La stérilisation volontaire, libre de choisir pour mon corps?
Marie Béclard - FAML
En 2022, de nombreuses personnes font le choix d’une stérilisation volontaire. Elles ont des profils très différents :d’une part des gens, femmes et hommes, qui ont eu des enfants et qui optent pour cette pratique pour ne plus devoir s’occuper de contraception, ne plus utiliser d’hormones, d’autre part des personnes qui ont fait le choix de ne pas avoir d’enfant. On les appelle les childfree. Les raisons évoquées par les childfree sont également nombreuses : simplement un non désir d’enfant, des raisons écologiques (on est déjà bien assez nombreux sur la planète et ce n’est pas la peine d’en rajouter , le refus du travail reproductif, l’envie de s’occuper de sa carrière, en passant encore par la peur de l’avenir (les guerres, les attentats, …) il serait irresponsable d’imposer cela à des enfants ou encore le refus de transmettre une maladie génétique ou héréditaire à une potentielle descendance.
La stérilisation volontaire, qu’est-ce que c’est?
La stérilisation concerne aussi bien les hommes que les femmes, elle consiste à supprimer la fécondité chez un être humain en le rendant incapable de procréer, sans pour autant modifier ses fonctions sexuelles ou endocrines. [1] Il existe différentes méthodes pour arriver à la stérilisation.
Dans nos sociétés actuelles, où femme rime encore très souvent avec maternité, les femmes dès la vingtaine passée reçoivent de nombreuses injonctions à la maternité :« et toi, c’est pour quand ? » ; « l’horloge biologique tourne », et si la personne dit ne pas vouloir d’enfant : tu ne veux pas d’enfant mais tu changeras d’avis un jour », « tu dois faire des enfants, c’est égoïste de ne pas en faire ».
Les childfree
Les raisons imaginées par le grand public et celles des personnes concernées ne sont pas toujours les mêmes. Pour l’opinion générale, les motivations qui semblent les plus évidentes sont :
l’absence d’instinct paternel ou maternel, l’absence d’intérêt pour les tâches propres à la vie de parent, le refus de sacrifier son temps pour des enfants ou encore des raisons économiques. Pour les childfree, le panel des raisons est beaucoup plus large. On les taxe souvent d’être égoïstes mais pour une partie d’entre eux c’est créer volontairement un autre être vivant qui l’est. Le parent crée un bébé non de façon désintéressée mais parce qu’on veut transmettre ses gènes, parce qu’on a peur de se retrouver seul en fin de vie, parce qu’on veut retenir son conjoint, ou encore parce que l’on cède aux pressions familiales et sociales. Un être qui devra assumer les erreurs des générations précédentes.
Pour d’autres, le refus de faire des enfants vient de leur intime conviction que le fait de ne pas mettre au monde d’enfant est un service à rendre à la planète qui est déjà surpeuplée.
Être Childfree n’est pas bien vu mais est probablement encore moins bien accepté quand on est une femme. Ne pas vouloir d’enfant continue d’étonner, voir de choquer.
Les médecins et la stérilisation volontaire
Nombreux sont les médecins qui refusent qui la stérilisation du patient parce que c’est une opération qu’on peut éviter en utilisant d’autres moyens de contraception. Les raisons invoquées pour refuser une stérilisation sont nombreuses : l’âge de la personne, le fait de ne pas avoir d’enfant ou pas assez (pour certains praticiens, il semblerait que même sept enfants ne soit pas suffisant), le fait d’être célibataire (car si on rencontre une personne qui veut des enfants, on peut regretter son choix) …
Mais en pratique, on observe qu’avoir 18 ou 40 ans, ne pas avoir d’enfant ou au contraire en avoir sept, avoir ou non des pathologies, être marié ou célibataire, rien n’empêche une personne d’essuyer un refus d’un médecin en termes de stérilisation volontaire. La demande de stérilisation amène souvent à la « confrontation entre le principe d’autonomie de la personne qui s’exprime par le respect de sa décision d’agent autonome d’une part et, d’autre part, la déontologie du médecin, encore parfois teintée d’un certain paternalisme ». [2] Mais qu’est-ce qui explique que de si nombreux médecins refusent les opérations de stérilisation volontaire?
La dangerosité de l’opération ?
La dangerosité de l’opération : il ne s’agit pas de grosses opérations, les risques sont donc limités et résident dans les risques inhérents à toute opération : l’anesthésie et les infections post opératoires. La vasectomie se fait même souvent en anesthésie locale.
Le taux élevé de regrets ?
Il y a d’abord peu d’études sur les regrets post stérilisation volontaire et les résultats connus montrent des taux de regrets assez faibles. Une étude de 2013 montre des résultats de 23/10 000 pour la ligature de trompe.
La stérilisation sur le plan juridique ?
La convention européenne des droits humains prévoit un « droit à la vie » et un « droit à disposer de
son propre corps ». La loi peut cependant prévoir des exceptions mais ce n’est pas le cas pour la stérilisation volontaire en Belgique qui donc relève du droit à la maîtrise de son corps. Il faut cependant être majeur pour qu’une procédure de stérilisation volontaire puisse être enclenchée.
Le consentement du patient est important pour ce type d’opération définitive mais il n’est en aucun cas légal de demander le consentement du ou de la conjointe. Un délai de réflexion de quatre mois peut être demandé.
Le médecin peut cependant refuser de procéder à l’opération pour des raisons éthiques mais il doit clairement informer son patient sur l’opération et lui renseigner un autre médecin qui effectuera celle-ci.
La stérilisation volontaire pour les femmes ou porteur d’utérus
Il existe différentes opérations possibles pour rendre une femme stérile.
