiant ressent un effet relaxant qui lui procure un bien-être intense, il en oublie, tout à sa béatitude, la situation misérable dans laquelle il se trouve. Il perd ainsi toute capacité et toute envie de se révolter et reste dans ce rapport de soumission consenti.

Une misère cependant bien réelle, matérielle qui trouve son origine dans l’existence de ces rapports de domination, d’inégalité et d’exploitation des travailleurs et qui, grâce aux effets lénifiants de la drogue, est supportée.

La religion est tout à la fois le remède qui soigne la souffrance de la classe populaire et ce qui l’anesthésie par la promesse d’un monde meilleur, celui auquel on accède une fois mort. Celui situé la-haut, rempli de jeunes vierges pour les uns – la reconstruction des hymens doit y être une industrie florissante – et pour les autres, de riz au lait (de soya pour les végans) à déguster avec des petites cuillers en argent, c’est du moins ce que me racontait ma grand-mère et nul doute qu’elle devait avoir des informations sérieuses vu sa fréquentation assidue des églises. Elle a rejoint le paradis il y a de nombreuses années et depuis, plus la moindre nouvelle, pas le moindre petit signe pour infirmer ou pour confirmer l’information…

Les régimes communistes ont donc décidé de bannir les deux drogues, opium et religion. Une fois affranchi des promesses chimériques de la religion, l’individu se trouvera en mesure d’agir contre l’injustice sociale dont il est la victime.

Ce n’est pas, selon le philosophe, contre les pratiques religieuses qu’il faut lutter mais bien contre les conditions qui ont amené leur existence. Et ce contre quoi il faut lutter c’est le capitalisme industriel qui fait que ce n’est plus le système productif qui est au service de l’homme mais bien celui-ci qui est au service de ce système.

Lutter contre les religions revient donc à lutter contre les injustices de la société dans laquelle vivent les travailleurs.

Lorsque le régime communiste a aboli les religions (essentiellement catholique et orthodoxe) en Union soviétique et dans les républiques qui en dépendaient, aucun parti de gauche en Occident n’y a trouvé grand-chose à redire.

Il faut dire qu’à l’époque, les socialistes étaient encore laïques, ceci expliquant sans doute cela…

Et voilà que ce sont les mêmes héritiers de Marx qui, aujourd’hui oubliant que la drogue annihile toute capacité de révolte contre les injustices sociales, en recommandent l’usage à la fois pour ses qualités apaisantes mais aussi, semblerait-il, pour ses vertus émancipatrices.

Et ce doit être vrai. En voici quelques preuves :

Ne nomme-t-on pas une femme voilée commissaire du gouvernement auprès de l’Institut pour l’égalité hommes/femmes ? Emancipation par le port d’un signe de soumission, non pas aux classes dominantes mais à …Dieu. Cette même personne, dans une interview accordée au journal Le Soir le 4 juillet dernier, remet en question le principe de la séparation de l’Église et de l’État qui, même s’il n’est pas inscrit formellement dans notre Constitution est fondateur de notre démocratie, au motif qu’il ne tient pas compte du changement démographique !

Ne choisit-on pas, en 2015, l’Arabie saoudite, royaume wahhabite bien connu pour sa tolérance, à la direction du panel droits de l’homme de l’ONU ? Droits de l’homme ! C’est bien de cela qu’il s’agit car la femme, elle, n’y détient aucun droit, obligée, en vertu d’une interprétation rigoriste du Coran, de se voiler entièrement afin de se soustraire aux regards concupiscents des mâles incapables de réprimer leurs ardeurs.

Un énorme pas en avant a cependant été fait dans l’émancipation de la femme  saoudienne: elle a obtenu l’autorisation de conduire une voiture. Pas question toutefois d’aller se balader seule ou avec ses copines, un mari, un frère, … elle est bien entendu « priée » de se faire accompagner d’un mari, d’un frère, … qui veillera à la préservation de sa vertu.

Et, lorsque cette femme, lassée d’un mari qu’on lui a imposé, se jette dans les bras d’un amant, elle commet là l’irréparable. Pour sa punition  la femme adultère périra par lapidation sous les yeux d’un public curieux, on a le sens du fun ou on ne l’a pas ….

Et d’ailleurs c’est bien fait pour elle, elle n’avait qu’à être fidèle et à ne pas avoir la burqa aguicheuse.

De même, celui qui ose porter une critique à l’égard de la religion sera, au mieux, fouetté, au pire exécuté.

Les femmes et les opposants au régime subissent le même sort dans l’Iran des ayatollahs, dans l’Afghanistan des talibans, …. tous ceux que les pays occidentaux ont eux-mêmes et pour diverses raisons – notamment celles de tenter d’enrayer l’influence de ce qui était encore l’Union soviétique – portés au pouvoir.

De libres et émancipées qu’elles étaient, les femmes ont perdu tous leurs droits. Les talibans leur interdisant de travailler, le pays s’est retrouvé sans enseignants et sans médecins, professions essentiellement exercées par la gent féminine.

C’est grâce aux vertus émancipatrices de la religion que les parents soucieux du bonheur de leurs filles leur choisissent un époux. Pas question de se soustraire à ce mariage  arrangé entre les familles. Certaines l’ont fait et l’ont payé de leur vie. Des frères tout dévoués à leur famille, ont, sans le moindre état d’âme, ôté la vie à celles qui lui avaient jeté le déshonneur.

Elles n’avaient qu’à obéir et devenir les épouses dévouées et aimantes d’un homme, souvent trop vieux pour elles. Et d’ailleurs, l’amour est-il nécessaire lorsqu’un bon accord entre familles fonde la relation conjugale?

Le mur de Berlin tombe et les religions qui étaient bannies de l’autre côté refleurissent un peu partout, plus radicales les unes que les autres.

Les très catholiques Pologne, Hongrie, … sont bien connues pour favoriser l’émancipation des minorités sexuelles.

Pourquoi leur accorder des droits ? ils n’ont qu’à être hétéros comme tout le monde.

Les orthodoxes ne sont pas en reste en ce qui concerne les droits émancipateurs des LGBTQ+

Et ce n’est pas parce que des lois homophobes limitant la liberté d’expression dans le but de « préserver les enfants » sont votées en Hongrie, que des lois limitant drastiquement le droit à l’avortement voient le jour, qu’il n’y a pas émancipation de l’homme, du vrai, du viril…

Les femmes aussi, que ce soit en Pologne, en Hongrie, en Turquie,… ont acquis leur émancipation : elles ont le droit de rester à la maison et de faire des enfants … ce qui est tout à fait normal vu qu’elles sont bien moins intelligentes que leurs virils homologues masculins, c’est du moins ce qu’ils affirment.

Plus près de chez nous, les cathos fondamentalistes tendance Mgr Lefebvre, refusent en vrac le mariage gay, l’adoption d’enfants par ces couples, l’avortement, la PMA … dénier à la femme le droit de disposer de son corps fait partie de son émancipation… d’ailleurs, si on laisse faire cette frivole insouciante, elle est capable de faire interrompre sa grossesse au cours du huitième mois (dixit une femme médecin et politicienne belge…). On n’appellerait pas ça un accouchement prématuré ?

En Italie, le journal milanais Corriere della Serra rapporte que, et c’est une première dans les relations entre les deux États, « le Vatican a activé ses canaux diplomatiques pour demander formellement au gouvernement italien de modifier une proposition de loi ». Cette loi censée lutter contre l’homophobie, la transphobie, la misogynie mettrait en péril, selon le Saint-Siège, la liberté d’expression des catholiques italiens. Autrement dit, le catholique italien doit avoir le droit d’être homophobe et de le faire savoir.

