Toutes coupables

Patricia Keimeul - Administratrice FAML

Etre une femme libérée tu sais c’est pas si facile – Cookie Dingler

Mademoiselle, votre tenue est inadéquate

Ce lundi 21 mars, une élève de l’Athénée Royal Air Pur à Seraing a été punie pour avoir porté une tenue jugée «  inappropriée » par la direction de l’établissement. Avec le retour des beaux jours, les tenues plus légères font leur apparition et avec elles les remarques désobligeantes voire totalement sexistes à l’égard de celles qui les portent.

La jeune fille porte, alors que les premiers rayons d’un soleil printanier réchauffent nos journées, un legging, un top et une chemise mais pas de soutien-gorge et, le cours de gymnastique terminé, s’apprête à rentrer chez elle.

C’est alors que la proviseure de l’établissement l’arrête et lui signifie que sa tenue est « inappropriée » et qu’elle risque d’embarrasser la direction si des garçons se mettent à les regarder, elle et ses amies, ou à lancer des rumeurs les concernant. Et, se basant sur le règlement d’ordre intérieur de l’école qui stipule que les élèves doivent porter une tenue vestimentaire appropriée, elle décide que ce n’est pas le cas de cette étudiante et lui inflige aussitôt une retenue de 4 heures.

Il appartiendrait donc aux jeunes filles de surveiller leur tenue vestimentaire afin de ne pas exciter la concupiscence de jeunes gens apparemment incapables de contrôler et de maîtriser leurs ardeurs.

Surveille ton verre

De même, lorsque faisant la fête dans un bar, les filles sont priées de surveiller leur verre afin que n’y soient pas versées subrepticement le GHB ou le rohypnol, deux substances plus communément appelées drogues du viol. Le rohypnol est un puissant sédatif hypnotique qui, associé à l’alcool ou au cannabis voit ses effets décuplés et devient vraiment dangereux, effets qui se produisent extrêmement rapidement, empêchant celle qui en est la victime, de réagir à temps. Ils durent environ 8 heures et permettent ainsi au violeur de prendre son temps.

Désinhibition, somnolence, nausées et perte de la capacité de jugement, de mémoire, difficulté à s’exprimer clairement et à marcher droit… à forte dose même, perte de conscience sont les terribles conséquences de l’ingestion de cette drogue.

Quant au GHB, il est un anesthésiant euphorisant utilisé en médecine pour les anesthésies générales. Celle qui l’absorbe ressent diverses sensations comme une ivresse avec flottement, a des pertes d’équilibre et de repère de temps, elle perd toute inhibition et ressent une impression de bien-être, d’euphorie…

A forte dose, le produit provoque une réaction hypnotique et annihile tout souvenir au réveil. Un risque de convulsions ou même de coma ne sont pas à exclure.

Ces drogues disparaissant rapidement de l’organisme, il est particulièrement difficile de les déceler et de prouver qu’il y a eu viol. L’agresseur ne ressent généralement aucune culpabilité puisque la victime, désinhibée par les effets de la drogue, peut paraître consentante et n’a généralement aucun souvenir de ce qui s’est passé. Porter plainte devient presque impossible, ce qui accroît encore la douleur de celle qui a subi l’acte violent.

On suggère donc aux jeunes filles de ne pas laisser leurs verres sans surveillance et de ne pas en accepter de la part d’inconnus. Elles doivent aussi privilégier les sorties entre amis et éviter de porter des tenues qu’un agresseur potentiel pourrait prendre comme une invitation à un rapprochement très intime.

Pourquoi pas, comme certains le conseillent, donner aux jeunes filles des cours de self defense qui leur permettraient de mettre KO un éventuel agresseur. D’autres encore les voilent, parfois entièrement pour les soustraire à la concupiscence des hommes. Une chevelure est donc si excitante qu’elle est capable de provoquer chez l’homme un désir incontrôlable.

Faire la fête sans contraintes, sans avoir à craindre d’ingérer des produits toxiques est devenu difficile. Les jeunes filles victimes d’attouchements voire de viols sont donc coupables, coupables d’être trop « aguichantes », trop « sexys » et trop imprudentes. L’agresseur, face à tant de provocations, succombe et ne ressent aucune culpabilité d’avoir profité d’un corps qu’il estimait offert.