La ligature tubaire consiste à « bloquer les trompes de Fallope afin d’empêcher l’ovule de se rendre à l’utérus » . Cette opération peut se réaliser de différentes manières :
la première méthode consiste à lier ou à cautériser les trompes en réalisant une laparoscopie sous anesthésie générale. Les trompes sont alors imperméables.
La deuxième méthode consiste à installer des clips qui obstrueront vont écraser les trompes et les obstruer à terme. Cette opération contrairement à la première implique la présence d’un corps étranger.
Une autre solution est l’hystérectomie. Il s’agit d’une opération plus importante puisqu’on enlève complètement l’utérus. On maintient généralement les ovaires pour éviter une ménopause précoce. En enlevant l’utérus, on supprime les règles.
L’ensemble de ces pratiques s’agit d’opérations qui sont très peu réversibles d’où l’inquiétude des médecins de les réaliser sur des personnes trop jeunes et qui pourraient ensuite le regretter.
La stérilisation pour les hommes ou personne disposant de spermatozoïdes.
Une seule méthode est disponible, il s’agit de la vasectomie.
Les spermatozoïdes sont produits dans les testicules et rejoignent l’urètre (le conduit qui évacue le sperme et l’urine) par les canaux déférents. L’opération vise à sectionner ou à boucher ces canaux déférents. Elle est permanente et irréversible. L’opération peut généralement se faire sous anesthésie locale et rarement sous anesthésie générale.
Elle est jugée efficace comme méthode contraceptive. En Angleterre, un homme sur cinq a recours à une vasectomie. On pratique beaucoup la vasectomie en Nouvelle-Zélande et au Canada mais en Belgique et en France, cela continue à bloquer. Bien que cette méthode de contraception ait fait ses preuves avec un taux de réussite à plus de 99% . L’opération est également peu coûteuse et bénigne.
Pourquoi les hommes sont-ils si peu nombreux à sauter le pas ?
La contraception n’est pas une affaire d’homme ? Depuis l’invention de la pilule féminine, ce sont les femmes (les personnes possédant un utérus et des ovaires) qui portent la charge de la contraception dans le couple. Si la pilule est certes une avancée majeur pour la femme, cela lui impose de prendre des hormones. Beaucoup de personnes n’y voit aucun soucis puisqu’il n’y a pas de réelles alternatives masculines et donc ne cherchent pas une solution qui n’incomberait pas à la femme.
Les représentations des médecins concernant la masculinité seraient également responsable du peu d’informations qui circulent sur la vasectomie. En effet, les professionnels sont nombreux à penser que les hommes ne sont pas intéressés de s’impliquer et d’être responsables en matière de contraception. Si on considère que la contraception est du ressort de la femme, on ne propose pas à ses patients de subir des vasectomies.
Ce qui peut expliquer les faibles chiffres de personnes ayant bénéficié d’une vasectomie. En 2017, en Belgique, 10.050 hommes ont eu recours à une vasectomie (ils étaient 8143 en 2007) .[3]
Dans les pays où la vasectomie est plus développée, comme au Royaume-Uni ou en Nouvelle- Zélande, on observe un nouveau phénomène : la vasectomie serait associée à une nouvelle forme de masculinité. La vasectomie y est parfois perçue comme un « bain de sang » héroïque et fait partie de l’identité masculine valorisée de père de famille.[4] Alors qu’en Belgique ou en France, les hommes semblent encore avoir des idées reçues négatives au sujet de la stérilisation comme « La vasectomie rend impuissant et donc moins viril », « La vasectomie impacte négativement la vie sexuelle des couples » , « La vasectomie a un effet négatif sur la libido masculine » . Trois idées reçues qui sont fausses et que l’on peut facilement démonter mais qui ont un impact important sur le recours à la vasectomie en Belgique.
Conclusion
Notre société entretient un climat nataliste qui impose une forte injonction à la parentalité. Le désir d’enfant est perçu comme une évidence où chaque individu à juste le choix de quand il sera parent et combien d’enfants il désire. Mais certains, refusent cette voie et choisissent celle de la stérilisation. Une voie qui n’est pas simple tant à cause de la pression de l’entourage et des refus très fréquents des médecins. Entre des professionnels qui empêchent ces opérations parce qu’elles ne sont pas nécessaires et une société qui impose un délai de réflexion de quatre mois alors que pour d’autres opérations comme des opérations chirurgicales, le délai n’est que de deux semaines. Il n’est pas si simple de choisir et de se faire entendre pour son propre corps.
- Information consultée le 12 avril 2022 sur le site https://www.senate.be/www/?MIval=/publications/viewPub.html&COLL=S&LEG=3&NR=419&VOLGNR=1&LANG=fr#:~:text=La%20st%C3%A9rilisation%20concerne%20tant%20les,ses%20fonctions%20sexuelles%20ou%20endocrines. ↑
- M.A. Masella, et E. Marceau. « La stérilisation volontaire chez les femmes sans enfant de moins 30 ans : dilemme éthique et déontologique. » Canadian Journal of Bioethics / Revue canadienne de bioéthique, volume 3, numéro 1, 2020, p. 58–69. https://doi.org/10.7202/1068764ar ↑
- Informations consultées le 1e avril 2022 sur le site http://www.femmesprevoyantes.be/wp-content/uploads/2018/12/Analyse2018-vasectomie.pdf ↑
- Informations consultées le 1e avril 2022 sur le site http://www.femmesprevoyantes.be/wp-content/uploads/2018/12/Analyse2018-vasectomie.pdf ↑
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