Jeunes éco-anxieux et jeunes révoltés
Pierre Guelff - Auteur, chroniqueur radio et presse écrite
Dans toutes les sphères de la Société et de la planète, il y a de plus en plus de jeunes en détresse face à l’inquiétante situation climatique. L’échec de la COP 26 n’a fait que confirmer ce constat.
Une immersion de trois ans parmi eux, permet de mieux cerner ce problème qui prend de l’ampleur. Reportage « engagé ».
« The Lancet », journal scientifique par excellence, publia récemment le résultat d’une vaste enquête de neuf chercheurs en psychologie auprès de 10 000 jeunes âgés de 16 à 25 ans répartis sur les cinq continents : l’anxiété liée au climat s’accompagnant de frayeur, de chagrin, d’inquiétude, de colère…, nuit à leur vie quotidienne.
Ces jeunes s’exprimèrent sans ambages : « L’humanité est condamnée » (plus de 50%), « Le futur est effrayant » (quelque 75%), « C’est faute de ne pas avoir pris soin de la planète » (83%) et 39% déclarèrent hésiter à faire des enfants dans pareille situation.
Conclusion de ces chercheurs : « Pour un grand nombre de jeunes dans le monde, les gouvernements ne reconnaissent pas la crise ou n’y réagissent pas de manière cohérente et urgente, ou ne répondent pas à leur alarme. Cela est vécu comme de la trahison et de l’abandon, non seulement de l’individu mais des jeunes et les générations futures en général. »
Et sur le terrain ? Marie-Paule Peuteman, psychothérapeute au Planning familial d’Evere, voit également un accroissement assez significatif des jeunes parmi la patientèle : « Effectivement, comment vivre quand on est jeune et que l’on a la conviction d’assister à l’effondrement de la planète, puisqu’il n’est plus à démontrer qu’elle se meure, que les forêts primaires disparaissent, que la biodiversité se dégrade de façon affolante, que le climat se déglingue, que les défis démographiques sont énormes, que la pollution est généralisée et, en plus, voilà aussi cette jeunesse, comme nous tous, au cœur d’une crise sanitaire mondiale ? »
Dans une chronique radio abordant ce malaise chez de nombreux jeunes, Marie-Paule Peuteman évoqua le dernier récit de Patrice Van Eersel « Noosphère », publié chez Albin Michel. Il met en scène un jeune homme de 30 ans qui ne croit en plus rien, qui est dans une spirale descendante et possède une conscience hyper-aigüe des menaces qui pèsent sur le monde. Il se dit à quoi bon travailler puisque tout va s’effondrer et il est donc littéralement tétanisé par l’ensemble des phénomènes de destruction.
Alors le narrateur, évoque la collapsologie, qui est un courant de pensée qui envisage les risques d’un effondrement de la civilisation industrielle et ses conséquences et va proposer une rencontre avec des collapsologues qui, malgré leur scepticisme, restent actifs et confiants dans le « monde d’après ». Le jeune homme désabusé va ainsi découvrir un nouvel horizon, l’extraordinaire vision de la « Noosphère » ou la perspective fantastique d’une « conscience humaine collective ».
L’auteur, dit-elle, s’appuie sur les travaux de Teilhard de Chardin et de Vladimir Vernadski qui eux ont compris cent ans avant tout le monde, l’influence prépondérante de l’action humaine sur la biosphère terrestre. Ces deux scientifiques cherchent à décrypter les lois de l’évolution. Et malgré toutes les violences et aveuglements durant la guerre 14-18, l’un et l’autre voient l’humanité prendre peu à peu conscience d’elle-même. D’ailleurs, ces deux visionnaires vont jusqu’à imaginer une science à venir qui intégrerait la notion d’amour.
Genèse d’un profond mal-être
En mai 2018, une certaine Greta Thunberg, participa à un concours écrit proposé par un journal aux jeunes suédois afin d’exprimer leur sentiment par rapport au climat. Elle y décrivit sa peur du réchauffement climatique et, quelques jours plus tard, une photo d’elle munie d’une pancarte « Grève scolaire pour le climat » commença à faire le tour du monde. Le phénomène « Greta » était lancé !
