Comment les réseaux sociaux influencent les parents
Marie Béclard - FAML
Les réseaux sociaux ont transformé la manière dont beaucoup de parents interagissent, partagent et cherchent des conseils en matière de parentalité. Une enquête récente révèle que la majorité des parents consacrent plus d’une heure quotidienne à des plateformes telles que TikTok, Instagram ou Facebook, soulignant ainsi l’importance croissante de ces médias dans la vie quotidienne des familles. Cependant, malgré cette immersion digitale, de nombreux participants à cette enquête estiment que cela n’a pas d’impact significatif sur leur manière d’être parent. Mais qu’en est-il réellement ? [1]
Les apports positifs des réseaux sociaux
Les parents ou les futurs parents se posent plein de questions dès l’annonce de la grossesse tant au plan biologique que sur le comment mettre en place une bonne parentalité. Des réponses qu’on trouvait seulement dans des livres ou auprès de ses proches mais qui aujourd’hui sont accessibles en quelques clics. Les réseaux sociaux offrent la possibilité de s’entourer d’une communauté d’autres parents disponibles, quasi 24h sur 24h pour répondre à toutes les questions qu’on peut se poser.
Les groupes de parents
Qu’importe la question que vous vous posez, il y a surement un groupe sur les réseaux sociaux qui aura un avis à vous partager, un conseil qu’il soit bon ou mauvais. Les réseaux sociaux permettent de sortir de l’isolement en prodiguant aide et conseils à des parents parfois stressés. Les parents partagent des conseils sur les réseaux sociaux, les sujets les plus courants sont les suivants : faire dormir les enfants (28%), conseils en matière de nutrition/d’alimentation (26%), discipline (19%), garderie/école maternelle (17%) et problèmes de comportement (13%).[2] Recevoir des avis de personnes qui vivent la même chose qu’eux aide d’autant plus les parents que de recevoir ces mêmes informations d’un site impersonnel car ils considèrent cela plus rassurant.
Les thématiques sur lesquelles les parents s’interrogent sont très nombreuses mais nous en avons sélectionné une en particulier: l’allaitement.
L’allaitement
L’allaitement est un sujet qui divise entre injonctions et interdictions. Allaitement ou biberon, c’est une question qu’un grand nombre de parents doivent se poser et les discussions commencent déjà avant la naissance. “Est-ce que le père pourra trouver sa place si je donne le sein?”. “Vais-je devenir l’esclave de mon bébé si j’allaite?”. “Suis-je égoïste si je n’allaite pas pour ne plus avoir à partager mon corps?” .Versus “Qui sont ces mères qui ne veulent pas donner le meilleur à leur enfant”, “le lait de vache, c’est pour les veaux”.
Actuellement, l’Organisation Mondiale de la Santé préconise un allaitement exclusif pendant six mois. Cela implique que l’enfant ne recevra que le lait maternel pendant cette période. Pourtant dans notre société peu de choses sont mises en place pour que les femmes qui choisissent d’allaiter puissent le faire sereinement pendant cette durée préconisée. Par exemple, le congé de maternité légal en Belgique est actuellement inférieur à cette durée de 6 mois.
L’allaitement dans notre société, c’est plein d’injonctions : “allaite mais pas trop longtemps”, “allaite mais pas en public”, “allaite mais va travailler”… Ce combat se retrouve bien entendu sur les réseaux sociaux. De nombreux groupes existent pour épauler les mamans, les conseiller, les soutenir, tenus par des spécialistes de l’allaitement ou par d’autres mamans qui sont passées par là. Des groupes qui accueillent les témoignages de nombreuses mamans qui ont été mal conseillées et qui témoignent de la souffrance d’un allaitement raté.
