Voitures électriques

Patricia Keimeul - Administratrice FAML

La lutte contre le changement climatique l’exige, la neutralité carbone doit être atteinte d’ici 2050. Pour les prochaines décennies, la star de nos futurs déplacements sera électrique ou ne sera pas.

Exit donc les voitures à moteurs thermiques.

A Bruxelles, l’interdiction s’appliquera dès 2030 aux véhicules à moteur diesel même si ceux-ci rejettent moins de CO2 que les voitures à essence qui seront quant à elles, tout comme les hybrides, bannies de la capitale en 2035. Cette interdiction fait partie de l’accord de gouvernement de 2019.

D’autres capitales européennes, Paris, Amsterdam, Londres ont d’ores et déjà affirmé leur intention de mettre en place la même interdiction.

L’intention est bien sûr bonne et nécessaire puisque le mode de propulsion des véhicules électriques produit deux fois moins de CO2 que celui des voitures à moteur thermique.

Une récente étude de la VUB fait état d’une diminution de 25 % des émissions de CO2 même dans le cas où l’électricité serait produite, comme en Pologne, par des centrales au charbon, extrêmement polluantes.

Dans le cas où l’alimentation se ferait par un ensemble de modes de production (nucléaire et renouvelable en Belgique), c’est à une diminution de 65 % des émissions que l’on assisterait. Cette baisse pourrait atteindre 85 % si l’on se sert uniquement des énergies renouvelables.1

Un certain nombre de questions se posent néanmoins.

La première est celle de l’approvisionnement

Chaque année à l’approche de l’hiver, de ses jours plus courts et des besoins accrus en chauffage, la menace d’un black-out électrique pend au-dessus de nos têtes.

Comment dès lors imaginer alimenter en électricité un parc automobile actuellement de près de six millions de véhicules  – il se limitera probablement à deux millions lors de la transition – sachant que dès 2025, les centrales nucléaires cesseront de fonctionner ?

Les prévisions sont plutôt rassurantes, du moins pour les quelques prochaines années. Une étude de la CREG montre qu’il est possible, dès aujourd’hui, de s’engager dans l’électrification massive du parc automobile. La hausse de la consommation se limiterait, dans l’hypothèse où deux millions de véhicules circuleraient dans le pays, à 4 %, si toutefois les recharges ont lieu dans les périodes creuses, lorsque la demande est peu importante. Les statistiques montrent d’ailleurs que c’est la nuit qu’ont lieu la plupart des recharges à domicile et ceci afin de bénéficier des tarifs horaires plus avantageux. Ce type de rechargement nécessite néanmoins de posséder un garage ou un emplacement à l’écart de la voie publique. A l’exception des bornes prévues à cet effet, le rechargement sur sur la voie publique n’est pas autorisé en raison du danger qu’un câble ferait courir aux piétons. Certaines villes, c’est le cas de Bruges, l’autorisent néanmoins pour autant que le câble soit recouvert de manière à éviter les risques de chute.

Que se passera-t-il lorsque les centrales nucléaires auront cessé de fonctionner sachant que celles-ci produisent 46,6 % de l’électricité du pays (les centrales à combustibles fossiles représentent 30,3 % tandis que les énergies renouvelables ne sont que pour 22,7 % dans notre approvisionnement énergétique).

Elia, le gestionnaire du réseau de transport de l’électricité, tire la sonnette d’alarme. Il ne reste que peu de temps pour trouver des alternatives si on veut anticiper les conséquences de la sortie du nucléaire. Faute de quoi le pays se trouvera dans une grave situation de dépendance énergétique à l’égard d’autres pays.

La solution serait, selon Elia, de proposer des incitants à des investisseurs privés pour la construction de nouvelles centrales au gaz et leur assurant un revenu garanti.

Une autre question est celle de la recharge du véhicule.

Si les Pays-Bas offrent sur leur territoire un réseau de plus de 75.000 bornes de recharge, soit un tiers du total de l’Union européenne – à quoi il faut ajouter les 190.000 citoyens possédant leur propre borne – ce nombre est encore insuffisant. C’est pourquoi il devrait passer à 500.000 d’ici à 2025 et à … 2,5milllions en 2030 !2

A Bruxelles, il faudra attendre 2035 pour voir 11.000 bornes installées sur son territoire. Certaines d’entre elles seront placées dans des parkings publics dont l’accès est bien sûr payant et limité par les heures d’ouverture. On en est encore loin ! L’ambition est de proposer 250 bornes d’ici la fin 2021 !

Quand on sait que deux millions de véhicules électriques devraient se trouver sur nos routes d’ici 2035, leur recharge risque de ne pas être simple.

Circulation de la voiture peu polluante mais qu’en est-il de ses composants ?

La production des batteries qui alimenteront les véhicules électriques est extrêmement énergivore  puisqu’elle nécessite l’extraction de nickel, de cuivre, de cobalt, de graphite,… A quoi il faut ajouter le néodyme et le lithium, terres rares. Autant de ressources qui ne sont pas inépuisables et qui nécessitent l’extraction de tonnes de terre, autant de dégâts environnementaux dans les pays fournisseurs… notre bonne conscience au prix de la délocalisation de la pollution ! Au prix du pillage des ressources !

Derrière l’extraction de ces matières premières il y a aussi le travail des enfants. C’est ce que montre un rapport d’Amnesty International. Au Congo, les enfants sont utilisés pour l’extraction du cobalt fourni, via une société chinoise, à l’industrie automobile et aux entreprises technologiques.3

Notre bonne conscience écologique au prix de la santé des enfants africains !

Prix de ces véhicules

Contraints d’abandonner nos voitures thermiques, aurons-nous les moyens financiers pour les remplacer par des équivalents électriques ?

L’achat d’un véhicule électrique représente encore aujourd’hui un surcoût par rapport à celui d’un véhicule thermique. Il faut encore compter 25.000 € pour une petite citadine de base alors qu’une berline familiale vous coûtera au minimum 60.000 €. Même si l’écart s’amenuise à mesure de l’augmentation de la demande et de l’évolution de la technologie, le prix reste élevé et prohibitif pour les petits et moyens revenus.4

Des incitants ?