Née en janvier 2003 à Stockholm, souffrant du syndrome d’Asperger (forme d’autisme), elle devint militante écologique et se lança dans une sensibilisation aux catastrophes naturelles avec une détermination rare.
Il faut dire que l’un de ses lointains parents n’est autre que Svante Arrhenius (1859-1927), qui fut Prix Nobel de chimie en 1903 et l’un des premiers scientifiques à émettre une théorie du réchauffement climatique. Ceci explique peut-être cela.
En Belgique, le mouvement de jeunes en faveur du climat et contre l’inertie du monde politique en matière de défense de l’environnement débuta la première semaine de 2019 et fut initié par quelques adolescentes via les réseaux sociaux, principalement par Anuna De Wever, aujourd’hui 20 ans, néerlandophone, à l’origine du mouvement « Youth for Climate » avec Kyra Gantois, 21 ans, comme porte-paroles, et Adélaïde Charlier, coordinatrice des actions du côté francophone. Le mouvement des jeunes pour le climat était aussi en Belgique !
Un jour de janvier 2019, donc, 3 000 jeunes séchèrent deux à trois heures de cours pour clamer dans les rues bruxelloises leur volonté d’une prise en considération de ce grave problème par les autorités.
Cela n’avait pas été apprécié par les directions d’écoles qui firent pression et les menacèrent de sanctions disciplinaires.
Suite à un reportage consacré à cette manifestation pacifique, je fus catalogué d’« inconscient » car « encourageant les jeunes à déserter les bancs d’écoles » (La Libre Belgique, Facebook…) par ces mêmes directions. J’ai répliqué en signalant que, quand les enseignants faisaient grève pour porter leurs revendications, ce n’était ni le mercredi après-midi, ni le week-end ou durant les vacances scolaires ! Parenthèse fermée.
Il en fut de même une semaine plus tard, avec, réponse du berger à la bergère, puisque les jeunes furent 12 500, encore de manière pacifique, mais déterminée, à défiler jusqu’aux abords des ministères belges et de la Communauté européenne.
En troisième semaine, les rangs grossirent avec une énergie davantage marquée et remarquée : quelque 35 000 participants, selon la police, et de plus en plus d’adultes aux côtés des adolescents, même un groupe de grands-parents rassemblés dans un collectif créé pour la cause : « Grands-Parents pour le Climat ».
Au fil des semaines, ce ne furent plus seulement la presse dite militante et différents médias alternatifs qui relatèrent ces manifestations, puisque la presse traditionnelle nationale et internationale en fit également état avec des titres comme « La désobéissance civile, la nouvelle manière de militer pour le climat » (La Libre Belgique, 24 janvier 2019) et allusion à quelques slogans et déclarations, tels « Quand je serai grand je voudrais être vivant », « Nous sommes la dernière génération à pouvoir agir », et une petite touche d’humour avec « Le climat est plus chaud que mon mec », ou « Plus de degrés dans la bière et pas dans la nature ! »…
Le monde politique a bien cru que cette jeunesse avait viré sa cuti après les vacances. Il n’en fut rien. La manifestation de reprise, si j’ose dire, compta de 15 à 20 000 personnes, encore et toujours inspirées par Greta Thunberg, la jeune suédoise à l’origine de cette contestation planétaire.
Autre constatation, davantage d’ONG et les principaux syndicats du pays s’associèrent à ce mouvement « Jeunes pour le Climat ».
Plutôt que de longs discours, l’un de mes reportages se concentra sur les slogans scandés, chantés ou écrits, reflets incontestables de sentiments : « Nous sommes tous des colibris », « Pas de nature sans futur », « Savez-vous nager ? », « H&M = 12 tonnes d’invendus brûlés par an ! », « Halte aux fausses politiques, place à la pratique », « Fin du monde, fin du mois, même combat », « Sobriété, solidarité, humilité envers la Nature », « Arrête de niquer la mer », « Pas la guerre mais la révolution climatique ».
Poursuivant des grèves scolaires et défilés, certains thèmes furent parfois davantage développés, un peu comme les « Vendredis Alerte Incendie » de Jane Fonda au Capitole (voir notre magazine de janvier 2021).