Tu as ce que tu mérites…

Quant aux victimes de violences conjugales, leurs bourreaux les manipulent à un point tel qu’elles finissent par se sentir responsables des coups qu’ils leur portent. Si elles sont battues c’est qu’elles l’ont bien cherché , tous les prétextes sont bons.

Culpabilité, honte, ce sont elles qui les éprouvent, elles, les victimes.

Idem dans les affaires de harcèlement.

L’affaire Weinstein est emblématique de la culpabilisation des femmes qui ont eu le courage de porter plainte contre le producteur. Tant les hommes que d’autres femmes leur reprochent au mieux de n’avoir pas réagi plus tôt au pire, de l’avoir cherché…

Elle l’a bien cherché

Aucune victime de viol, de violence, de harcèlement ne l’a cherché. Qu’elle ait bu, qu’elle porte une mini-jupe ou un décolleté plongeant, rien ne justifie de lui faire subir de tels outrages, rien ne justifie de la rendre responsable, coupable de sa propre agression.

Et, lorsque la victime porte plainte, il appartient à celui qui reçoit cette plainte non pas de souligner une possible ivresse, non pas de lui faire remarquer une tenue « aguichante », un maquillage outrancier qui feraient d’elle une provocatrice, il lui appartient de constater les faits, de les enregistrer et d’incriminer le présumé coupable et non pas de blâmer la victime, de s’en moquer, de ne pas entendre sa souffrance.

Pourquoi a-t-elle attendu pour en parler ?

Si certaines victimes en parlent, portent plainte immédiatement après l’agression, pour d’autres, le chemin pour y arriver est long et pénible. Que ce soit la honte qu’elles ressentent, la peur de ne pas être crues, que ce soit le déni, la volonté d’enfouir au plus profond de leur mémoire, le souvenir du traumatisme qui les a laissées souillées, meurtries dans leur corps et dans leur esprit, pour celles-là la démarche est difficile. Souvent le déclic aura lieu lorsqu’une autre femme ayant vécu la même expérience violente s’exprimera. De victime isolée, elle deviendra alors partie d’un groupe, avec la force probatoire qu’il représente.

Tant l’affaire Weinstein que celles des bars autour du cimetière d’Ixelles suivis par de nombreux autres comme les Jeux d’hiver, que celle des acteurs harceleurs,…, sont emblématiques de la puissance que détiennent les victimes et ceux qui les soutiennent lorsqu’elles s’unissent : condamnation pénale du producteur, bars désertés, retrait du casting,…

Conclusion

Non, la femme n’est pas coupable, non elle n’est pas responsable des violences qui lui sont infligées. Oui la femme peut s’habiller comme il lui plaît de le faire, et oui elle peut boire et même être saoule si ça lui chante, non elle ne doit pas être paranoïaque et surveiller son verre en permanence, non elle ne doit pas devenir miss karaté pour pouvoir vivre en sécurité. Oui la femme doit pouvoir vivre librement en toutes circonstances.

C’est aux hommes de respecter les femmes, c’est à nous d’éduquer nos garçons dans ce sens, c’est à la police d’écouter les victimes avec bienveillance plutôt qu’ironie ou mépris. Des inspecteurs sont spécialement formés dans ce sens dans certains commissariats.

Ne nions pas non plus que les hommes peuvent aussi être victimes de violence, de harcèlement voire même de viol et si les cas sont beaucoup plus rares, ils sont aussi graves et traumatisants.

Ils sont d’ailleurs plus généralement le fait d’autres hommes. Rares sont les femmes qui droguent, qui sont à ce point excitées par les tenues vestimentaires des messieurs qu’elles ne peuvent résister à des pulsions malveillantes.

Soyons quand même de bon compte et reconnaissons que la majorité des hommes ne sont pas des violeurs, des agresseurs, des prédateurs. Ils ne sont en fait qu’une petite minorité mais une minorité particulièrement malfaisante.

 

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