Une réduction d’impôt pour l’achat d’une voiture électrique existait mais a été supprimée en 2014, quand peu de gens en achetaient … ça c’est la Belgique !

Toutefois, des avantages fiscaux existent dans les trois régions : la Flandre dispense le propriétaire d’un véhicule électrique de la taxe de mise en circulation mais aussi de la taxe annuelle. Quant à Bruxelles et à la Wallonie, la mise en circulation vous coûtera 61,5€ et la taxe annuelle sera d’un montant forfaitaire fixe de 81,3€. Nos compatriotes néerlandophones économiseront donc plusieurs centaines d’euros par rapport à leurs voisins francophones et germanophones sur la durée de vie du véhicule.

Des primes à l’achat ?

En Allemagne, l’acheteur bénéficie d’une prime de 6.000€, la France a fait passer le bonus écologique de 6.000 à 7.000€ pour l’achat d’un véhicule électrique par un particulier qui pourra en outre recevoir une prime à la conversion allant jusqu’à 5.000€ pour les plus bas revenus. L’avantage peut donc aller jusqu’à 12.000€. Quant au Grand Duché de Luxembourg, bien que n’ayant aucune industrie automobile à soutenir, une prime de 8.000€ est accordée aux acheteurs de voitures électriques.

Et en Belgique ? Il n’en sera rien. Le but n’est pas de voir les voitures thermiques remplacées par leurs équivalents électriques mais bien d’éradiquer ce mode de transport … ou de le réserver aux plus nantis ?

Il faut, dit le gouvernement bruxellois, promouvoir une mobilité « douce » et la voiture électrique n’en fait pas partie. Nous partirons désormais en vacances à pied, à trottinette, à vélo …ou en avion, le prix des trains étant souvent rédhibitoire pour des familles.

Plus question de faire ses courses du samedi au supermarché. Pas grave, nous nous devons de privilégier les commerces de proximité, Färm et autres enseignes bio aux prix prohibitifs pour beaucoup de ménages.

Les transports publics doivent être privilégiés ! Où en est le RER ? Où sont les P+R autour de nos villes ? Pourquoi ferme-t-on des gares jugées insuffisamment rentables  privant des citoyens-contribuables d’accès aux transports ferroviaires en niant la notion-même de service public  ?

De nombreuses villes à l’étranger offrent la gratuité des transports en commun, c’est le cas en France (Montpellier, Strasbourg, Lille, …), au Grand-Duché où la gratuité couvre l’ensemble du territoire , en Suisse (Fribourg,…).

Et en Belgique ? Il n’en est rien. Pas de gratuité juste quelques tarifs préférentiels pour certaines catégories de la population.

Neutralité carbone oui, voitures électriques peut-être mais pas pour tout le monde, villes pour riches, loin de la mixité voulue par nos élites, certainement ….

Slovénie : « orbanisation » de la présidence tournante de l’Union européenne

Patricia Keimeul - Administratrice FAML

Il y avait la Hongrie avec les dérives autoritaires d’extrême droite de Viktor Orban : une révision de la Constitution, votée par un Parlement qui lui est acquis, lui accorde des pouvoirs particulièrement étendus.

Son parti, le Fidesz se faisant fort de garantir les valeurs chrétiennes du pays et en particulier celles de la famille traditionnelle, définit entre autres l’institution du mariage comme étant « l’union de vie d’un homme et d’une femme », et c’est de facto une porte fermée à la possibilité de reconnaître le mariage homosexuel.

Le pays est, depuis trois ans, sous le coup d’une procédure pour violation des valeurs européennes .

Orban s’en moque, tout comme il se moque des dispositions du Traité fondateur de l’Union et des valeurs que tout membre s’engage à respecter et à promouvoir, une Union à laquelle son pays a librement fait le choix d’adhérer.

Dans son pays, il y a des atteintes graves à la liberté d’expression et en particulier à la liberté de la presse. La création d’un mécanisme de régulation déséquilibré d’un point de vue politique, doté de pouvoirs disproportionnés sans être soumis à un contrôle judiciaire suffisant fait peser de lourdes menaces sur l’indépendance des médias audiovisuels de service public.1

Atteintes aussi à l’indépendance de la justice avec la limitation des pouvoirs de la Cour constitutionnelle, avec la mise à la pension d’office de certains juges et leur remplacement par deux cents magistrats soigneusement sélectionnés et nommés par le Président de l’Office national de la justice, lui-même désigné directement par le Gouvernement pour une durée de neuf ans.

Quitte à bafouer, bafouons et ce sont les droits et l’humanité des réfugiés entassés aux frontières de cette forteresse bien gardée qui sont niés, le racisme est devenu affaire d’État.

La liberté religieuse existe en Hongrie mais seulement pour les catholiques. Tout autre communauté confessionnelle devra désormais obtenir son agréation par le Parlement qui, rappelons-le est entièrement dévoué à un président très catholique.

Récidive récente dans la discrimination de certaines minorités avec le vote d’une loi interdisant la « promotion » de l’homosexualité auprès des mineurs, texte qui va à l’encontre de toutes les valeurs de l’Union européenne en décrétant l’invisibilité de ces communautés, au point que le premier ministre hollandais déclarait que la Hongrie n’avait plus sa place au sein de l’Union, tandis qu’Ursula von der Leyen la présidente de la Commission qualifiait le texte de honte.

Celle-ci enverra une lettre à Budapest pour manifester son indignation, et celle de l’Union européenne, à propos d’une « loi qui discrimine les personnes sur base de leur orientation sexuelle ». On ne verra désormais plus en Hongrie d’homosexuel, trans,… dans des films, à la télé, dans des pubs, … c’est beaucoup trop traumatisant pour les enfants !

Le texte qui prétend lutter contre la pédophilie fait un amalgame tout à fait scandaleux entre cette déviance impliquant des enfants, parfois très jeunes, et l’homosexualité qui concerne des adultes consentants.