Analysons une publication de l’OMS qui date de 2016, celle-ci insiste sur l’importance d’allaiter exclusivement les six premiers mois de l’enfant afin de stimuler la santé d’un enfant, son QI, ses performances scolaires et son revenu à l’âge adulte. L’impact d’une telle publication sera-t-il positif ou négatif? Pour les parents qui ont choisi d’allaiter, ils vont se dire bravo, et d’autant plus heureux d’avoir fait ce choix, c’est un biais de confirmation. Pour ceux qui n’ont pas encore dû faire le choix, ne pas allaiter devient donc le choix de rendre son enfant moins intelligent, malade et pauvre. Légèrement culpabilisant, non? Pour les parents qui ont donné les biberons, et bien c’est trop tard selon l’UNICEF … ils ont semblerait-il gaché la vie de leur enfant. Bien que je sois pro allaitement, il est important de nuancer les propos tenus par UNICEF. Il y a quantité d’autres facteurs qui expliquent la réussite scolaire et la richesse future. Mais comment expliquer le raccourci qu’ils font? Prenons par exemple, le fait qu’il y a plus d’enfants allaités après 3 mois dans le Brabant Wallon que dans le Hainaut. Il se peut en effet comme dit par UNICEF que les enfants allaités plus de six mois réussissent mieux à l’école et gagnent plus que ceux non allaités 6 mois dans le Hainaut, mais cette différence peut s’expliquer aussi par le niveau socio-économique des familles, si mes parents mettent tout en place pendant ma scolarité si j’ai des troubles dys, si j’ai la possibilité de faire des études universitaires parce que mes parents ont les moyens de les assumer, j’ai plus de chances qu’un enfant qui n’aura pas ce soutien. Puisque le Hainaut est proportionnellement moins riche que le Brabant Wallon, on peut supposer que l’argent des parents peut-être un facteur favorisant l’allaitement. Si on peut dire qu’allaitement et argent ont un lien, on ne peut pas assurer que c’est l’allaitement maternel qui est responsable de l’intelligence pour autant.
Des impacts …négatifs
Une étude américaine réalisée sur près de 2000 personnes a montré que les mères qui utilisent les réseaux sociaux à la base pour se rassurer sont quatre fois plus susceptibles d’avoir l’impression d’être de“mauvaises mères”. [3] Elles ont l’impression que la société a trop d’attente envers elles. Comme nous l’avons vu avec la publication de l’UNICEF, certains posts peuvent être très culpabilisants.
La pression sociale jusqu’à en mourir
Prenons l’exemple des célébrations pour annoncer le sexe que sont les Gender reveals. Ces fêtes sont récentes et largement médiatisées sur les réseaux sociaux comme Instagram: le # gender reveal donne accès à 3 323 021 publications. On peut à première vue se dire que ce n’est pas méchant, que c’est une simple fête. Mais ces événements sont assez rapidement devenus des compétitions, celui qui fera la fête la plus impressionnante, qui trouvera le moyen le plus exceptionnel d’annoncer le sexe de l’enfant. Des comparaisons qui ont des coûts tant financiers qu’humains, amenant certains parents à se ruiner pour ce type d’événement et à subir une lourde pression sociale. De plus, ces événements sont aussi polluants et continuent à perpétuer des stéréotypes de genre (bleu pour les garçons, roses pour les filles… Sans compter les décès ? qui ont eu lieu lors de l’organisation de gender reveal démesurés.
Les parents influenceurs
Les instamamans, les instapapas, ou les parents influenceurs sur d’autres réseaux sociaux sont nombreux mais il n’existe aucune statistique qui permette actuellement de comptabiliser le nombre d’instamamans présentes sur Instagram par exemple. Mais le #instamom comprend 6 129 867 publications. Tous les jours, ces parents publient des photographies de leur quotidien, de leurs enfants pour le plaisir de leur communauté de followers.
Quand les instamoms parviennent à toucher un assez grand nombre de followers, elles sont contactées par les marques de puériculture ou de vêtements pour enfants par exemple. Des marques qui y voient une réelle aubaine car on sait que le placement de produit fonctionne mieux que la publicité traditionnelle.
