Voitures électriques

Patricia Keimeul - Administratrice FAML

La lutte contre le changement climatique l’exige, la neutralité carbone doit être atteinte d’ici 2050. Pour les prochaines décennies, la star de nos futurs déplacements sera électrique ou ne sera pas.

Exit donc les voitures à moteurs thermiques.

A Bruxelles, l’interdiction s’appliquera dès 2030 aux véhicules à moteur diesel même si ceux-ci rejettent moins de CO2 que les voitures à essence qui seront quant à elles, tout comme les hybrides, bannies de la capitale en 2035. Cette interdiction fait partie de l’accord de gouvernement de 2019.

D’autres capitales européennes, Paris, Amsterdam, Londres ont d’ores et déjà affirmé leur intention de mettre en place la même interdiction.

L’intention est bien sûr bonne et nécessaire puisque le mode de propulsion des véhicules électriques produit deux fois moins de CO2 que celui des voitures à moteur thermique.

Une récente étude de la VUB fait état d’une diminution de 25 % des émissions de CO2 même dans le cas où l’électricité serait produite, comme en Pologne, par des centrales au charbon, extrêmement polluantes.

Dans le cas où l’alimentation se ferait par un ensemble de modes de production (nucléaire et renouvelable en Belgique), c’est à une diminution de 65 % des émissions que l’on assisterait. Cette baisse pourrait atteindre 85 % si l’on se sert uniquement des énergies renouvelables.1

Un certain nombre de questions se posent néanmoins.

La première est celle de l’approvisionnement

Chaque année à l’approche de l’hiver, de ses jours plus courts et des besoins accrus en chauffage, la menace d’un black-out électrique pend au-dessus de nos têtes.

Comment dès lors imaginer alimenter en électricité un parc automobile actuellement de près de six millions de véhicules  – il se limitera probablement à deux millions lors de la transition – sachant que dès 2025, les centrales nucléaires cesseront de fonctionner ?

Les prévisions sont plutôt rassurantes, du moins pour les quelques prochaines années. Une étude de la CREG montre qu’il est possible, dès aujourd’hui, de s’engager dans l’électrification massive du parc automobile. La hausse de la consommation se limiterait, dans l’hypothèse où deux millions de véhicules circuleraient dans le pays, à 4 %, si toutefois les recharges ont lieu dans les périodes creuses, lorsque la demande est peu importante. Les statistiques montrent d’ailleurs que c’est la nuit qu’ont lieu la plupart des recharges à domicile et ceci afin de bénéficier des tarifs horaires plus avantageux. Ce type de rechargement nécessite néanmoins de posséder un garage ou un emplacement à l’écart de la voie publique. A l’exception des bornes prévues à cet effet, le rechargement sur sur la voie publique n’est pas autorisé en raison du danger qu’un câble ferait courir aux piétons. Certaines villes, c’est le cas de Bruges, l’autorisent néanmoins pour autant que le câble soit recouvert de manière à éviter les risques de chute.

Que se passera-t-il lorsque les centrales nucléaires auront cessé de fonctionner sachant que celles-ci produisent 46,6 % de l’électricité du pays (les centrales à combustibles fossiles représentent 30,3 % tandis que les énergies renouvelables ne sont que pour 22,7 % dans notre approvisionnement énergétique).

Elia, le gestionnaire du réseau de transport de l’électricité, tire la sonnette d’alarme. Il ne reste que peu de temps pour trouver des alternatives si on veut anticiper les conséquences de la sortie du nucléaire. Faute de quoi le pays se trouvera dans une grave situation de dépendance énergétique à l’égard d’autres pays.

La solution serait, selon Elia, de proposer des incitants à des investisseurs privés pour la construction de nouvelles centrales au gaz et leur assurant un revenu garanti.

Une autre question est celle de la recharge du véhicule.

Si les Pays-Bas offrent sur leur territoire un réseau de plus de 75.000 bornes de recharge, soit un tiers du total de l’Union européenne – à quoi il faut ajouter les 190.000 citoyens possédant leur propre borne – ce nombre est encore insuffisant. C’est pourquoi il devrait passer à 500.000 d’ici à 2025 et à … 2,5milllions en 2030 !2

A Bruxelles, il faudra attendre 2035 pour voir 11.000 bornes installées sur son territoire. Certaines d’entre elles seront placées dans des parkings publics dont l’accès est bien sûr payant et limité par les heures d’ouverture. On en est encore loin ! L’ambition est de proposer 250 bornes d’ici la fin 2021 !