Lutter contre la pédophilie ? En condamnant à une faible amende et à aucune peine de prison l’ambassadeur de Hongrie au Pérou coupable d’avoir stocké sur son ordinateur plus de vingt mille clichés d’enfants !

Le texte est entré en vigueur malgré tous les avertissements de ses partenaires européens, de certains tout au moins. La Pologne et la Slovénie n’en font pas partie…

Ce 25 juillet, des milliers de Hongrois ont envahi la capitale pour le défilé annuel de la Budapest Pride. La manifestation avait, cette année, un fort goût de protestation contre la loi homophobe du gouvernement Orban.

La Hongrie n’a plus sa place au sein de l’Union ?

L’exclusion d’un membre de l’Union, qu’il ait commis une faute grave ou qu’il en ait violé les principes, n’est pas prévue par les traités.

Seul l’article 7 du Traité prévoit la possibilité, en cas de violation grave et persistante des valeurs fondatrices de l’Union définies à l’article 2 et qui sont le respect de la dignité humaine, la liberté, la  démocratie, l’égalité,  l’état de droit, ainsi que le respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités, non pas d’exclure un membre mais de suspendre son droit de vote du pays au sein du Conseil.

Cette suspension n’empêche pas que les décisions auxquelles il n’a pas pu participer, s’appliquent à lui.

Sachant que le vote de sanctions contre un pays requiert l’unanimité, cette procédure a très peu de chance d’aboutir dans le cas de la Hongrie qui bénéficie du soutien indéfectible et réciproque entre autres de ses amis Polonais.

La Commission planche toujours sur le nouveau mécanisme qui devrait conditionner les subsides européens au respect de l’État de droit.

Il y avait aussi la Pologne.

Même combat, mêmes dérives autoritaires, mêmes violations des règles européennes… mêmes violences envers ceux qui pensent ou vivent « autrement ».

Un gouvernement nationaliste, un parti Droit et Justice qui cherche à imposer sa vision traditionaliste de la société polonaise, voilà de quoi encourager tout ce que le pays compte de groupes d’extrême droite à se croire investis de la mission, par la force ça va de soi, de réprimer toute manifestation contre le pouvoir ou contre ses lois.

Rendue responsable de la quasi interdiction de l’avortement par un haut tribunal, l’Église catholique subit, à travers ses édifices, la vindicte des manifestant(e)s. Encouragés par le gouvernement nationaliste et par le parti Droit et Justice de Jarosław Kaczyńsk, des groupes d’auto-défense d’extrême droite néofascistes, ultranationalistes accompagnés de hooligans du football se sont érigés en défenseurs des églises. Les rebelles qualifié(e)s de barbares gauchistes s’en souviendront , violences, insultes ont plu contre ces progressistes qui entendaient défendre les droits des femmes, des LGBTQ,,…

Dégoûtés par leur Église, par son intolérance et son accointance avec un pouvoir qu’elle sert avec dévotion,les Polonais apostasient, en masse, plusieurs milliers semble-t-il. Non pas qu’ils cessent d’être croyants, la foi ils l’ont toujours. Simplement, ils refusent désormais de faire partie de cette Église polonaise rigide et rétrograde, cette Église qui protège les prêtres pédophiles mais condamne tout ce qui n’est pas un couple composé d’un homme et d’une femme, qui a fait pression sur le gouvernement pour rendre quasi impossible l’interruption volontaire de grossesse. Impossible et surtout illégal, ça l’est de facto puisque le tribunal constitutionnel a considéré que la malformation du fœtus ne pouvait en aucun cas donner à la femme le droit de faire interrompre sa grossesse.. 2

Cette Église dont les valeurs sont distantes, de plus en plus, de celles qu’elle prétend défendre et dont le chemin qu’elle prend l’éloigne de l’Église officielle, celle du Pape François mais aussi de ses propres ouailles.

C’est désormais sur 41 % d’opinions favorables que l’Église polonaise peut compter, score en baisse de 22 % par rapport au dernier sondage.

Tout comme la Hongrie, le pays est sous le coup d’une procédure intentée par l’Europe ; tous deux refusent le plan de relance post COVID car celui-ci est lié au respect des valeurs démocratiques de l’Union.

Les menaces, ils n’en ont cure, la règle de l’unanimité leur donne raison. Soutenus par leurs voisins, ils se sentent invincibles. Pour eux, ce n’est que l’ingérence d’une Union dont ils ont souhaité faire partie mais dont ils ont décidé de ne pas respecter les règles.

On croyait, avec la Pologne et la Hongrie, avoir tout vu en matière de gouvernement d’extrême droite, c’était sans compter avec la Slovénie, pays qui tiendra les rênes de l’Europe durant les six prochains mois puisque c’est à elle que revient d’occuper la présidence tournante de l’Union .

Ce petit pays est issu de l’éclatement de la Yougoslavie en diverses républiques qui sont, outre la Slovénie, la Serbie, le Monténégro, la Croatie, la Macédoine du Nord et la Bosnie-Herzégovine.

Gouvernée par le centre gauche jusqu’en 2004, année de l’effondrement du parti libéral démocrate, la Slovénie a amorcé, depuis 2018, un virage à droite à 180° sous l’impulsion de son premier ministre, Janez Janša, ami de Viktor Orban, et de son parti, le parti démocratique slovène (SDS). C’est donc un homme condamné à deux ans de prison pour corruption et qui passera neuf mois derrière les barreaux qui tient les rênes du pays et avec lui une droite identitaire et xénophobe. 3

Grand admirateur de personnalités aussi controversées que Donald Trump et que son ami Viktor Orban, il est surnommé maréchal « Twitto » pour la propension qu’il partage avec l’ex-président américain à twitter de manière frénétique. 4

Ce tournant à droite se traduit par des attaques contre les ONG, contre les médias que Janša accuse d’être aux mains des communistes et d’avoir été un frein à son accession au pouvoir. Pour les contrer, il a mis en place, avec l’aide d’un entrepreneur étroitement lié à Viktor Orban, son propre pool médias.5 Ceux-ci se sont spécialisés dans la propagande en faveur du premier ministre et dans des campagnes de diffamation des membres de l’opposition ou des associations de défense des droits humains, des LGBTQ ou encore celles de protection de l’environnement dont il faut savoir que son ministre manifeste davantage d’intérêt pour des investissements dans des centrales électriques que pour la protection de l’environnement.