Ainsi, un vendredi fut centré sur l’indispensable préservation de la vie marine et on vit quatre pingouins en glace être exposés en plein air et, au fil du défilé, fondre à l’instar du drame écologique avec la fonte de la banquise et des sommets de moins en moins enneigés : « Océans à la casse, on est tous dans la mélasse », « Nous voulons une terre à vivre pour nos petits-enfants », « De tous les maux, la complaisance est le plus mortel défaut », « Océans en chaleur, on en sent déjà la douleur » …
Durant des mois et jusqu’à la pandémie et les mesures sanitaires, des centaines de milliers de citoyens, voire des millions dans le monde, firent pression sur les élus pour qu’ils aient le courage de mettre au pas ceux qui salissent la Terre.
Il fut également réconfortant de constater que le nombre de « grands-parents pour le climat » qui se trouvaient aux côtés des jeunes allait aussi en augmentant, au point que des groupes structurés de personnes du 3e âge prirent un certain essor.
Cela allait-il influencer les politiciens ? Les décideurs allaient-ils être moins dédaigneux ? Le dénigrement à l’égard des jeunes activistes, telle Greta Thunberg, sur les réseaux sociaux et de la part d’une personnalité comme Michel Onfray, s’estomperait-il ?
Les provocations policières, les manipulations de l’opinion publique et les propos des climatosceptiques qui semblaient être fomentés par différents pouvoirs afin de décrédibiliser le mouvement citoyen, s’éteindraient-ils face à la réalité ?
La maison brûle
Ce n’est pas facile de faire entendre son avis quand on connaît les accointances entre certains politiciens et les lobbys (quelque 20 à 30 000 officiellement inscrits dans la capitale de l’Europe), et si, jusqu’à présent, ces Marches pour le Climat se sont déroulées dans le calme, on sent de plus en plus cet engagement pacifique voisiner avec des propos plus radicaux au cœur des manifestations.
Ainsi, un tract disait clairement : « Comme on a pu l’observer, les révoltes qui restent dans les cadres établis rentrent totalement dans le jeu du pouvoir et ne permettent pas d’obtenir de réelles avancées », alors qu’un slogan était assez explicite sur la manière d’agir : « Notre maison brûle, brûlons leurs palais », et qu’un jeune manifestant me déclarait que le « pacifisme ne sert plus à rien, il faut passer à autre chose… »
Il faut dire que le dédain du monde politique ou la récupération à des fins électorales par divers caciques de partis est littéralement pris comme une injure par la jeunesse.
M’avisant de leur place au sein de cortèges, les organisateurs m’assurèrent qu’ils continueraient à accueillir tous les citoyens, mais que les politiciens étaient priés de laisser la priorité à la société civile, c’est-à-dire ce qui désigne « l’ensemble des associations à caractère non gouvernemental et à but non lucratif qui agissent comme groupes de pression pour influencer les politiques gouvernementales dans un sens favorables aux intérêts de ceux qu’elles représentent. Il s’agit donc de l’auto-organisation de la société, en dehors du ou parallèlement au cadre institutionnel politique, administratif ou commercial » (Wikipedia).
Cependant, la violence n’est pas venue du côté des citoyens… Ainsi, une mobilisation intergénérationnelle, toujours pacifique, puisqu’il s’agissait de débats publics, se déroula en octobre 2019 à la Place Royale à Bruxelles, à quelques pas du palais royal.
Alors que, la veille à Londres, une action était menée par le mouvement pacifiste de désobéissance civile « Extinction Rebellion » (XR) qui clame l’urgence climatique, l’on y trouva parmi les nombreuses personnes arrêtées un membre de la famille royale belge !
« Esmeralda la princesse belge rebelle de 63 ans », souligna le quotidien « Le Soir », qui déclara : « Ce serait merveilleux que le roi Philippe prenne position sur le climat, car c’est un problème global, humain, urgent. Mais, compte tenu de la complexité du système belge, il ne parlera pas. »
À Bruxelles, place Royale, le pacifisme était également omniprésent dans les rangs des manifestants, de 7 à plus de 77 ans : « Nous respectons tout le monde : les uns envers les autres, envers le grand public, le gouvernement et la police, nous ne commettons aucune violence, ni physique ni verbale, nous ne portons ni armes ni masques, nous n’apportons ni alcool ni drogues, nous nous tenons responsables de nos actes et quiconque enfreint ces accords sera prié de partir… »
Les six cents manifestants ne forcèrent pas les barrages et furent installés à même le sol, en principe pour vingt-quatre heures.