Le texte qui vise à combattre les discriminations liées à l’orientation sexuelle des individus mais aussi celles à l’encontre des personnes handicapées n’est pas du goût de la diplomatie vaticane qui enjoint le gouvernement italien de modifier son texte qui représenterait une violation des accords du Latran qui organisent les rapports entre l’Église catholique et l’État italien.

Outre l’ingérence dans les affaires d’un gouvernement , le texte se penche et donne un avis plutôt tranché sur la notion de différence sexuelle qui dérive de la révélation divine et qui en conséquence ne peut être discutée . Homosexualité, non, pédophilie oui même si les victimes sont pour la plupart des petits garçons …

Émancipation ? De qui ? Lorsque des vieillards en robe du soir (pas très viril tout ça) vivant dans un monde à part, s’arrogent le droit d’imposer à la société séculière des règles tout droit venues du ciel, c’est à toute la société qu’ils refusent l’émancipation.

Quant aux protestants évangélistes, leurs prédicateurs se remplissent les poches de l’argent « volé » aux fidèles à qui ils expliquent lors de leurs prêches, comment s’en passer, comment vivre avec peu peut rendre plus heureux. N’est-ce pas toujours ce même rapport de domination que Marx critiquait il y a plus de cent ans déjà ? Qu’il soit le fait du pouvoir patronal ou religieux, c’est toujours le dominé qui fait les frais d’un rapport de soumission « librement » consenti.

Les religions sont en vente libre dans notre pays – elles bénéficient même de plantureux financements à charge de chacun d’entre nous – ce qui n’est pas le cas de l’opium et des autres substances hallucinogènes dont certains de nos hommes politiques semblent abuser… l’incohérence de certains de leurs propos, leurs promesses oubliées, bafouées,… en témoignent. Ou alors c’est l’attrait irrésistible du pouvoir, ce qui est une autre addiction, une autre drogue.

La libéralisation du commerce des drogues douces serait sans doute une bonne chose, elles paraissent bien moins dangereuses ….

 

 

 

 

 

 

 

La laïcité à l’heure du « confinement » puis du « déconfinement » – Une atteinte à nos libertés ?

Avant de pénétrer plus avant dans le sujet, il n’est pas superflu de revoir la définition de la laïcité issue du dictionnaire, de la comparer dans les pays phares où elle a pu éclore, c’est-à-dire en France et en Belgique bien plus tard, pour en comprendre la substantifique moelle et y détecter en quoi les contraintes vécues dans le cadre des mesures COVID-19 y auraient porté atteinte et sous quels angles.

On pense à la « liberté », cette liberté dont s’est emparée la laïcité comme si avant elle, la liberté n’avait pas eu le même sens, celle-là même qui permet de croire ou pas en un dieu, d’adhérer ou pas à une religion, mais aussi celle qui anime les forces intellectuelles progressistes que ce soit en France, en Belgique et ailleurs, dont les Iles Britanniques, les Etats-Unis et bien d’autres pays, en se confondant avec la liberté au sens large, issue des textes constitutionnels et légaux de pays démocratiques, comportant celle de s’associer, de circuler, de s’exprimer, ou encore, celle de la presse.

On pense à l’égalité, qui en son concept de laïcité vise l’égalité entre les cultes et les confessions notamment, et qui au sens large, devrait permettre à tout un chacun de bénéficier des mêmes droits et d’être astreint aux mêmes devoirs que tout autre citoyen dans des conditions légales identiques.

Pensera-t-on à la fraternité, qui implique altruisme, humanisme et solidarité entre tous quelle que soit la position sociale de chacun ?

Pensera-t-on au libre-examen ?

La laïcité, son contenu évolutif

La langue française utilise le même vocable « laïcité » pour définir deux conceptions assurément complémentaires mais néanmoins distinctes : la laïcité politique et la laïcité philosophique. Les dictionnaires offrent des définitions.

Exemple chez Larousse : 1/ Conception et organisation de la société fondée sur la séparation de l’Église et de l’État et qui exclut les Églises de l’exercice de tout pouvoir politique ou administratif, et, en particulier, de l’organisation de l’enseignement. 2/ Caractère de ce qui est laïque, indépendant des conceptions religieuses ou partisanes.

Selon le Robert, la laïcité est le « principe de séparation de la société civile et de la société religieuse, l’État n’exerçant aucun pouvoir religieux et les Églises aucun pouvoir civil ».

Pour la France, selon « l’Observatoire de la Laïcité », la laïcité garantit la liberté de conscience. De celle-ci découle la liberté de manifester ses croyances ou convictions dans les limites du respect de l’ordre public. La laïcité implique la neutralité de l’Etat et impose l’égalité de tous devant la loi sans distinction de religion ou conviction. La laïcité garantit aux croyants et aux non-croyants le même droit à la liberté d’expression de leurs croyances ou convictions. Elle assure aussi bien le droit d’avoir ou de ne pas avoir de religion, d’en changer ou de ne plus en avoir. Elle garantit le libre exercice des cultes et la liberté de religion, mais aussi la liberté vis-à-vis de la religion : personne ne peut être contraint au respect de dogmes ou prescriptions religieuses. La laïcité implique la séparation de l’Etat et des organisations religieuses. L’ordre politique se fonde sur la seule souveraineté du peuple des citoyens, et l’Etat ne régit pas le fonctionnement interne des organisations religieuses.

La laïcité prend du sens en France pour la première fois pendant la Révolution de 1789 ; l’abolition de l’ancien régime s’accompagne de la fin des privilèges ecclésiastiques et de l’affirmation de principes universels, dont celui de la liberté de conscience et de l’égalité des droits exprimés par la Déclaration des droits de l’Homme de 1789. Ce processus de pensée aboutit en 1905 à la Loi de séparation des Églises et de l’État, qui marque l’aboutissement d’une laïcisation affirmée. C’est donc la loi du 9 décembre 1905 qui codifiera les principes de la laïcité en France, déjà bien ancrés. La notion de laïcité ne cesse de s’étendre en France. Depuis la Constitution de 1958, la laïcité fonde le pacte républicain et garantit l’unité nationale. Elle est entrée dans l’ADN républicain. Elle ne constitue pas une mouvance ou une tendance, mais une ossature structurelle.

En Belgique, celle qui s’est révoltée en 1830 contre la Hollande (1815-1830) protestante de Guillaume d’Orange, franc-maçon, après avoir vécu à l’heure française très maçonnique de Napoléon, succédant à la longue période autrichienne des Habsbourg (1740-1784), elle-même faisant suite à cent cinquante ans d’occupation espagnole catholique, la laïcité depuis les modifications de la Constitution de 1831 en 1993, est reconnue comme une mouvance de pensée, une communauté ; elle est financée par l’Etat, comme les autres…cultes. Mais sur le contenu philosophique, elle reste très proche de la laïcité française.