Le premier ministre s’affiche d’ailleurs ouvertement climato-sceptique, tout comme son modèle, le milliardaire américain Trump.

Des ONG menant des projets humanitaires et sociaux ont vu leurs subsides supprimés. Un recours contre ces mesures a été introduit auprès de la Cour constitutionnelle qui les a suspendues.

La pandémie a constitué un parfait prétexte pour voter des restrictions à la liberté de manifester avec grosses amendes à la clé.

En 2015, la Slovénie s’est trouvée sur la route empruntée par des millions de réfugiés. La Hongrie ayant fermé ses frontières, c’est entre autres vers la Slovénie que le flux s’est dirigé pour ensuite passer en Autriche et puis en Allemagne. Lorsque Vienne à son tour bloque le poste frontalier emprunté par les candidats réfugiés, Ljubljana tente de militariser sa frontière avec la Croatie mais doit renoncer suite à l’opposition de certains membres de la coalition au pouvoir. Les droits des migrants sont néanmoins drastiquement limités.

C’est donc à un président qui a Trump – il est lui aussi partisan de thèses conspirationnistes – et Orban pour modèles que sont confiées les clés de la Maison Europe à partir du 1er juillet 2021 et pour six mois, probablement parmi les plus longs de sa vie.

D’une manière générale, dans les Balkans les partis d’extrême droite ont le vent en poupe et sont souvent incarnés par un leader charismatique. Viktor Orban en Hongrie, Janez Janša en Slovénie tandis que la Pologne a Jarosław Kaczyński, président du parti conservateur Droit et Justice.

A l’inverse de l’extrême droite française qui tente de se donner une respectabilité par les propos plus édulcorés de sa présidente, par le choix d’un nouveau nom plus rassembleur, celle des pays balkaniques est totalement décomplexée et ne craint pas d’afficher sa xénophobie, son mépris de la femme et des minorités sexuelles, son ultralibéralisme,… son rejet des valeurs humanistes d’une Europe dont ils ont voulu faire partie.

L’élargissement de l’Union aux anciennes républiques socialistes est sans doute une bonne chose pour le maintien de la paix, principale réussite de la construction européenne. Pour autant ces pays étaient-ils prêts à intégrer cette structure supranationale, à en respecter les règles et les valeurs, en avaient-ils la maturité ?

On peut en douter…

Religion cathodique

Zelda Boucher - FAML

L a chaîne C8 met la religion catholique à l’honneur. Dimanche 15 août 2021, la chaîne de télévision C8 appartenant au groupe Canal de Vincent Bolloré, catholique pratiquant, a décidé de mettre à l’honneur le catholicisme en consacrant pas moins de douze heures d’affilée à des programmes en lien avec la religion.

Ce n’est pas un hasard de calendrier si la date retenue pour cette programmation coïncide avec le jour de l’Assomption, une fête religieuse qui célèbre la montée au ciel de la vierge Marie. Un cadeau qui ne s’arrête d’ailleurs pas là pour les catholiques les plus conservateurs puisque le lendemain, la chaîne enfoncera encore le clou en diffusant en prime time le film ouvertement anti-avortement “Unplanned”.

Un film polémique qui plaît aux plus rétrogrades.

Unplanned (traduit en français par “Non planifié”) est le long-métrage américain sorti en 2019 et financé par l’Eglise évangélique protestante et qui retrace une histoire basée sur des faits réels. Le film suit la vie d’Abby Johnson (interprétée par Ashley Brachter), directrice d’une des cliniques du Planning Familial au Texas, jusqu’à sa démission en octobre 2009. Ce film qui prend souvent le parti de privilégier les scènes extrêmement choquantes et qui ne laisse aucune place à la nuance est, sans grande surprise, interdit au public âgé de moins de seize ans. Dès la cinquième minute du film, le spectateur est témoin d’une scène aussi choquante qu’invraisemblable lorsque, à travers l’écran d’un moniteur d’échographie, Abby Johnson assiste à l’avortement par aspiration d’un fœtus de 13 semaines qui se débat pour survivre tout au long d’un processus qui semble alors plus barbare que jamais. A la suite de cet événement, Abby décide de devenir militante anti-IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) et de consacrer le reste de sa vie à cette cause.

Avec son scénario totalement surréaliste et le manque d’engouement général lors de sa sortie, Unplanned aurait en toute logique dû connaître le sort d’un film de série B et terminer directement dans les oubliettes du cinéma. C’était malheureusement sans compter sur les prises de position du vice-président de Donald Trump, Mike Pence, qui n’a pas manqué de vanter les mérites du film sur le réseau social Twitter. En 2019 il écrivait : “La vie est en train de gagner grâce à des histoires puissantes comme celles-ci. Allez voir Unplanned”.

La véracité du récit de la Texane Abby Johnson, les détails et la motivation de sa conversion ont depuis lors été contestés par des journalistes d’investigation. Le Monthly Texas avait dès 2010 (c’est-à-dire avant même la sortie du film) mis en lumière une série d’incohérences dans l’ouvrage publié par Abby Johnson duquel directement est inspiré le film. Il est important de noter que les dossiers médicaux eux-mêmes ont également contredit certaines de ses affirmations.

Lors de sa sortie aux Etats-unis, seule Fox News la chaîne conservatrice et ouvertement pro-Trump, avait accepté sans la moindre hésitation de diffuser la bande-annonce du film et d’en assurer la promotion.