Parmi eux, Xavier, trentenaire, me développa les motifs de sa participation « parce que les politiciens sont inactifs et qu’il espère que le roi va se ‘‘mouiller’’… »
Eh bien, ce furent les manifestants qui furent mouillés car, avec une rare violence, les policiers utilisèrent pompe à eau, gaz lacrymogènes, matraques pour les déloger, le tout fut suivi de dizaines d’arrestations musclées.
La réprobation fut quasiment unanime face à cette violence absolument injustifiée : les manifestants étaient tous pacifistes et leur comportement respectait scrupuleusement les mots d’ordre du mouvement non-violent.
Le bourgmestre de la Ville de Bruxelles, Philippe Close déclara vouloir pacifier la situation et les autorités policières affirmèrent que ce fut une manifestation non autorisée (des pourparlers avaient eu lieu), qu’elle se déroulait dans une zone interdite (à l’exception de quelques individus, les 99,9% des manifestants étaient sur une place adjacente), que les manifestants refusaient de quitter cette place et entravaient la circulation or, ils pliaient bagages suite aux injonctions de l’officier des forces de l’ordre et se dirigeaient paisiblement vers les « sorties » ou des espaces reculés.
Même s’il n’y a pas lieu de généraliser ni d’établir des amalgames, car tous les membres des services de l’ordre n’ont pas cette attitude, il faut quand même reconnaître que cette violence policière est assez récurrente.
Ainsi, le 5 juillet 2021, le Tribunal de 1ère instance de Bruxelles condamna la Police de Bruxelles qui avait interpellé des dizaines de jeunes activistes d’« Extinction Rebellion » à la suite de la tentative (donc, avant la moindre action) contre le Black Friday, au titre que les arrestations ne se justifiaient pas. La condamnation fut étendue pour des fouilles d’activistes à nu, ainsi que pour leur avoir refusé d’appeler une personne de confiance et de les avoir menottés. Ces actes furent jugés injustifiés.
COP 26-espoir, COP-26 désespoir
Toute cette tension fut oubliée, car la pandémie au COVID-19 frappa de plein fouet la planète. Ce qui, bien entendu, ajouta encore de l’angoisse dans la Société.
Cependant, après un arrêt forcé par la crise sanitaire, le mouvement « Jeunes pour le Climat », soutenu par des dizaines d’associations, relança la contestation, ainsi que d’autres organisations citoyennes, compte tenu de catastrophes majeures de plus en plus marquantes sur toute la planète et du contenu du nouveau rapport du GIEC, le sixième, publié dès le 9 août 2021.
Un constat scientifique absolument catégorique sur la dégradation constante de la situation climatique. « L’alerte rouge est lancée » et il n’y a plus la moindre raison à rester climatosceptique : l’humanité risque de disparaître très rapidement.
À la veille d’un important Sommet européen qui se déroula à Bruxelles en octobre 2021 et la Conférence climatique de Glasgow (COP 26), du 2 au 13 novembre 2021, ce sont quelque 50 000 (selon la police) à 70 000 (d’après les organisateurs) personnes, principalement des jeunes, qui défilèrent à nouveau dans les rues de Bruxelles et passèrent devant les institutions fédérales belges et l’immense complexe de la Communauté européenne.