Feu Philippe Grollet, Président du « Centre d’Action Laïque » (CAL), distingue en 2007 : « la laïcité politique, ou laïcité institutionnelle, est cette exigence démocratique aussi appelée « séparation des Églises et de l’État ». Celle-ci implique l’impartialité des pouvoirs publics à l’égard des conceptions philosophiques confessionnelles ou non confessionnelles auxquelles l’État doit un respect identique dans la mesure, bien sûr, où ces conceptions sont elles-mêmes compatibles avec les principes démocratiques et les libertés et droits fondamentaux reconnus par la Constitution et les conventions internationales. Dans un État laïque, qu’on soit croyant ou incroyant, qu’on soit catholique, musulman, protestant, israélite, adventiste du septième jour, bouddhiste, agnostique ou athée, on est citoyen » (…) la croyance, l’incroyance, l’adhésion à tel ou tel culte ou la dissidence ne peuvent donner lieu à aucun avantage ni à aucune sanction, tous jouissant des mêmes droits et tous étant soumis aux mêmes devoirs. La laïcité entendue comme conception de vie (la laïcité dite « philosophique ») est une conception fondée sur des valeurs de libre examen, d’émancipation, de citoyenneté et de justice.

Les statuts du CAL, article 4, ont défini la laïcité comme impliquant ceci  : D’une part : « La volonté de construire une société juste, progressiste et fraternelle, dotée d’institutions publiques impartiales, garantes de la dignité de la personne et des droits humains assurant à chacun la liberté de pensée et d’expression, ainsi que l’égalité de tous devant la loi sans distinction de sexe, d’origine, de culture ou de conviction et considérant que les options confessionnelles ou non confessionnelles relèvent exclusivement de la sphère privée des personnes. » Et d’autre part : « L’élaboration personnelle d’une conception de vie qui se fonde sur l’expérience humaine, à l’exclusion de toute référence confessionnelle, dogmatique ou surnaturelle, qui implique l’adhésion aux valeurs du libre examen, d’émancipation à l’égard de toute forme de conditionnement et aux impératifs de citoyenneté et de justice ».

C’est l’Américain Roger Williams (environ 1603-1683) qui pourrait être considéré comme le père de la liberté religieuse, à travers son ouvrage «  Etudes théologiques et religieuses ».

De la convergence franco-belge apparaît que la laïcité est un principe humaniste fondé sur le régime des libertés et des droits humains, sur l’impartialité du pouvoir civil démocratique dégagé de toute ingérence religieuse ; il oblige l’État de droit à assurer l’égalité, la solidarité et l’émancipation des citoyens par la diffusion des savoirs outre l’exercice du libre examen.

La laïcité n’est pas une opinion, c’est le droit d’en avoir une. La laïcité s’articule autour de trois socles : la liberté, l’égalité et la solidarité, version proche de la fraternité au sens large, sans oublier le libre-examen.

Nous retenons donc de la laïcité : la séparation de l’Eglise et de l’Etat ; la liberté (de religion, de pensée et d’expression liés à une croyance ou une confession), l’égalité (devant la loi et la justice) et la solidarité entre les citoyens au sein d’une société progressiste de personnes qui se posent librement des questions et les passent au crible de la critique selon leur liberté de conscience.

Cette laïcité conçue comme concept global de libre pensée et de liberté de culte est moyennement exportable hors France et hors Belgique, mais elle l’est beaucoup moins dans le registre de la neutralité de l’Etat et de la séparation des institutions publiques et des organisations religieuses. Sans doute l’égalité devant la loi et la justice rencontre-elle plus de succès au sein des démocraties, de même que la notion de solidarité entre citoyens. Quant à la liberté de conscience ou au libre-examen, ce mode de réflexion pourrait être universel, exonéré de tous dogmes.

Le confinement dû au covid-19 a-t-il égratigné cette laïcité-là ?

La COVID-19

De quoi parle-t-on ? Les media nous ont littéralement gavé du sujet jusqu’à l’indigestion ; les autorités ont communiqué, chacune à sa manière, et on peut émettre des critiques, mais le fait est là : par la volonté du prince, comme disent les juristes, le citoyen s’est vu imposer de lourdes restrictions et nul n’a pu les examiner pour opérer des choix, faute de passer pour un presque délinquant ou un irresponsable. Etre prudent par respect est une chose ; obéir aveuglément à des oukases relevant de l’excès ou du paradoxe c’est autre chose.

Néanmoins, le principe de précaution s’est imposé, même si d’emblée d’aucuns y ont vu l’arbre qui cachait une forêt sans chants d’oiseaux, sans soleil, où l’humanité devait s’attendre, après le pain blanc, à manger du pain noir, ce pain que l’on réservait aux Ukrainiens en les affamant en URSS, constitué de paille et de terre, alors que le blé de ce grenier productif poussé à outrance allait ailleurs, mais il convenait de ne pas en parler sous peine de disparaître.

Saura-t-on un jour ce que la crise sanitaire aura engendré en son nom mais qui relevait de paramètres antérieurs, tant au point de vue économique que social ?

On a confiné les gens ; ils ont dû se masquer, y compris ceux qui se battaient hier pour que le voile ne soit pas une obligation ; la liberté du commerce a fondu comme une peau de chagrin ; l’économie a connu la panne, l’arrêt, et a laissé les imaginatifs au pouvoir, lorsque c’était possible. Les autorités ont asséché une partie de nos libertés.

Nul n’ignore que d’une certaine manière, l’idée de liberté est plus importante à l’esprit que la liberté elle-même ; priver une personne du droit de faire ce qu’elle veut, même si au fond de sa pensée elle n’y pas songé, la motive pour s’en plaindre voire se révolter ; braver l’interdit relève de la tentation ; aucun oiseau ne peut vivre sans ailes car il lui serait impossible d’aller où il veut ; l’humain a toujours rêvé de voler ou d’escalader ou d’ouvrir les portes du voyage ; aujourd’hui, il part en vacances, participe à la fête de quartier, invite ses amis, se réunit en divers groupes, se rend au temple à la messe ou au cinéma, au théâtre ou nulle part parce que il l’a décidé lui-même.

Mais hélas, en 2019, une manipulation virale s’échappe et part à la conquête de la planète, prolifère, se transmet pour la première fois directement de personne à personne sans intermédiaire, peut tuer et s’avère plusieurs fois plus contagieuse que les grippes saisonnières.

2019 : apparition en Chine près de Wuhan d’une nouvelle maladie infectieuse respiratoire appelée SARS-COV-2, différente du SARS-COV de 2003 et du MERS-COV de 2012 au Moyen-Orient ; elle provoque une épidémie rapide de symptômes de type pneumonie virale d’une étiologie inconnue ; on le nomme COVID-19 ; on en tait l’existence, puis on en parle avec prudence, gêne ou diplomatie, et enfin, une information plus inquiétante se répand, contrainte par les événements et par les propos vrais d’une femme médecin du laboratoire de niveau 4 où l’accident semble s’être déroulé.

En Chine dans la province du Hubei, axe économique majeur, non loin de la ville de Wuhan, avec ses onze millions d’habitants, septième ville chinoise, ville de première importance en histoire politique où en 1911 démarre la révolution, dans les campagnes avoisinantes, des personnes ont en effet osé se plaindre de fatigue intense, de toux, de fièvre, et ont dû être admises aux urgences quand elles ne sont pas mortes en silence ou faute de soins.

Cette ville comporte un des plus grands laboratoires d’étude et d’analyses de virus, ceux qui existent et ceux que peut-être la nature pourrait créer ; on y joue à dieu ; on y concocte des monstres nanoscopiques d’une mortalité qui fait peur, qui dépasse l’horreur imaginée par les stratèges militaires les plus amoraux, s’il en est.

Tout droit donc sorti du laboratoire de niveau 4 de Wuhan en Chine, pour des motifs qui demeurent flous, ce virus de haute létalité a été identifié comme très dangereux parce très contagieux et donc en capacité de générer une pandémie mondiale, outre que très vite il a été présenté comme mutagène.