Bien que ce film soit basé sur une vision très simpliste et manichéenne des principes absolus du bien et du mal, sans jamais faire dans la nuance et la modération, il est tout de même parvenu à séduire un certain public. En mars 2019, il a permis d’engranger 12 millions de dollars de recettes, seulement deux semaines après sa sortie au cinéma. Un succès qui n’a rien de véritablement étonnant lorsque l’on sait que le film a largement servi d’outil de propagande aux militants pro-Trump.

Du côté francophone, notons que seule la société “SAJE Distribution”, une plateforme de films et téléfilms d’inspiration chrétienne, a accepté sa distribution, une exception qui cessera avec la diffusion prévue sur C8 le 16 août 2021.

La diffusion du film Unplanned: un acte non planifié ?

Aussitôt annoncée la diffusion du film, une grande vague d’indignation a ébranlé la chaîne C8 en interne. Chloé Sitbon et Guillaume Orsat, les deux personnes qui prêtent leur voix aux bandes annonces, ont notamment souhaité se désolidariser du contenu du programme.
Sur Twitter, Chloé Sitbon écrit : «Nous avons, Guillaume et moi, fait la demande à nos employeurs de ne pas utiliser nos voix et de trouver une autre solution pour cette bande annonce». Le Parisien précise que Guillaume Orsat aurait quant à lui déjà posé sa voix sur la bande annonce du film sans avoir été averti au préalable ni du titre, ni du contenu de ce film très engagé. Pour eux, refuser de participer à la promotion de ce film s’apparente surtout à une volonté de ne pas cautionner le message anti-IVG véhiculé par Unplanned.

Étonnement ou non, ce n’est pourtant pas la première fois que la chaîne de Vincent Bolloré, mécène de la promotion d’idées réactionnaires, se retrouve intimement liée au mouvement et aux idéaux portés par les anti-IVG. Durant l’émission de deuxième partie de soirée, “Balance ton poste !” diffusée en octobre 2018, le très controversé Cyril Hanouna avait animé un débat en posant la question: pour ou contre l’IVG en France? Sur Twitter, Laurence Rossignol, ancienne Ministre des Droits des Femmes en France, avait alors réagi avec virulence en lui suggérant d’autres propositions de débat telles que: “pour ou contre les aiguilles à tricoter? Pour ou contre l’eau de javel dans l’utérus? Et puis allez.. pourquoi se priver… pour ou contre la prison pour les femmes qui avortent?”.

D’après 20 Minutes, le quotidien d’information générale français, Marlène Schiappa sa successeuse avait également envoyé un message d’indignation à l’animateur en lui rappelant que “ l’entrave à l’interruption volontaire de grossesse est un délit “.

Mon droit mon choix

La diffusion d’Unplanned est épineuse parce qu’elle constitue manifestement un danger. Ce film s’appuie en effet sur le recit, manifestement erroné d’après les journalistes qui ont mené l’enquête, d’une femme qui a changé d’avis et qui a décidé d’entreprendre une véritable croisade contre l’avortement, un droit fondamental qui reste encore trop fragile et menacé.

Si l’avortement est légal aux États-Unis depuis 1973, suite à l’arrêt “Roe vs Wade“ rendu par la Cour Suprême, il n’en demeure pas moins extrêmement compliqué de pouvoir accéder à ce droit dans les faits. Les mouvements anti-IVG aux Etats-unis n’ont jamais réellement cessé d’intimider et de harceler les personnes qui pratiquent l’avortement comme en témoignent les images de femmes devant être escortées au travers d’une foule de militants souvent agressifs pour se rendre dans les cliniques pratiquant l’interruption volontaire de grossesse.
En 2017, l’arrivée au pouvoir de Donald Trump ne va faire qu’empirer une situation déjà très compliquée. Ainsi, si l’IVG n’est pas légalement interdite, dans plusieurs Etats républicains il est encore aujourd’hui impossible d’y recourir. De novembre 2016 à janvier 2017 ce ne sont pas moins de 14 projets de lois anti-avortements qui ont été préparés. Parmi eux, tout comme la législation déjà en vigueur au Texas ou en Indiana, on retrouve notamment l’obligation d’enterrer les fœtus avortés. Dans un certain nombre d’Etats, comme en Arkansas on retrouve en outre l’introduction de régles comme l’interditction de recourir à la méthode de dilatation et d’extraction intacte, pourtant reconnue comme la méthode la plus fiable et la plus commune pour des avortements pratiqués entre 14 et 20 semaines.

Et en Belgique ?

En Belgique, l’avortement a longtemps été inscrit dans le Code pénal comme une crime contre l’ordre des familles et la moralité publique. Il faudra attendre 1990 pour voir émerger une première avancée au sujet de l’avortement, lorsque ce dernier devient dépénalisé sous les conditions reprises dans le Code pénal. Il n’est donc plus depuis considéré comme un délit passible de sanctions, mais uniquement sous certaines conditions bien précises.

28 ans plus tard, à la suite de nombreuses actions menées par les mouvements féministes et progressistes, plusieurs partis politiques souhaitent tout simplement voir l’avortement sortir du code pénal. En effet, en octobre 2018, une nouvelle loi soustrait l’interruption volontaire de grossesse du Code pénal. Cependant, l’amélioration tant demandée des conditions légales d’avortement reste quant à elle malheureusement inchangée. La principale demande vise à allonger le délai légal de l’IVG de 12 semaines à 18 semaines dans la mesure où le fœtus n’a toujours pas atteint le seuil de viabilité à ce stade de la grossesse. Une autre demande vise à raccourcir le délai de réflexion à 48 heures au lieu des 6 jours actuellement en vigueur entre autres pour ne pas dépasser le délai de 12 semaines mais également pour atténuer les éventuelles souffrances psychologiques de la personne désireuse de mettre un terme à sa grossesse.

Un autre cheval de bataille concerne la menace de peines de prison pour les patientes et les médecins qui iraient à l’encontre de la loi. A cet égard, la seule véritable avancée réside dans le fait que la nouvelle loi punit l’entrave à l’accès des centres IVG et que chaque médecin refusant de réaliser un avortement doit référer la patiente dans le besoin à un autre médecin. Fortement influencée par les dogmes de la religion catholique et des partis politiques conservateurs, la question de la dépénalisation totale de l’interruption volontaire de grossesse suscite donc toujours de vives tensions dans le paysage politique belge.