Est-ce que ces parents influenceurs ont le droit de partager l’image de leur enfant sur un réseau social à un large public? Est-ce que cela ne viole pas la vie privée de leur enfant? Pour certains, il s’agit d’une exploitation économique de l’enfant lorsque son image est prêtée aux marques dans le cadre de collaborations marketing ?”[4] On appelle cette pratique du sharenting. Ce terme est né de la contraction de «share» (partage) et de «parenting» (parentalité), “le terme sharenting désigne en anglais le fait de poster des photos et/ ou des vidéos de son ou ses enfants sur les réseaux sociaux”. [5]
Prenons Amandine Pellissard, cette maman influenceuse suivie par 383 mille personnes. Sa famille a participé à l’émission Famille nombreuse XXL où ils exposaient leur famille au quotidien. Sur Instagram, elle a partagé la naissance prématurée de son enfant et les difficultés rencontrées. Des posts qui inspirent à la fois compassion et haine.
Quel est l’impact de ces parents influenceurs sur les autres parents? Selon l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique, un parent sur deux affirme avoir déjà posté une photo de son enfant sur les réseaux sociaux. Une pratique qui est normalisée par les autres.
Bien que beaucoup de parents déclarent ne pas croire que les “momfluenceurs” décrivent de manière réaliste la maternité, pourtant nombreux d’entre eux désirent reproduire ce qu’ils voient dans les stories. Les parents influenceurs vont parfois jusqu’au oversharenting. En quoi cela consiste? On parle de oversharenting quand des parents publient des informations trop personnelles ou embarrassantes sur leur enfant et qui pourraient avoir des conséquences sur son avenir.
Comment expliquer qu’on ne réalise pas les impacts négatifs que peuvent avoir les réseaux sociaux sur nous?
Il y a différents biais cognitifs qui peuvent expliquer qu’on ne remarque pas les effets.
La gratification immédiate : les réseaux sociaux offrent souvent une gratification immédiate sous forme de likes, de commentaires et d’interactions. Cela donne l’impression que les followers valident nos publications et cela apporte un sentiment de satisfaction mais cette récompense instantanée peut masquer les effets négatifs à long terme, car l’accent est mis sur la satisfaction immédiate. On ne réalise pas que c’est comme une drogue dont on ne peut vite plus se passer. Le plaisir d’avoir des « likes » libère de la dopamine dans le cerveau. La dopamine est un neurotransmetteur lié aux systèmes de récompense, ce qui crée une sensation de plaisir et de satisfaction. Une fois les effets dissipés, le corps va en redemander. Cela a pour implication de montrer toujours plus de sa vie pour augmenter les likes, garder sa communauté. Ne pas avoir assez de likes impacte la confiance en soi.
Un autre effet est le biais de confirmation : Les algorithmes des réseaux sociaux sont conçus pour montrer aux utilisateurs des contenus qui correspondent ce qu’ils pensent déjà, créant ainsi un biais de confirmation. Cela peut renforcer les croyances de l’utilisateur sans lui présenter des perspectives différentes, rendant difficile la prise de conscience des impacts négatifs.
Voir tout le temps, les mêmes faits en boucle et voir que les gens valident participent à la normalisation des comportements. Ce qui pourrait être perçu comme anormal dans la vie réelle peut sembler ordinaire en ligne.
L’usage des réseaux sociaux est-il genré?
Est-ce que les femmes et les hommes vivent les mêmes expériences sur les réseaux sociaux? Les normes de beauté irréalistes, les attentes liées à la maternité, les stéréotypes de genre et d’autres formes d’injonctions sociales peuvent être exacerbées en raison de la portée mondiale et de l’anonymat relatif sur Internet. Les médias sociaux peuvent créer un espace où les individus se comparent les uns aux autres en fonction des images idéalisées qu’ils voient en ligne.