Quand on sait que deux millions de véhicules électriques devraient se trouver sur nos routes d’ici 2035, leur recharge risque de ne pas être simple.

Circulation de la voiture peu polluante mais qu’en est-il de ses composants ?

La production des batteries qui alimenteront les véhicules électriques est extrêmement énergivore  puisqu’elle nécessite l’extraction de nickel, de cuivre, de cobalt, de graphite,… A quoi il faut ajouter le néodyme et le lithium, terres rares. Autant de ressources qui ne sont pas inépuisables et qui nécessitent l’extraction de tonnes de terre, autant de dégâts environnementaux dans les pays fournisseurs… notre bonne conscience au prix de la délocalisation de la pollution ! Au prix du pillage des ressources !

Derrière l’extraction de ces matières premières il y a aussi le travail des enfants. C’est ce que montre un rapport d’Amnesty International. Au Congo, les enfants sont utilisés pour l’extraction du cobalt fourni, via une société chinoise, à l’industrie automobile et aux entreprises technologiques.3

Notre bonne conscience écologique au prix de la santé des enfants africains !

Prix de ces véhicules

Contraints d’abandonner nos voitures thermiques, aurons-nous les moyens financiers pour les remplacer par des équivalents électriques ?

L’achat d’un véhicule électrique représente encore aujourd’hui un surcoût par rapport à celui d’un véhicule thermique. Il faut encore compter 25.000 € pour une petite citadine de base alors qu’une berline familiale vous coûtera au minimum 60.000 €. Même si l’écart s’amenuise à mesure de l’augmentation de la demande et de l’évolution de la technologie, le prix reste élevé et prohibitif pour les petits et moyens revenus.4

Des incitants ?

Une réduction d’impôt pour l’achat d’une voiture électrique existait mais a été supprimée en 2014, quand peu de gens en achetaient … ça c’est la Belgique !

Toutefois, des avantages fiscaux existent dans les trois régions : la Flandre dispense le propriétaire d’un véhicule électrique de la taxe de mise en circulation mais aussi de la taxe annuelle. Quant à Bruxelles et à la Wallonie, la mise en circulation vous coûtera 61,5€ et la taxe annuelle sera d’un montant forfaitaire fixe de 81,3€. Nos compatriotes néerlandophones économiseront donc plusieurs centaines d’euros par rapport à leurs voisins francophones et germanophones sur la durée de vie du véhicule.

Des primes à l’achat ?

En Allemagne, l’acheteur bénéficie d’une prime de 6.000€, la France a fait passer le bonus écologique de 6.000 à 7.000€ pour l’achat d’un véhicule électrique par un particulier qui pourra en outre recevoir une prime à la conversion allant jusqu’à 5.000€ pour les plus bas revenus. L’avantage peut donc aller jusqu’à 12.000€. Quant au Grand Duché de Luxembourg, bien que n’ayant aucune industrie automobile à soutenir, une prime de 8.000€ est accordée aux acheteurs de voitures électriques.

Et en Belgique ? Il n’en sera rien. Le but n’est pas de voir les voitures thermiques remplacées par leurs équivalents électriques mais bien d’éradiquer ce mode de transport … ou de le réserver aux plus nantis ?

Il faut, dit le gouvernement bruxellois, promouvoir une mobilité « douce » et la voiture électrique n’en fait pas partie. Nous partirons désormais en vacances à pied, à trottinette, à vélo …ou en avion, le prix des trains étant souvent rédhibitoire pour des familles.

Plus question de faire ses courses du samedi au supermarché. Pas grave, nous nous devons de privilégier les commerces de proximité, Färm et autres enseignes bio aux prix prohibitifs pour beaucoup de ménages.

Les transports publics doivent être privilégiés ! Où en est le RER ? Où sont les P+R autour de nos villes ? Pourquoi ferme-t-on des gares jugées insuffisamment rentables  privant des citoyens-contribuables d’accès aux transports ferroviaires en niant la notion-même de service public  ?

De nombreuses villes à l’étranger offrent la gratuité des transports en commun, c’est le cas en France (Montpellier, Strasbourg, Lille, …), au Grand-Duché où la gratuité couvre l’ensemble du territoire , en Suisse (Fribourg,…).

Et en Belgique ? Il n’en est rien. Pas de gratuité juste quelques tarifs préférentiels pour certaines catégories de la population.

Neutralité carbone oui, voitures électriques peut-être mais pas pour tout le monde, villes pour riches, loin de la mixité voulue par nos élites, certainement ….

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