En 2020, une proposition de loi visant à dépénaliser totalement l’IVG et à allonger le délai de 12 à 18 semaines est déposée mais le cdH, le CD&V, la N-VA et le Vlaams Belang refusent en bloc de la signer. Suite à une série de dépôts d’amendements, le vote est reporté à plusieurs reprises et a fini, au fil du temps, par ne plus être à l’ordre du jour.

La question du droit à l’avortement reste donc un combat de tous les jours et dont les avancées acquises difficilement au fil du temps demeurent extrêment fragiles. Les choix programmatiques de la chaîne de télévision C8 sont la triste illustration des tensions permanentes exercées sur ce droit et du long chemin qu’il reste encore à parcourir pour que les femmes puissent un jour disposer librement de leur corps.

À l’heure où Cyril Hanouna demande qu’on ne “touche pas à son poste”, les femmes sont plus que jamais aujourd’hui en droit d’exiger qu’on ne touche pas à leurs droits !

Quand la nature reprend ses droits

Marie Béclard - FAML

L e dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est paru le 9 août 2021 et il est sans appel : l’humain est responsable du réchauffement de l’atmosphère et l’ampleur des changements climatiques actuels n’a pas été observée depuis des siècles. Le réchauffement climatique va se poursuivre au moins jusqu’en 2050. Cependant, nous pouvons encore éviter une augmentation de plus de 2°C voire de 1,5°C mais pour cela, nous devons atteindre le plus rapidement possible la neutralité pour le CO2 et réduire fortement les émissions des autres gaz à effet de serre.1 Ce rapport, est-ce vraiment une surprise ? Peu d’entre nous arrivait encore à se voiler la face.

Qu’est-ce qui nous attend ? On prévoit une augmentation de la fréquence et de l’intensité de phénomènes climatiques extrêmes : des vagues de chaleur, des fortes précipitations ou des sécheresses selon les régions ainsi que la réduction de la banquise arctique, de la couverture neigeuse et du pergélisol. Toutes ces prévisions qui autrefois semblaient issues d’un film de science fiction commencent aujourd’hui à être une réalité. Toutes les régions du monde subissent déjà les effets du changement climatique. L’été 2021 en aura été un triste exemple : l’Allemagne, la Belgique, la Chine et bien d’autres pays ont été lourdement touchés par les inondations tandis que le Canada, les États-Unis, la Grèce ou la Turquie … ont connu des pics extrêmes de chaleur provoquant des incendies et détruisant des centaines de milliers d’hectares de terre, ainsi que la biodiversité des sites touchés.

L’Europe est naturellement exposée aux catastrophes puisqu’une partie conséquente de sa population se concentre près des cours d’eau et des zones littorales (parfois en dessous du niveau de la mer), dans des zones de montagne accidentées, dans des zones sismiques ou volcaniques ou encore dans des régions extrêmement exposées aux incendies. Il est donc réellement urgent de prendre des décisions et de mener des actions concrètes que se soit au niveau environnemental ou des politiques de développement urbain tant pour réduire l’ampleur de la catastrophe que pour vivre avec un ration risque/bénéfice qui soit acceptable.

Déjà en 2009, l’ONU-SIPC ??? prévoyait que le changement climatique allait accroître les risques de catastrophe en rendant les populations plus vulnérables aux aléas physiques, pour deux raisons: la dégradation des écosystèmes, qui appauvrira les ressources en eau et en nourriture, et une modification des moyens de subsistance due à l’augmentation des aléas météorologiques et climatiques. ²

Pourtant dans des villes comme Bruxelles, des méga projets urbanistiques sont réalisés ou sur la table des négociations. La construction de millier de logements est en jeux. Que justifie l’ampleur de ces projets ? Bruxelles connaît-elle un véritable boom démographique ?
Inondation et pauvreté, un risque accru

1,47 milliard de personnes sont exposées à un risque modéré d’inondation. S’il ne s’agit pas seulement de ménages précarisés, 600 millions d’individus potentiellement touchés sont des personnes à très faibles revenus : « 4 personnes sur 10 exposées au risque d’inondation dans le monde vivent avec moins de 5,50 dollars par jour ».2 Les inondations sont les catastrophes naturelles les plus fréquentes et elles n’épargnent aucun pays. Dans les années à venir, elles seront encore plus nombreuses avec l’affaissement des terres (dues en partie à l’extraction des eaux souterraines) et l’impact de l’urbanisation croissante (puisque les zones sures sont déjà occupées, les populations s’installent dans des zones toujours plus dangereuses) et les conséquences du réchauffement climatique.3

Le problème s’explique en partie car les biens situés dans des zones soumises aux inondations peuvent être beaucoup moins chers ce qui permet à une frange plus pauvre de la population d’accéder à des biens qui auraient été hors budget sans le risque d’inondation. 4

Les conséquences des inondations, ce sont souvent les ménages les plus pauvres qui les ressentent le plus fort et à long terme : faute d’économies et d’accès aux dispositifs de soutien. 5

La nature à la rescousse

En Belgique, de nombreuses photographies prises durant les inondation de l’été 2021 ont mis en évidence la différence entre un milieu resté naturel et un espace artificialisé. L’artificialisation empêche l’infiltration et le stockage des eaux fluviales. Les systèmes artificiels de captages peuvent se retrouver rapidement dépassés par l’arrivée massive d’eau qui provoque des inondations.

Les catastrophes naturelles ne sont que rarement, ou jamais, prises en compte dans les politiques de développement urbain. Il n’est pas rare pour les pays en voie d’urbanisation d’avoir deux ministères complètement différents pour la gestion des situations d’urgence et pour le développement urbain comme si ces deux domaines n’ont pas d’impact l’un sur l’autre.

