La maltraitance infantile: une souffrance contrainte à un manque d’accueil

Mathilde Anselot - Assistante en psychologie clinique

A l’heure actuelle, chaque année est porteuse d’un nombre plus important de cas demaltraitances infantiles à travers le monde et bien que cette élévation soit présente, les moyens pour y faire face demeurent précaires dans de nombreux pays qui ne bénéficient pas d’un soutien développemental suffisant pour les prendre en charge.

Des plans de défense et de protection des enfants visant au respect de leurs droits, de leur dignité et à l’abolition de toute forme de traitement allant à l’encontre de leur intégrité se sont déployés ces dernières années avec l’espoir d’une mise en application de ceux-ci à l’échelle mondiale mais leur intégration reste lente et encore trop souvent entravée par des facteurs principalement économiques et politiques.

Situation en Belgique

En Belgique, l’année 2021 a compris à elle seule 7038 signalements auprès des équipes SOS enfants et a été synonyme d’une forte augmentation de cas au regard des années précédentes.[1] La plus large partie de ceux-ci ont été effectués par le Service d’aide à la jeunesse, les systèmes protectionnels, les milieux éducatifs et médicaux ainsi que, dans une plus petite mesure, par des personnes faisant partie de l’entourage direct de l’enfant tels que des amis, voisins,…

Selon la définition reprise par l’OMS, la maltraitance comprend :

« Toutes les formes de mauvais traitements physiques et/ou psycho-affectifs, de sévices sexuels, de négligences ou d’exploitation commerciale ou autre, entraînant un préjudice réel ou potentiel pour la santé de l’enfant, sa survie, son développement ou sa dignité dans un contexte d’une relation de responsabilité, de confiance ou de pouvoir».

Dans la majorité des signalements recensés, les mauvais traitements subis sont reliés à des cas de maltraitances intrafamiliales[2] qui, de par leurs aspects, exercent un frein sur la parole de l’enfant. Celui-ci se retrouve alors pris dans un conflit de loyauté face à la peur des conséquences qu’engendrerait un témoignage sur les différents membres de la famille et les relations qu’ils entretiennent.

En plus de l’influence de ces contextes familiaux, la souffrance des enfants est souvent réduite à un silence soutenu par des systèmes sociaux et éducatifs qui ont tendance à restreindre les manifestations libres de leurs expressions émotionnelles et à maintenir une conception de la maltraitance infantile comme étant un sujet tabou.

A cela s’ajoutent le peu de visibilité dont font état de nombreux cas ainsi que le manque de places disponibles pour les accueillir qui tendent à les laisser démunis face à un isolement représentant une source d’anxiété supplémentaire au sein d’une situation déjà emplie d’incompréhension quant à ce qu’ils ont à subir.

Malgré l’existence de plusieurs organismes de protection et de programmes de sensibilisation à but préventif, leur capacité d’accueil et leur mise en oeuvre restent limitées, ce qui ne leur permet malheureusement pas de fournir une aide à l’ensemble des cas signalés et laisse en suspens le déploiement de thérapies adaptées à l’accompagnement des états fragiles dans lesquels se trouvent ces enfants.

Face à ces situations, les victimes qui éprouvent déjà des difficultés d’accès à ceux-ci sont régulièrement mises sur liste d’attente ou redirigées vers des services ne disposant pas forcément de fonctions appropriées et de personnes formées en conséquence pour répondre à leurs besoins spécifiques de soins.

Étant donné le manque de possibilités, de nombreux enfants sont également maintenus dans une famille d’origine qui peut les exposer à une menace pour leur santé ou être soumis à des allées et venues entre différentes familles d’accueil dans un contexte marqué par les ruptures familiales et l’absence de repères.

Face à ce quotidien souvent empreint d’insécurité, une présence disponible pour les accueillir dans leurs traumatismes et encourager l’expression de leurs ressentis en respectant leur rythme et en soutenant la création de nouveaux liens de confiance leur est essentielle.