Et l’histoire du pangolin du marché de Wuhan ?

Nombre de pays l’ignorent encore, mais ils vont devoir faire face sans préparation, à une crise sanitaire « multinationale » qui conduira dans de nombreux pays à prendre progressivement ou de façon plus brutale diverses mesures plus ou moins radicales, et dans d’autres à ne pas ou presque pas agir.

Qui de s’empresser de dresser des tableaux animés de prolifération des cas, qui d’enfiler le costume du scientifique anxiogène, qui d’imaginer avec force détails des lendemains d’une humanité décimée, et qui d’annoncer des dispositions liberticides plus contraignantes les unes que les autres.

2020 : premiers messages d’alertes timides, non concertés, paradoxaux, tantôt minimisés, tantôt majorés, filtrés, amplifiés ou étouffés. Le monde tend le dos ; quelque chose d’infiniment petit se répand et tue les plus fragiles ; aucun vaccin n’existe, notre immunologie naturelle ne nous en protège pas et rien ne permet de détecter la contagion de manière efficace et rapide ni de s’en protéger.

On se prépare au pire, à vivre une nouvelle période de guerre, type 1914-1918 ou 1940-1945…au choix des plus imaginatifs.

Certains pays sont durement et rapidement touchés ; les autorités politiques sur conseils des scientifiques inventent un mot qui se traduit par un acte terrible : le « confinement ». Le monde comptera des centaines de milliers de morts, mais le confinement va éviter le débordement des services hospitaliers, qui vont gérer de manière exemplaire.

On reste chez soi et on n’en sort pas ; on ne rencontre personne et on évite donc tout contact ; on ordonne la fermeture des commerces non essentiels ; les entreprises s’arrêtent les unes après les autres ; on se met à dire dans certains discours que l’on est en guerre contre un virus ; des décrets, lois ou pouvoirs spéciaux sont accordés aux gouvernements qui entendent y recourir ; les personnes sont confinées par contrainte ; toute infraction est sanctionnée. La liberté que l’on pense acquise se voit limitée.

La peur envahit les esprits ; on craint une rupture des approvisionnements alimentaires, des soins pour tous, de la capacité hospitalière qui serait dépassée, des catastrophes sanitaires et économiques, sans parler d’un manque potentiel d’approvisionnement en fuel et en autre matières.

Presque 24h/24, la presse s’empare du sujet dans son rôle d’information, relais du monde politique et médical ; l’actualité croise la désinformation ; les nouvelles se mélangent aux « fake news » des quidams ou des agences étrangères intéressées par la déstabilisation politique en Europe  ; les agitateurs alimentent des théories soit anxiogènes (on va tous mourir), soit complotistes (ce virus est envoyé à dessein ou encore, ce qui arrive arrange les puissants et les autorités pour enfin changer les règles économiques et sociales en profondeur), soit les deux, et soit encore, et c’est heureux, réalistes : ce fléau frappe les plus faibles, l’économie, oblige ou permet de rebattre les cartes des paramètres du monde social, du travail, des entreprises, des habitudes, et offre la naissance d’un mode de vie nouveau…dont les dirigeants et les peuples feront ce qu’ils auront à faire.

Le confinement de la liberté laïque

Un coronavirus d’un nouveau type conquiert l’humanité, rapidement devenu inquiétant par ses caractéristiques inconnues.

Les réactions des Etats sont donc apparues désordonnées, chaotiques, inexpliquées voire même non justifiées aux yeux de certains ; le tout s’est manifesté par une sorte de désordre apparent dû à un manque d’information et de communication convoquant des mesures qui à la fois ont mis en action le principe de précaution, la peur d’une épidémie majeure à l’échelle de l’humanité, l’ignorance, le manque de bonne gouvernance stratégique en matière de produits et de matériaux, et la réalité économique et sociale.

L’Europe des frontières est sortie de ses oubliettes ; on l’a crue enterrée ; la souveraineté étatique l’a emporté, quitte à violer les traités. Les dirigeants ont démontré leur indépendance décisionnelle, plutôt que de se concerter face à un problème supranational grave. Les calendriers de chacun des gouvernements ont été gérés selon des paramètres qui confinent à des questionnements générateurs d’incertitudes. Les discours ont varié. Les annonces et les types de mesures ont concouru à plus de réactions hostiles, d’inquiétude, de peur et de pensées négatives qu’à une prise de conscience de l’existence d’un souci que tous ensemble nous pouvions résoudre avec prudence et maturité.

Il n’en demeure pas moins que le confinement n’a pas porté atteinte à la laïcité en son sens premier ; en effet, tous les cultes ont été mis sur le même pied, comme toutes les réunions, tous les citoyens quelles que soient leurs opinions et leur condition ; il en est de même dans le déconfinement.

Quant à la liberté constitutionnelle, on aura compris que, sans être annihilée, les autorités, d’un coup sec, lui ont rogné les ailes, par des mesures prises à la hâte. Peut-être est-ce là le plus inquiétant qui conduit à méditer. Ce qui s’est fait peut revoir le jour, sans guerre…

Je note aussi avec une vive inquiétude que lors du confinement, il s’est trouvé de bonnes âmes pour dénoncer leurs voisins, trop nombreux à leur goût ou dont le barbecue les incommodait. Cela ramène à des terribles souvenirs. La solidarité humaine à défaut d’être laïque, ne passe absolument pas par la délation et par l’appel à un ami policier pour que l’on vienne verbaliser chez l’autre ; entre le procès-verbal et la voiture de la gestapo, il existe une galaxie de différence, mais pas dans l’esprit stupide qui dénonce son prochain.

Confinement, déconfinement, égalité et solidarité

Le confinement et le déconfinement n’ont pas non plus porté atteinte aux notions laïques de solidarité et d’égalité.

Par contre, au sens laïc étendu, qui rejoint l’égalité historique devant la loi et la solidarité proche de la fraternité, la crise COVID-19 laisse des traces.

Les media se sont faits le relais d’une peur panique qui a tenté de convaincre. Le virus a remplacé tous les intégristes radicaux dans l’actualité et pris la vedette de toutes les émissions jusqu’à la nausée ; il fallait faire peur, mais à quoi bon procéder ainsi auprès des personnes raisonnables à qui il suffisait d’expliquer clairement ? Faut-il croire que le peuple n’est composé que de grands enfants ingérables et irrespectueux de leur vie, de celle des autres et de règles qui bien exposées peuvent devenir librement consenties ? L’égalité entre les citoyens se nivelle-t-elle par le bas ? La société de progrès peut se prendre en charge ; cela reste le pari laïc.

En matière d’égalité, certains ont bénéficié d’informations leur permettant de passer entre les mailles du filet…et de voyager…. En cette matière, l’exemple de privilégiés qui profitent de passe-droits passe mal auprès de la masse coincée, qui dans des appartements deux pièces sans jardin ni sortie, qui dans son studio ou sa maison de repos …sans visite.

Les privilèges et l’égalité ont montré le côté explosif du cocktail.

Quant à la solidarité, elle se distingue de la fraternité. On a vu de grands élans de solidarité en matière de santé, et des attitudes d’un égoïsme total ; l’Homme loup vit en meute, mais jamais il ne faut oublier la structure de la meute ni surtout que l’Homme est un loup pour l’Homme. La solidarité relève du concept naturel en matière de survie, mais pas en matière de santé, ni lorsque le faible menace le groupe. Et pourtant, la loi de complémentarité de la jungle l’emporte sur celle du plus fort. La société humaine paraît ne pas le comprendre…naturellement.