Là où les femmes sont souvent critiquées, dévalorisées comme si elles n’en faisaient jamais assez, les hommes eux sont valorisés. Une simple publication de la préparation d’un repas sera liké et valorisé pour un homme comme on le voit dans cet exemple.
Où est le début de la phrase ?
interrogés explique qu’il n’a jamais eu à poser de questions sur “l”éducation de ses enfants car tout roule et qu’il a son épouse si besoin” et quand on lui demande s’il sait s’il y a des groupes d’hommes qui traitent de la parentalité, il ne sait pas répondre.
Les mères fréquentent Facebook, Instagram et Snapchat pour rester en contact avec leurs proches. Sur Instagram, elles aiment suivre des influenceurs. Les femmes likent davantage les publications de leurs “amies”.
Que font les parents sur les réseaux sociaux? Ils partagent leurs expériences qu’elles soient joyeuses ou tristes, échangent des conseils et créent des communautés virtuelles. Des hashtags populaires comme #babyshower génèrent des millions de publications, 40 779 505 rien que sur Instagram.[6]
En conclusion, les réseaux sociaux ont indéniablement modifié la manière dont les parents interagissent, recherchent des conseils et partagent leurs expériences en matière de parentalité. Les aspects positifs, tels que la création de communautés de soutien, l’accès facile à des informations utiles et le partage d’expériences communes, ont renforcé les liens entre parents. Cependant, ce n’est pas sans conséquences.
Les réseaux sociaux peuvent exacerber la pression sociale sur les parents, en particulier les mères, les confrontant à des normes souvent irréalistes. Des sujets tels que l’allaitement peuvent devenir des terrains de débat polarisants, et les injonctions parentales peuvent être renforcées par des contenus culpabilisants. Les célébrations, comme les « gender reveals », ont transformé des moments joyeux en compétitions coûteuses, ajoutant une pression sociale parfois insupportable.
Les parents influenceurs, bien que créant des communautés virtuelles engagées, soulèvent des questions éthiques, notamment en ce qui concerne le partage d’images d’enfants à un large public. Le phénomène du « sharenting » souligne les dilemmes liés à l’exploitation économique de l’image des enfants dans le cadre de collaborations marketing.
Enfin, les réseaux sociaux ne sont pas simplement des outils neutres. Ils façonnent les perceptions à travers des mécanismes tels que la gratification immédiate et le biais de confirmation, pouvant contribuer à la normalisation de comportements parfois problématiques.
Bien que les réseaux sociaux offrent une illusion de contrôle, il est crucial de reconnaître l’influence puissante des algorithmes et des dynamiques sociales. Les parents doivent être conscients des aspects positifs et négatifs des médias sociaux, cultivant un usage éclairé pour préserver leur bien-être et celui de leur famille dans ce paysage numérique en constante évolution.
- Résultats obtenus dans le cadre d’une recherche ? ou une enquête ? menée par la Fédération des Amis de la Morale Laïque auprès de 70 parents francophones en Belgique. ↑
- M. DUGGAN, A. LENHART, C. LAMPE, N. ELLISON, Parents and Social MediaMothers are especially likely to give and receive support on social media dans Pew Research center, 16 juillet 2015. ↑
- Informations consultées le 12 novembre 2023 sur le site https://www.marieclaire.fr/mauvaise-mere-perception-reseaux-sociaux-culpabilite-etude,1460178.asp ↑
- S. UEREGEN, Instamamans, mamans blogueuses ou mettre sa vie de famille sur les réseaux sociaux en ligne: quelle place pour le droit à la vie privée et le droit à l’image de l’enfant?, 2019. ↑
- Informations consultées le 12 novembre 2023 sur le site https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC10218097/ ↑
- Le hashtag #babyshower a donné lieu à 40 779 505 publications sur Instagram et 19 millions de publications sur Facebook. Informations consultées le 05 décembre 2023 sur les réseaux sociaux Instagram et Facebook. ↑
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