La nature comme aide précieuse pour lutter contre les inondations

Si les humains rivalisent d’ingéniosité pour mettre en place des systèmes très performants qui doivent garantir la sécurité des populations, ces constructions sont aussi très coûteuses à la construction et à l’entretien. Seuls les pays qui ont les moyens technologiques et financiers protègent leur population à l’aide de ces constructions. Cependant, on néglige très souvent le potentiel protecteur des infrastructures naturelles : « mère nature en personne propose de bien meilleures solutions ».6 Des études montrent que des milieux naturels préservés peuvent réduire l’impact des catastrophes naturelles et qu’à l’opposé la dégradation des écosystèmes accentue les risques. Beaucoup d’écosystèmes agissent comme des zones tampons, absorbant les effets des aléas naturels : diminution des crues, stabilisation des sols, protection des côtes et protection contre les avalanches.

Les infrastructures naturelles sont souvent moins coûteuses à installer ou à préserver et peuvent jouer un rôle protecteur équivalent à celui des ouvrages d’ingénierie comme les digues, les barrages, les murs en béton ou autres systèmes de protection.

Les écosystèmes sont également très importants. Outre la protection contre les aléas, les écosystèmes offrent de nombreux avantages comme la fixation du carbone ou le filtrage et le stockage des eaux, ainsi que des valeurs esthétiques, récréatives et de bien-être qui ne Le rôle des écosystèmes dans la réduction des risques de catastrophes 7

Par exemple, les marécages absorbent une grande partie de l’énergie cinétique destructrice des cyclones à la manière dont une pelouse épaisse et dense absorbe la puissance d’un jet d’eau qui, sur une allée en ciment, éclabousserait avec force en tous sens.

Si de plus en plus de pays ont pris conscience des avantages liés à la protection des milieux naturels comme des récifs coralliens et des forêts de mangroves qui constituent des zones importantes de la biodiversité marine et des tampons essentiels entre la terre et la mer. Dans d’autres endroits du monde, on continue à détruire cette nature protectrice. Par exemple, depuis les années trente, la Louisiane a perdu plus de 50 millions d’hectares de zones humides et le rythme actuel de destruction est de 250 000 hectares par an.8

La chaleur en ville

Si les inondations détruisent et tuent fréquemment, la chaleur peut, elle aussi, être meurtrière. Elle n’a pas cessé d’augmenter dans les villes au fil du temps et l’urbanisation aggrave le réchauffement mondial puisqu’on remplace des zones vertes par des constructions qui n’ont pas la capacité de capter du CO2.

Souvent, on peut observer dans les villes la présence d’un micro climat, les températures sont quelques degrés plus élevés que dans les campagnes environnantes. 9Cela s’explique par l’effet d’îlot de chaleur urbain. Ce phénomène est la conséquence de différents facteurs: mauvaise circulation de l’air, chaleur piégée par les hauts bâtiments, chaleur due aux activités humaines, des matériaux de construction qui absorbent la chaleur et une présence limitée de végétation.10 Pour réduire la chaleur en ville, il est important d’arriver à une artificialisation nulle et engager des dynamiques de renaturation des milieux artificialisés. Pour cela, on peut dé-bitumer, végétaliser, restaurer les friches, avoir une politique qui vise à réhabiliter ou à rénover plutôt que construire. Il faut également préserver et accroître les espaces naturels et restaurer les écosystèmes dégradés.

La nature à Bruxelles

Avec ou sans le rapport du GIEC, on pourrait penser que tout le monde (ou presque) perçoit l’urgence de la situation écologique. Pourtant à Bruxelles, on continue à réaliser et prévoir de grands projets urbanistiques.

Bruxelles est une des capitales les plus «vertes» d’Europe puisque presque 50 % de sa surface est non bâtie, ce qui correspond à environ 8.000 ha : des parcs , des cimetières , des bois et forêts, de nombreux jardins privés , des friches , ainsi que des zones agricoles occupent encore 7% du territoire de la capitale. Mais Bruxelles, c’est aussi 5500 Bruxellois par kilomètre carré.

L’importance en nombre d’espaces verts et la grande variété de milieux ou habitats pour la faune et la flore jouent un rôle primordial dans la préservation de la biodiversité bruxelloise. 11

De 1980 à 2003, la superficie non bâtie a diminué de 17% en Région de Bruxelles-Capitale. Lorsqu’on supprime un espace vert quelque part, cela a une double influence : la nature disparaît du lieu bâti et en plus cela met souvent davantage de pression sur les espaces verts restants ce qui perturbe leur équilibre. 12 Ces dernières années, de nombreux méga projets ont été proposés : méga prison à Haren, construction de logements sur le site du Marais Wiels, site Josaphat et bien d’autres…

Si certains sont abandonnés (au moins temporairement), comme c’est le cas des Marais Wiels, d’autres sites sont encore en grand danger : la fiche Josaphat ou le site des « Dames blanches » pour ne citer que ces exemples.

Le site Josaphat est une ancienne gare de triage qui se situe à cheval sur les communes de Schaerbeek et d’Evere. La Société d’Aménagement Urbain (SAU) la possède depuis 2006.

La région désire créer sur ses 24 hectares un quartier de ville mixte et durable, autour d’un espace vert public. 13  D’un côté, on semble réaliser l’importance de stopper l’urbanisation et de préserver la nature, d’un autre on continue à urbaniser à outrance. Un premier plan d’aménagement durable (PAD) pour le site Josaphat avait été rejeté tant par la commune que par les riverains. Un nouveau PAD propose de préserver la friche sur 1,28 ha  via la création d’un nouveau parc (« biopark ») exclusivement dédié à la biodiversité et dont le futur gestionnaire sera Bruxelles Environnement. Ce nouveau parc public s’intégrera au Wadipark, au Spoorpark et aux talus déjà existants (qui sont maintenus dans le nouveau projet). Ceci permettra, au total, de disposer d’un parc d’un seul tenant d’une superficie de 5,05 ha . 14