La fraternité passe par la démarche vers l’autre pour partager des valeurs et un sens qui se double d’une signification. Lorsque tout s’écroule, ou plutôt lorsque l’on fait croire que tout s’écroule, le chacun pour soi jette par-dessus bord les valeurs partagées puisqu’elles meurent, et il n’existe plus de sens que dans la survie de ce que l’on veut continuer à être, dans la mesure où ce que l’on a s’effrite. Et pourtant, l’amour de l’autre, le soin à apporter à son prochain, son frère, sa sœur en humanité, demeurent des lampes allumées sur un avenir à vivre tous ensemble.

L’aspect le plus important de cette crise se niche dans la liberté de conscience ou libre-examen, ce qui touche les valeurs de la laïcité en plein cœur.

Depuis des années la société évolue vers une régression de l’esprit critique que l’on n’enseigne plus assez, qu’il s’agisse des professionnels ou des parents. Entre les pousses de baobabs d’une potentielle future idiocratie et les germes démultipliés d’une société à la 1984 de Georges Orwell, le monde socio-culturel chemine.

Il est des pays où il n’y a plus de budget public pour la culture, une affaire privée disent certains. Il est des milieux sociaux où se poser des questions ou remettre en cause des idées préconçues, du prêt-à-penser, est insupportable. Le savoir et la connaissance forgent la capacité d’analyse de l’esprit et notamment, évitent de revivre les tourments du passé, en débusquant les éternels retours toujours possibles.

La crise, et elle n’est pas terminée, loin de là, a montré combien d’aucuns sont prêts à croire n’importe quoi ou n’importe qui ; le premier messie ou le premier personnage charismatique venu semble pouvoir conquérir une audience, voire un électorat, ce qui rappelle d’autres époques. Cette période d’angoisse a mis en évidence les dérives de la mondialisation, l’absence de pensée stratégique des Etats dépendant de matières produites ailleurs, et la méconnaissance générale en matière de santé, d’économie et de politique concertée.

Peu nombreux sont ceux qui ont soulevé, par mise en pratique de leur esprit critique et par leur liberté de conscience, les nombreux points qui inquiètent et que nul n’explique, comme on n’a pas expliqué en URSS ; je sais le propos fort mais il vise à contribuer à une prise de conscience de ce que nous pouvons faire tous la main dans la main pour ne pas que l’on nous fasse prendre des vessies pour des lanternes, pour que demain nos enfants et petits enfants vivent dans un monde heureux où il fait bon vivre.

Ce confinement n’a pas duré quatre ou cinq ans, sans quoi que serions-nous devenus ?  Le virus circule encore et la crise débute. Nous ne savons que peu de demain. Soyons solidaires, fraternels, ouverts d’esprit, forts et courageux.

Que notre chère liberté soit le fer de l’épée qui défend nos plus belles valeurs, celles du bonheur pour tous dans l’égalité, la fraternité et l’absolue liberté de conscience.

Que notre solidarité soit le bâton sur lequel chacun peut s’appuyer et partager l’infortune comme le bon pain.

Juin 2020, Philippe Liénard
Juriste, auteur et éditeur – conférencier

Nouvelle présidence du CAL – Le mot du Past-Président

Chère Véronique,

Chères amies, chers amis,

Mon mandat de président a pris fin. Je m’adresse à vous pour souligner une dernière fois, bénévoles et permanents, l’immense travail que vous accomplissez.

Le mouvement composé d’hommes et de femmes sincèrement attachés à nos valeurs de liberté, d’égalité et de solidarité agit, débat, bouscule, innove, transgresse et propose à travers ses associations, ses régionales et le CAL communautaire. Militants, nous savons que rien n’est acquis. Que la réalisation de l’idéal laïque exige rigueur, détermination et persévérance.

À chacune et chacun, merci.

Au cours des six dernières années, les chantiers furent nombreux.

Relevons parmi ceux-ci, la défense des migrants. Étrangers voyageurs méprisés en dignité et traités de façon injuste. Fiers de nos actions solidaires, de nos revendications pour la régularisation de leur situation, premiers à nous opposer au projet des visites domiciliaires, souvenons-nous que la solidarité n’est pas un crime, mais un devoir.

Épinglons notre combat permanent pour l’égalité des hommes et des femmes. Pour le plein exercice de leurs droits. Pour un féminisme universaliste. Pour une dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse. La législation évolue et nous y contribuons largement.

Les plus vulnérables, les plus démunis, les détenus ou encore les toxicomanes ont aussi occupé le cœur de nos préoccupations. C’est que la dignité humaine ne s’accommode pas de situations où les droits fondamentaux seraient moins accessibles à certains qu’à d’autres.

Quant à ceux qui font choix de mourir dans le respect de leur dignité, ils ont plus que jamais pu compter sur notre soutien. Les conditions de la mort peuvent résulter d’un choix de vie. Pas à pas, nos propositions font adhésion.

L’instruction et le partage des savoirs sont un vecteur essentiel de liberté et d’égalité.  Le moyen pour chacun de s’émanciper. De participer à la construction d’un destin individuel et collectif. Le programme de deux heures de cours d’éducation à la philosophie et à la citoyenneté obligatoires dans l’enseignement fondamental franchit progressivement les obstacles. Il illustre parfaitement notre aspiration à vivre libres, ensemble.

Porteurs d’un projet de société, nous le clarifions désormais par notre définition de la laïcité, principe humaniste qui fonde le régime des libertés et des droits de l’Homme sur l’impartialité du pouvoir civil démocratique dégagé de toute ingérence religieuse.

Nous postulons qu’elle oblige l’État de droit à assurer l’égalité, la solidarité et l’émancipation des citoyens par la diffusion des savoirs et l’exercice du libre examen.

Ainsi fallait-il, outre nos publications nous réapproprier le contenu, la direction, la responsabilité de nos émissions concédées et élargir nos communications aux nouveaux réseaux sociaux. Ce fut réalisé avec brio par nos nouvelles équipes.

Ainsi fallait-il nous battre pour replacer le principe de laïcité au centre de nos démocraties et sa reconnaissance en préambule ou au cœur de la loi fondamentale, de la Constitution. Nous avons porté le débat au Sénat et les travaux parlementaires s’en firent largement l’écho.

Ainsi fallait-il, à l’occasion du 50ème anniversaire du Centre d’Action Laïque oser un appel universel à l’adresse des autorités publiques de tous les continents. Les inviter à affirmer leur adhésion à ce principe considéré comme une exigence démocratique essentielle et défendre son inscription dans les Constitutions nationales et les traités internationaux.

Tout cela fut rendu possible et réalisé grâce à votre engagement. Et puisque je ne puis vous citer tous, permettez-moi de vous représenter à l’image de notre Secrétaire Général.

Jean De Brueker, par sa compétence et sa connaissance du mouvement, sa disponibilité et sa fraternité éclairée, a assuré la cohésion des équipes, la synergie des travaux, l’assistance aux associations et la mise en œuvre effective des orientations et décisions du bureau et du conseil d’administration.

Jean nous quittera dans quelques semaines. Il laissera sur place de remarquables directions et l’excellent duo composé de Benoît Vandermeerschen  et Hervé Parmentier.

En d’autres circonstances nous aurions pris davantage plaisir à exprimer et partager notre joie et la satisfaction du travail accompli.