Près d’une centaine d’organisations, des « Jeunes pour le Climat » aux syndicats européens, et des citoyens vinrent en masse clamer que l’on était au point de bascule : « Où nous restons empêtrés dans le monde d’avant ou nous optons radicalement pour la solidarité et un changement de politique, car l’horloge tourne. Inexorablement. Inondations et sécheresses dramatiques, incendies dévastateurs, mépris des multinationales et des politiciens, même de prétendus élus écologistes qui font davantage de bla-bla-bla que de la véritable politique écologique, comme le clama Greta. Il est grand temps, mais c’est limite, de changer le cours de l’Histoire, selon des climatologues qui spécifient qu’il est encore possible de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, par exemple. »
Bien avant cette nouvelle Marche pour le Climat, Victor Hugo, qui fut un véritable défenseur de la Nature, écrivit : « Le chien, c’est la vertu – Qui ne pouvait se faire homme, s’est faite bête. »
Pourquoi citer ces propos canins ? Parce que, incontestablement, « la » vedette du cortège fut un chien tenu en laisse par son maître. Le bel animal portait sous le cou une pancarte : « Nos politiques traînent la patte, alors j’ouvre ma gueule pour le climat ».
Durant ce temps, ses amis les êtres humains brandissaient d’autres slogans dans une harmonie parfaite qui en disait long sur leur détermination face à l’inertie politicienne : « Honte aux décideurs », « Changeons le système pas le climat », « Merci les banques ! », « Ne pas casser ma planète », « Nous sommes prêts à agir, et vous les politiciens ? », « Protégeons notre planète, ce n’est pas une poubelle », « Assez marché ! Luttes locales et résistance globale », « Justice ? Quand les billets de banque pèsent plus qu’une vie… », « Les changements climatiques ne connaissent pas de frontières du Nord au Sud » …
Sophie, une adulte qui soutient la jeunesse : « J’attends que les politiciens prennent des décisions et leurs responsabilités, qu’ils arrêtent de tourner autour du pot en défendant, soi-disant, l’emploi. Il faut qu’ils défendent la terre et les gens, alors cela aidera beaucoup l’emploi ! Les lobbys ne devraient pas être autorisés à entrer dans les enceintes parlementaires. Il faut interdire ces influences ! »
Lèia, une manifestante de 20 ans, expliqua la raison de sa participation : « Il faut lutter pour ce qui se passe dans le monde depuis si longtemps, mais surtout actuellement tant les catastrophes s’accentuent. Il faut agir concrètement plutôt que parler et absolument mettre des solutions en place… »
Solutions radicales comme le spécifia un organisateur : « Changeons de système économique et social à l’échelon mondial, car les changements climatiques, eux, ne connaissent pas les frontières. De plus en plus, les citoyens montrent et démontrent aux politiciens qu’ils ne sont plus dupes et que leur bla-bla-bla est débusqué. L’heure de passer aux actes a sonné. Puisse-t-elle ne pas devenir un glas pour l’humanité. »
Une autre manifestation eut encore lieu le 31 octobre à Bruxelles en parallèle avec plusieurs défilés en Allemagne, à Glasgow…, comme un dernier rappel aux participants à la COP 26 : « L’humanité est à l’aube de retombées climatiques cataclysmiques. Nous voulons que les dirigeants européens et mondiaux respectent l’Accord de Paris avant que la terre ne devienne invivable ! »
Ironie de la situation, si j’ose dire, la Belgique officielle devait être représentée à Glasgow par QUATRE ministres du Climat… qui ne s’entendaient pas entre eux !
Les citoyens qui défilèrent, eux, leur redirent leurs immense inquiétude, colère, désespoir et attente, à travers des slogans et des calicots, tels « Merci pour le job, Greta », « Alors, on change ? », « Non-assistance à planète en danger », « Justice pour les sinistrés », « J’ai mal à la terre », « Inaction : excuses bidon » …
Jean-Louis, un habitué de ce type de rassemblements : « Les gouvernements et les politiciens, des citoyens, sont drogués aux énergies fossiles. Il faut agir pour les générations futures. La COP 26 ? Il faut se nourrir, même d’un peu d’espoir. Un petit pas largement insuffisant, mais il n’est jamais trop tard pour éviter le pire… »
Boris, jeune activiste : « Je n’ai pas beaucoup d’espoir en la COP 26, car il faut remettre en question toute la société dans laquelle nous vivons, l’économie de marché, la course aux profits des entreprises privées… »
Boris avait raison. La déclaration finale de cette COP 26 joua les prolongations pour remanier, manipuler, assaisonner et goupiller son texte, et, en définitive, elle fut synonyme de cynisme puisqu’elle donne « la possibilité d’aménagements pour circonstances nationales particulières ».