Le recours au placement, lorsqu’il n’existe d’autre possibilité qu’ une mise à l’écart du milieu familial pour garantir sa protection, n’est pas dénué d’impact sur l’enfant et nécessite la mise en place d’un lieu de vie propice à l’accompagnement de ses besoins affectifs et de son développement personnel durant ce temps d’éloignement.

Lorsqu’il peut s’effectuer dans un environnement favorable et sur une durée continue, cet accueil dans un autre cadre de vie peut s’avérer être bénéfique et représenter un tremplin vers une nouvelle stabilité.

Des conséquences à long terme

Les conséquences[3] sociales et développementales qu’ont les actes de maltraitances sont multiples et sont influencées par le type de violence subie ainsi que l’âge et le sexe de l’enfant.

A l’origine d’une large part de difficultés relationnelles, émotionnelles, comportementales et cognitives qui constituent une entrave à leur fonctionnement quotidien, celles-ci font appel à l’usage d’interventions précoces qui puissent limiter leur installation sur le long terme et agir sur la préservation de la santé tout en favorisant le maintien de relations sociales enrichissantes.

Chaque cas est personnel et demande un suivi spécifique pour répondre de la manière la plus adéquate possible aux particularités et à la sensibilité qu’il revêt.

Un soutien bienveillant à leur épanouissement psychique, physique mais également à la fonction parentale ( avec des approches adaptées selon qu’elle se situe ou non à la source des maltraitances) représente l’opportunité d’agir auprès des différents membres de la famille et de les soutenir, lorsque cela est envisageable, dans la reconstruction de relations familiales dans l’après du traumatisme. Un accès à une résilience et à une reprise de confiance en leurs capacités suite aux événements vécus requiert une aide durant un certain temps mais aussi une mise à disposition de lieux d’accueil où il leur est possible d’être entendus et reconnus comme des individus à part entière dans la réalité de ce qu’ils vivent.

Un besoin de nouvelles perspectives

Ces constats marquent l’importance de tendre vers un développement plus large de l’aide actuelle et d’agir, tant au niveau de l’intervention précoce et de la réponse donnée aux violences subies que sur les conditions budgétaires et sociales qui freinent le bon déroulement et l’essor des prises en charge. Cela nécessite également des changements au sein des politiques de sensibilisation actuelles afin d’augmenter l’accès aux infrastructures existantes et d’améliorer, auprès de l’entourage de l’enfant et des professionnels qui font partie de son environnement, la mise à disposition d’informations concernant les signaux caractéristiques présents en cas de situations à risque.

C’est un accompagnement dans la durée qui demande des soutiens financiers, légaux et humains supplémentaires afin de renforcer les conditions d’accueil, de soutenir la régularité du suivi au sein des organismes et d’élargir les possibilités d’établissement de contacts directs avec les enfants et leurs familles à travers un travail de réseau effectué entre les intervenants.

Souvent condamnée à passer inaperçue, la réalité de cette problématique sociétale requiert une attention particulière pouvant constituer la source d’une amélioration de leur bien-être et une réponse à leurs droits fondamentaux qui comprennent entre autres le fait de vivre à l’abri de la violence et d’être respectés dans leur intégrité physique, morale, psychologique et sexuelle.

L’apport d’une approche qui soit à la fois en accord avec ces droits et qui favorise leur participation aux décisions les concernant est indispensable pour enrayer les systèmes discriminatoires dans

lesquels ils se retrouvent régulièrement et qui tendent à dévaluer leur parole en les maintenant dans un état d’infériorité et d’inégalité face à la loi.

Leurs besoins primordiaux ne peuvent être occultés et se résoudre à un placement dans l’attente d’un accès à de meilleures conditions de vie et à une liberté d’existence.

  1. « ONE en chiffres, rapport d’activités 2021 », mis en ligne sur www.one.be
  2. « Etat des lieux de l’enfance et de la jeunesse en fédération Wallonie-Bruxelles 2020-2022», mis en ligne surhttps://oejaj.cfwb.be/,
  3. « Global status report on preventing violence against children 2020 », mis en ligne surwww.unicef.org.
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