Les temps difficiles du confinement ne l’auront pas permis. Temps difficiles que nous avons néanmoins la chance de vivre en démocratie, en un pays, chose unique au monde, qui subsidie l’assistance morale et la laïcité.

L’appel de Liège était prémonitoire. À la solidarité politique, éthique, humaine et climatique s’ajoute aujourd’hui la prise de conscience d’une nécessaire dépendance sanitaire à l’échelle Universelle. L’Humanité se fait une et de moins en moins divisible. Sans doute assistons-nous aux premiers balbutiements d’une révolution anthropologique plutôt qu’idéologique.

Ainsi, si les Cassandre le disputent actuellement aux messies, il me plait de citer l’historienne Françoise Hildesheimer qui propose plutôt de mesurer l’impact des épidémies aux changements que leur disparition engendrent.

« La disparition de l’épidémie, à partir des années 1772, pour la France, est un phénomène majeur de l’histoire de la peste (…) Quand la maladie est devenue une simple possibilité au lieu d’être une quotidienne réalité, il est devenu possible de raisonner à son endroit et à la raison de triompher de l’irrationnelle maladie avant que la science n’apporte des connaissances valables.

L’importance de la cessation de la peste ne se situe pas seulement en ce domaine : elle affecte également la démographie, l’économie, les relations sociales, à tel point (…) que sa cessation a eu au moins autant d’importance que sa durable présence, en permettant un renversement de conjoncture en tous domaines.

À partir du moment où elle a cessé, le règne du bonheur et du progrès a été à l’ordre du jour des Lumières et le développement démographique a été ininterrompu. ».

Chers amis, chères amies, je suis heureux de passer le flambeau laïque à une femme remarquable, d’accueillir en notre nom à tous notre nouvelle (et première) présidente Véronique De Keyser dont les qualités contribueront à relever ces défis qu’annonce la fin prochaine de la pandémie.

Bonjour et bonne santé à tous,

Henri Bartholomeeusen

Waterloo, le 26 mai 2020

 

Manifeste pour une citoyenneté de la diversité

La Belgique, comme bon nombre de pays européens, souffre d’un mal profond, le communautarisme. Qu’il soit ethnique ou religieux, ses répercussions sont largement connues et documentées. Terreau fertile du délitement du lien social, force est de constater que le « réflexe » du repli identitaire gagne, de plus en plus de terrain, sans que des solutions viables ne soient envisagées. C’est comme si nous n’avions pas encore pris collectivement la mesure de cet enjeu de société. Pourtant l’ensemble du corps social est éprouvé par les dérives communautaristes et le clientélisme de certains partis politiques. Surtout ces dernières années, avec la montée du fondamentalisme musulman, du racisme, de la xénophobie et de l’antisémitisme avec une percée des partis d’extrême droite et une interférence, néfaste et sans cesse grandissante, des États étrangers.

Lorsque la communauté nationale n’est vue qu’à travers une juxtaposition de communautés ethniques et religieuses, le citoyen devient l’otage de sa supposée communauté d’appartenance. Comment exercer son libre arbitre ? Que reste-t-il, alors, de la citoyenneté, seul moteur d’un vivre ensemble harmonieux ?

Comment ne pas être sensible à la solitude et à l’isolement de celles et ceux qui choisissent d’exercer leur libre arbitre, de rompre avec la norme imposée par l’assignation identitaire ?

Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, partageons, dans ce Manifeste, notre vision de la situation et proposons des mesures pour s’ouvrir à la diversité, promouvoir la citoyenneté et combattre le communautarisme ethnique et religieux. Nous sommes engagés depuis de nombreuses années dans la société civile et participons, activement, à l’amélioration de nos milieux de vie. Nous voulons en faire davantage. C’est pourquoi nous avons entrepris de mettre sur pied le Collectif Laïcité Yallah, le 12 novembre 2019. Ce dernier a été créé à l’initiative du Centre d’action laïque (CAL).

Notre collectif est non partisan. Nous envisageons notre action d’une façon indépendante des partis

politiques et des groupes de pression quels qu’ils soient. Nous sommes engagés à travailler avec d’autres associations et personnes qui poursuivent les mêmes objectifs. Nous lançons, donc, un large appel à la mobilisation à l’échelle européenne et invitons nos concitoyennes et concitoyens à faire entendre leurs voix.

LAÏCITÉ ET ÉDUCATION

  1. Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, qui jouissons d’une pleine autonomie de pensée si chère à l’exercice de la citoyenneté, réaffirmons avec force notre attachement à la laïcité, aux droits des femmes, à la protection des enfants et au respect de la diversité sexuelle. Il convient de préciser que la laïcité n’est pas une guerre contre les religions mais un principe humaniste de séparation des sphères politique et Principe qu’il s’agit d’introduire dans notre Constitution, de réhabiliter et reconsidérer avec la même exigence pour l’ensemble des citoyennes et des citoyens.
  1. Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, sommes attachés à la raison, à la pensée critique, à la science et aux connaissances. Nous valorisons l’éducation et la culture. C’est pourquoi nous proposons que le cours de Philosophie et de citoyenneté devienne un cours obligatoire et ce pour une durée de deux heures par semaine dans l’enseignement obligatoire. L’école doit préparer les élèves à distinguer entre ce qui relève de la croyance et ce qui est de l’ordre de la connaissance. Ce qui peut avoir valeur d’universel et ce qui peut être lié à la particularité d’un individu.
  2. Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, considérons que le recrutement ainsi que la formation des imams et des enseignants de religion musulmane doivent répondre à des exigences de respect des droits humains. Toutes références aux versets coraniques appelant à la violence, à la mise à mort des homosexuels, des apostats et des juifs doivent être abandonnées dans le cadre d’un enseignement ou d’un prêche, si tel n’est pas déjà le cas. D’ailleurs, nous suggérons l’élaboration d’une Charte qui établit, clairement, la responsabilité de l’enseignant et de l’imam à ne pas exposer leurs publics à une quelconque littérature haineuse ou violente fut-elle religieuse. Cette Charte peut également comprendre un volet consacré à la propagande haineuse qui circule en toute impunité dans les librairies  »religieuses » ainsi que dans les

SORTIR DE L’ASSIGNATION IDENTITAIRE

  1. Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, mettons en avant notre citoyenneté, refusons d’être réduits à une simple composante de notre identité complexe et rejetons avec force l’assignation identitaire dans laquelle nous enferment les tenants de l’islam politique, les faiseurs d’opinion et les décideurs, par paresse, ignorance, simple conformisme ou calculs.
  2. Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, constatons avec regret que nos voix sont inaudibles dans le débat public. Car, trop souvent, les citoyens de tradition musulmane sont définis exclusivement par leur religion, réelle ou supposée. Plutôt, une interprétation rigoriste de cette dernière. Or, il y a autant de façons de vivre l’islam qu’il y a de musulmans.
  3. Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, déplorons la « chasse aux voix » de certains partis politiques et dénonçons cette tentative d’enfermer la diversité des communautés musulmanes plurielles et hétérogènes, traversées par différents courants de pensée, dans un seul et unique référent d’ordre religieux qui constitue une grave atteinte à notre liberté de conscience et d’expression.