Autant dire que c’est la porte largement ouverte à des amendements, voire à un recul de la situation, entre autres par rapport aux énergies fossiles, peut-être avec une exception pour le charbon.
De plus, guère de changements notoires sur le principe de l’aide des pays riches, extrêmement riches, aux pays pauvres, de plus en plus pauvres.
En effet, ces derniers soulignèrent, à juste titre, que ce n’est quand même pas à eux de réaliser des efforts démesurés pour leurs capacités alors qu’ils paient déjà cash une situation climatique engendrée par les pays nantis : « Le Sud n’est quand même en rien responsable des méfaits occasionnés à la Nature par le Nord. »
Inutile, donc, de dire l’immense déception, une de plus, des jeunes qui, depuis trois années espéraient que leurs actions et réflexions porteraient leurs fruits.
Ne pas abandonner
Greta Thunberg, consciente de cette déception, elle qui ne fut pas invitée à la COP au contraire de centaines de lobbystes invités par l’ONU, fit parvenir un message post-COP 26 pour remobiliser les troupes : « Un rappel après la déception de la COP 26 : les gens au pouvoir n’ont pas besoin de conférences, de traités ou d’accords pour commencer à prendre de vraies mesures climatiques. Ils peuvent commencer aujourd’hui. Quand assez de gens se réuniront, alors le changement viendra et nous pourrons réaliser presque tout. Alors au lieu de chercher de l’espoir, commencez à le créer. Maintenant le vrai travail commence, et nous n’abandonnerons jamais, jamais. »
Par rapport à la situation d’une jeunesse qui n’est guère davantage rassurée sur son avenir en cette fin de 2021, la psychothérapeute Marie-Paule Peuteman spécifie :
« Lors de mes consultations avec des jeunes, je constate une perte de sens général avec une question récurrente : pourquoi encore étudier ? Ils me déclarent avoir principalement cours derrière un écran et que cette informatisation les empêche de se socialiser entre pairs. Ainsi, les étudiants qui quittent le secondaire pour entrer dans l’enseignement supérieur, n’ont guère de relations amicales établies en présentiel.
Certains me disent étudier pour voir s’ils en sont capables, sans plus d’attentes. Une question se pose : cette catégorie d’âge va-t-elle vivre sa jeunesse derrière un écran ?
Il y a également lieu de souligner une rupture générationnelle encore plus marquée, car les parents n’ont pas vécu ce que vivent les jeunes à l’heure actuelle. Des parents qui, par parenthèses, ont les soucis majeurs de garder leur emploi, de gérer la pandémie et leur propre couple… Donc, les jeunes se sentent encore plus largués !
À ces jeunes, je préconise de développer leurs ressources afin de gérer l’anxiété et l’angoisse, et je les accompagne à développer en eux leurs propres aspirations et désirs. Quand ils sont clairs avec cela, ils peuvent alors lutter contre leur état anxieux, ils ont le courage et la volonté qui se mettent en place : par exemple, désir du zéro déchet, agir pour un monde meilleur, jouer un rôle et tenir une place dans la société, avoir davantage de relations…, tout cela anime un moteur en eux.
Je peux citer le cas d’un garçon de 19 ans qui, à l’issue de son cycle secondaire, débuta des cours d’informatique spécialisée mais, au bout de deux mois, il n’y trouvait ni sa place ni son envie de poursuivre et il se mit rapidement à l’écoute de son malaise : ‘‘ Ce n’est pas comme ça que j’ai envie de vivre !’’
Alors, après avoir fait un bilan personnel sur ce qu’il vivait à l’université dans cette option et ses aspirations profondes et non guidées par un futur et lointain plan de carrière et de faire de l’argent à tout prix, il changea radicalement de voie et débuta des études basées sur le concept de l’Environnement et du bien-être. Il semble à présent s’y épanouir. »
À vrai dire, il est à se demander si ces gens de pouvoir pensent réellement à leurs enfants et petits-enfants, et aux citoyens en général, plutôt qu’à leur plan de carrière et à leurs attaches au consumérisme et à une croissance capitaliste effrénée qu’ils promeuvent envers et contre toute humanité. Poser la question est-il y répondre ?
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