LIBERTÉ D’EXPRESSION, UNIVERSALITÉ DES DROITS HUMAINS

  1. Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, sommes convaincus que la libre expression des idées est nécessaire. Il faut, cependant, distinguer deux choses : d’un côté, la critique des religions protégée par la loi (y compris acerbe et virulente) et, de l’autre, l’incitation à la haine et à la discrimination à l’endroit des personnes sur une base religieuse, sanctionnée par la loi. Par conséquent, critiquer des dogmes ou des pratiques religieuses réelles ou supposées ne devrait pas conduire à l’insécurité ou l’intimidation.
  1. Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, sommes inquiets face au voilement des enfants devenu une réalité dans plusieurs villes. Des fillettes de plus en plus jeunes sont prisonnières de cet De sérieuses mesures doivent être prises, à l’échelle européenne, pour protéger les enfants de tout endoctrinement religieux. Mais ce n’est pas tout.
  2. Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, observons une grave dérive. Ces dernières années, « la femme voilée » s’est substituée à « la femme musulmane », légitimant ainsi une interprétation rigoriste et politisée du Coran telle que défendue par les fondamentalistes. Si bien que le simple fait de contester le port du voile islamique dans l’enseignement, le milieu de travail ou aux parlements, est désormais associé à un acte raciste. Nous considérons ce glissement comme une tentative de museler le débat démocratique. Qu’en est-il des femmes non voilées ? Que dire de la pression sociale exercée sur elles ?

LIBERTÉ D’EXPRESSION, UNIVERSALITÉ DES DROITS HUMAINS

  1. Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, rappelons de simples évidences : l’islam n’est pas une « race » mais une religion pratiquée par des millions de personnes. Il y a des musulmans arabes, berbères, iraniens, chinois, russes, européens, ouzbeks, maliens, soudanais, indonésiens etc., et chacun pratique un islam en fonction de sa compréhension, de ses traditions, de sa culture et de son environnement institutionnel ; toutes les musulmanes ne portent pas le voile ; tous les musulmans ne sont pas favorables au Nous connaissons le phénomène du voilement de « l’intérieur » et plusieurs parmi nous ont été témoin dans leurs pays d’origine de sa fulgurante ascension depuis l’avènement de la République islamique iraniennes en 1979 et l’exportation du wahhabisme.
  2. Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, combattons les courants de pensée qui enferment les musulmans dans un statut de victime, réhabilitent les « races » – alors qu’il n’existe, à nos yeux, qu’une seule race : la race humaine–, dénigrent l’universalisme des Lumières et s’attardent sur nos différences faisant fi de ce que nous avons en commun : notre humanité.
  3. Nous, citoyens laïques, croyants et non croyants, riches de notre héritage musulman, exprimons notre entière solidarité à l’ensemble des personnes qui se battent courageusement dans le monde contre les mouvements et les régimes autoritaires ou absolutistes faisant de l’islam une religion d’État. Et nous appelons les États européens et leurs sociétés civiles à manifester une plus grande considération vis-à- vis de leur engagement et les soutenir dans leurs

MEMBRES FONDATEURS DU COLLECTIF ET SIGNATAIRES DU MANIFESTE

Malika Akhdim, militante féministe et laïque ; Radouane El Baroudi, cameraman ; Djemila Benhabib, politologue et écrivaine ; Hamid Benichou, militant associatif ; Soade Cherifi, enseignante et coach ; Yeter Celili, militante féministe et laïque ; Bahareh Dibadj, psychologue ; Hassan Jarfi, président de la fondation Ihsane Jarfi ; Fadila Maaroufi, anthropologue et éducatrice de rue ; Kaoukab Omani, éducatrice ; Abdel Serghini, réviseur d’entreprises ; Jamila Si M’hammed, psychiatre ; Sam Touzani, artiste-citoyen.

 

Pour un humanisme universel

Rencontre avec Jean-Michel Quillardet, fondateur de l’Observatoire International de la Laïcité Contre les Dérives Communautaires,  ancien membre de la Commission Nationale (française) Consultative des Droits de l’Homme, initiateur de la rédaction de la Charte de la Laïcité dans l’École de la République Française, auteur de Pour un humanisme universel.

« Aujourd’hui, je pense qu’il y a une universalité d’un corpus de valeurs qui nous viennent des Lumières et avec lesquelles l’homme ne peut ni négocier ni transiger. La liberté de conscience, les droits de l’homme, le droit à la dignité pour tous, la liberté d’expression, la liberté de manifestation, la démocratie peuvent être partagés par toutes les cultures du monde. »

Ainsi s’exprime Jean-Michel Quillardet dans son nouvel essai Pour un humanisme universel paru chez Dervy, auteur, avocat, ancien Grand Maître du Grand Orient de France, rencontré à la librairie bruxelloise Abao : « Il y a lieu d’expliquer ce qu’est une vision humaniste universelle, parce qu’elle contient des valeurs pouvant être acceptées par tous. Cela participe à un combat mené contre le populisme. Il y a des rappels à faire face à l’obscurantisme, à l’intégrisme, à l’antimaçonnisme… », précisa-t-il.

À la question de savoir si l’humanisme est une croyance au même titre que la religion, Jean-Michel Quillardet répond : « C’est à la fois une croyance et une réalité, il faut essayer que l’Amour règne dans la Société. En effet, compte tenu de la renaissance du communautarisme, de ne pas s’ouvrir aux autres, il faut enseigner la laïcité. C’est un principe trop peu connu. Être laïque n’est pas être contre une religion, mais c’est la séparation de l’Église et de l’État[1], l’application du multiculturalisme, car aucune identité n’est supérieure à une autre. Il faut expliquer, dès l’école primaire, ce qu’est la Charte de la Laïcité, dont je suis à l’origine, et ne pas omettre que la démarche humaniste est un combat à mener au quotidien sur soi-même. »

En sept chapitres bien rythmés et illustrés de nombreux exemples, l’auteur aborde la nécessité de s’engager : « Il existe un esprit, une conscience, qui donne à l’homme une responsabilité particulière et qui l’oblige, pour reprendre le beau mot de Montaigne ‘‘à porter l’humaine condition’’, se remettre en question et choisir soi-même plus de force, plus de sagesse, plus de beauté. »

Des militants de l’humanisme

Comment définir l’humanisme ? Comment l’appliquer ? Jean-Michel Quillardet expose son point de vue : « L’humanisme, c’est préserver en l’homme son immense et incomparable dignité. C’est découvrir la nature profonde de l’être humain. L’énergie spirituelle qui fonde la nature humaine, est la raison elle-même. Le mouvement des Lumières est un idéal universel qui permet encore au XXIe siècle de donner un sens et un guide à l’humanité. Les Lumières constituent la révolution de l’esprit dont nous avons plus que besoin. Les Lumières, c’est la libre pensée, le libre examen, le refus de tout dogmatisme, elles constituent le projet humaniste avec lequel il ne peut être transigé. L’homme est au cœur de nos interrogations à partir du moment où nous nous considérons comme des militants de l’humanisme. C’est dans le sens de l’affirmation de la liberté et dans le combat contre tout déterminisme, qu’il soit considéré comme naturel ou comme culturel, que nous devons pousser nos efforts. »

Laïcité républicaine, Devoir de Mémoire et Justice humaine

« La laïcité est un progressisme » Jean-Michel Quillardet.

Trois concepts (Laïcité républicaine, Devoir de Mémoire et Justice humaine) bouclent cet essai qui devrait interpeller tout un chacun, mais plus particulièrement tous ceux qui, comme aux Amis de la Morale Laïque, à la rédaction de son magazine ML, défendent, plus que jamais, la laïcité : La laïcité, explique Jean-Michel Quillardet, c’est la liberté de penser, la liberté d’opinion, la liberté de croyance, la liberté de croire ou de ne pas croire, la liberté de conscience : « Les Églises et les religions sont ainsi restituées dans la sphère uniquement privée, dans laquelle le domaine public n’a pas à intervenir de quelque façon que ce soit, sauf pour faire respecter les grandes lois républicaines et en particulier la liberté de conscience. »

 

Hélas, ce principe n’est pas d’application dans tous les pays. Ainsi, les présidents des USA prêtent toujours serment sur l’une ou l’autre bible et, en Belgique, l’Église est omniprésente dans maints rouages de la Nation, dans l’enseignement et le financement des cultes, par exemple.

L’auteur insiste : « La laïcité républicaine, c’est dire toujours que nous sommes, avant d’être juifs, musulmans, catholiques, protestants, athées, agnostiques, francs-maçons, etc., d’abord et avant tout des citoyens », il clame encore que « le totalitarisme de la foi viole constamment la liberté de penser et la liberté de choisir ses propres certitudes ou interrogations. »

Cependant, pour Jean-Michel Quillardet, la laïcité ne peut pas se résumer qu’à la séparation de l’État et des Églises, « c’est aussi une vision d’une société égalitaire qui considère l’individu d’abord comme un citoyen en fonction de son humanité et non de son appartenance à tel ou tel groupe culturel ou ethnique. »

Encore plus concrètement, il déclare que « tant que la population, pauvre, précarisée, non instruite et non éduquée existera, la laïcité, idée émancipatrice pour l’être humain, ne pourra guère triompher. »

Au sujet de la nécessité du Droit de Mémoire, l’auteur rappelle, à juste titre, que « la bête immonde, ce monstre froid, qui comme dans la nouvelle de Kafka se couche, se déploie et se déploie encore et prend une telle place qu’elle étouffe et très vite étrangle, cette bête immonde est toujours prête à renaître »

Pourtant, la civilisation ne signifie-t-elle pas le respect de l’individu, la liberté et la tolérance ?

La Shoah, l’Arménie, les Khmers rouges, Staline, Mao, Franco, Pinochet, le Rwanda, le Darfour et tant d’autres exemples, cela exista quoi que disent les révisionnistes. Et, comme l’Histoire a tendance à repasser les plats, même les plus nauséabonds, la nécessité de se souvenir que, je cite encore, « les bourreaux trouvent toujours une bonne raison de bâillonner, d’emprisonner, de tuer », cette nécessité vitale doit donc être constante.

Pour Jean-Michel Quillardet, avocat de profession, rappelons-le, « seul un État de droit, avec des règles, des lois et des cours de justice, permettra à l’homme de maîtriser ses passions, de canaliser ses tentations et d’organiser le vivre ensemble malgré nos contradictions. »

Et puisqu’on évoque la Justice, il insiste également sur le concept de « Justice humaine », c’est-à-dire que « nous savons bien que le miroir nous renvoie l’image de notre pire ennemi : nous-même ! »

Sans le moindre détour il expose que « l’homme a une terrible responsabilité à l’égard de l’humain et qu’il doit toujours, pour être un homme, éradiquer l’inhumain dans l’humain. Seules les règles de droit, d’un droit démocratiquement élaboré, d’un droit humaniste, peuvent éviter les transgressions. Le Justice doit rendre sa dignité d’homme à la victime, lui rendre son humanité, pour le présent et l’avenir, exprimer de manière rationnelle, implacable, irréfutable, le jugement de l’humanité, chaque homme étant porteur de la condition humaine. »

Il ne s’agit pas d’un discours, un de plus, qu’émet Jean-Michel Quillardet puisqu’il fut cheville ouvrière de la Charte de la Laïcité à l’École affichée et, en principe commentée, dans tous les établissements scolaires de l’Enseignement public en France.

Elle s’articule sur trois grands principes : prévenir, répondre et soutenir. Il y est question de neutralité de l’État, de la liberté de croire ou de ne pas croire, de s’exprimer librement dans le respect de l’autre, du vivre ensemble, de l’accès à une culture commune et partagée, du rejet de toutes formes de violence, du devoir de stricte neutralité des personnels…

Et si d’autres pays, dont la Belgique, prenaient exemple sur cette Charte plutôt que tergiverser depuis des décennies en cette matière ?

Une matière devenue particulièrement urgente à traiter, compte tenu des bouleversements sociétaux auxquels nous assistons.

 

Rationalisme et Lumières

De Jean-Michel Quillardet dans Pour un humanisme universel :

  • « L’utilisation du rationalisme n’est pas exclusive d’une démarche intuitive ou poétique.»
  • « La démarche rationnelle est également poésie, intuition, imagination, parce qu’elle tente de briser les convenances, les apparences, ou des signes, et ouvre les portes de la complexité de l’être humain.»
  • « La philosophie des Lumières a libéré l’Homme de ses chaînes ; les Lumières, c’est la constitution, pour chaque homme[2], d’une pensée libre, préoccupée du réel sans messianisme religieux ou politique.»
  • « Les Lumières, ce sont des textes juridiques et philosophiques, actes fondateurs générés par l’Homme lui-même, contractualisé par et pour l’humanité.»
  • « La lumière, c’est la lumière naturelle à l’intérieur de l’homme qui s’oppose à la lumière surnaturelle.»
  • « La lumière naturelle n’est pas l’inclination qui nous porte à croire, elle nous fait connaître.»

Pierre Guelff
Auteur, chroniqueur presse écrite et radio

[1] Ce qui est loin d’être le cas en Belgique, par exemple.

[2] N.D.L.R. : être humain.

La Laïcité en mouvement

Pour notre 200ème numéro ML, il ne s’agit pas de faire un état des lieux.

Non.

Alors osons réaffirmer que la Laïcité est une culture d’engagements au cœur desquels sont déclinées toutes les valeurs inspirées de Tous nos Droits humains.

La Déclaration Universelle des Droits De l’Homme a 70 ans, la plus belle Déclaration d’amour de l’Humanité dont nous partageons toutes ses valeurs universelles.

Mettre la dignité humaine, les libertés fondamentales, d’opinion, de conscience, de culte… au centre de nos préoccupations, de nos ambitions.

S’indigner, exprimer sa solidarité, fixer nos repères communs, relever des défis…. a toujours rencontré l’adhésion de l’équipe de la FAML.

Pléthore de sujets abordés, dans nos publications et revues ML, pour tous nos publics mobilisés autour de nos valeurs de Liberté, de Fraternité, d’Egalité, de Tolérance, de Respect, d’Emancipation: L’Ecole, plus juste, plus égalitaire, le cours d’Education à la Philosophie et à la Citoyenneté pour tous, « deux heures, c’est mieux».

Les questions migratoires, le choc des cultures, les justices et injustices, le vivre – ensemble, les combats éthiques pour l’IVG et l’euthanasie, échanges de savoirs, débats, interviews …

Notre mouvement laïque garde sa visée universaliste par sa volonté qui s’est toujours affirmée dans nos textes, propos, écrits et parutions régulières.

Notre mouvement laïque garde toujours sa volonté affirmée de maintenir sa visée universaliste dans nos textes, propos, écrits et parutions régulières.

Avec les acteurs de terrain, les AML, les Comités, nos partenaires de la Laïcité, nous constituons par nos mobilisations de proximité, une avancée de visibilité à la faveur de la défense de nos valeurs humanistes.

Donnons du sens et de la beauté à la parole et aux gestes.

Et comme le dit Jean Baubérot, le terme Laïcité fait sens à un niveau mondial et peut dès lors constituer une référence partagée, un idéal commun.

 

Christine Mironczyk

Présidente de la FAML