Mais c’est ignorer les risques de la fragmentation sur les habitats spécifiques nécessaires à la faune et à la flore pour exister. Pollutions, changements climatiques, fréquentation trop importante de certains espaces verts, ainsi que l’arrivée d’espèces exotiques envahissantes ou encore l’assèchement de zones humides rendent vulnérables de nombreuses espèces vivantes ou menacent directement leur survie. Les changements des conditions de vie naturelles des espèces, conduisent certaines à s’éteindre, ou à migrer, amenant des déséquilibres. 15
Dans le nouveau projet, la friche devrait accueillir 1200 logements contre 1600 logements précédemment. Comment peut-on espérer que le site ne soit pas bouleversé par l’arrivée d’autant d’habitants ainsi que par la construction de deux écoles, …

L’importance de repenser le logement

Doit-on vraiment encore construire autant de nouveaux logements ? C’est une question qu’on peut légitimement se poser. Bruxelles connaît-elle un boom démographique ? L’Ibsa (Institut Bruxellois de statistique et d’analyse) il y a eu près de 10 000 habitants supplémentaires en 2019 à Bruxelles. Au 1er janvier 2020, la Région de Bruxelles-Capitale comptait 1 218 255 habitants, elle n’a jamais été aussi peuplée. 16

Actuellement, la croissance démographique bruxelloise est stable, on n’assiste donc pas à un véritable boom démographique.

Certes, Bruxelles manque de logements mais de nombreux opposants aux projets d’urbanisation demandent de s’intéresser préalablement à la question des logements vides. Il existe une importante partie de bâti non utilisé : des bureaux ou des habitations vides. Plutôt que de détruire des espaces verts, il semble important de davantage rénover le bâti vétuste ou de donner de nouvelles fonctions à des bâtiments. En effet, depuis le confinement et le succès du télétravail, de nombreux immeubles de bureaux se retrouvent désormais vides. Les sociétés vont encore probablement réduire leur surface de bureaux. Plutôt que de laisser ses bâtiments vides se délabrer, il est possible de changer leur affectation et de les destiner au logement. Leopold Views à Evere est un ancien immeuble de bureaux des années 70 qui a été entièrement rénové et transformé en immeuble à appartements.

L’urbanisme vert

La végétalisation des toits aide à réduire les températures dans les bâtiments, empêcher les îlots de chaleur. Vraie bonne idée ou poudre aux yeux ? Les toitures végétales aident un peu la biodiversité : sur ces toits les insectes trouvent de quoi subsister. Les toits végétalisés rafraîchissent localement la ville grâce à l’évapotranspiration. En effet, « par une journée ensoleillée de 26°C (à l’ombre), un toit exposé au soleil peut atteindre une température de 80°C si sa couleur est foncée, 45°C si sa couleur est blanche et seulement 29°C s’il est recouvert de végétaux. On peut estimer l’écart de température ressenti dans une ville à -0,5°C en moyenne, pouvant atteindre -2°C. »17 Végétaliser représente donc une solution pour certains éléments mais ne remplace pas la nature.

Il est important d’avoir une politique d’aménagement urbain qui prend en compte l’importance de la nature que ce soit pour diminuer le réchauffement climatique, éviter les catastrophes naturelles ou encore conserver la biodiversité.

 

1 Le rapport du GIEC pour les parents et enseignants publié le 24 août 2021 et Informations consultées le 26 août 2021 sur le site https://bonpote.com/le-rapport-du-giec-pour-les-parents-et-enseignants/
2 J. E. RENTSCHLER, M. SALHAB, 1,47 milliard de personnes sont exposées à un risque d’inondation, et plus d’un tiers d’entre elles à des catastrophes aux effets dévastateurs publié le 12 novembre 2020 et consulté le 27 août 2021 sur le site https://blogs.worldbank.org/fr/voices/1-47-milliard-de-personnes-sont-exposees-risque-inondation
3 J. RENRSCHLER, M. SALHAB, People in Harm’s Way Flood Exposure and Poverty in 189 Countries, dans Poverty and Shared Prosperity 2020 consulté sur le 29 août 2021 sur le site https://openknowledge.worldbank.org/bitstream/handle/10986/34655/People-in-Harm-39-s-Way-Flood-Exposure-and-Poverty-in-189-Countries.pdf?sequence=1&isAllowed=y
4 J. RENRSCHLER, M. SALHAB, People in Harm’s Way Flood Exposure and Poverty in 189 Countries, dans Poverty and Shared Prosperity 2020 consulté sur le 29 août 2021 sur le site https://openknowledge.worldbank.org/bitstream/handle/10986/34655/People-in-Harm-39-s-Way-Flood-Exposure-and-Poverty-in-189-Countries.pdf?sequence=1&isAllowed=y
5 J. E. RENTSCHLER, M. SALHAB, 1,47 milliard de personnes sont exposées à un risque d’inondation, et plus d’un tiers d’entre elles à des catastrophes aux effets dévastateurs f et consulté le 27 août 2021 sur le site https://blogs.worldbank.org/fr/voices/1-47-milliard-de-personnes-sont-exposees-risque-inondation
6 Informations consultées le 28 août 2021 sur le site https://www1.undp.org/content/undp/fr/home/blog/2017/5/11/Nature-to-the-rescue-Reducing-flood-risks-by-using-ecosystem-services.html?fbclid=IwAR0LaaY_qF6I3dEA905XxLficz0XrVg3QmKTp3nJcFtuXuXkDJO1h5CF91c
7 Karen Sudmeier-Rieux, Le rôle des écosystèmes dans la réduction des risques de catastrophes https://www.coe.int/t/dg4/majorhazards/ressources/pub/Ecosystem-DRR_fr.pdf
8 F. MANCEBO., « Ville durable et changement climatique », dans Environnement Urbain Urban Environment, 2011, volume 5, VRM, Montréal. http://www.vrm.ca/cyber_pub.asp?vol=2011
9 Y. HIRSCH, Caractéristiques de l’îlot de chaleur urbain et recherche d’une solution paysagère pour le site de la résidence Damrémont à Paris, Gembloux, 2016-2017 consulté le 31 aout 2021 sur le site https://matheo.uliege.be/bitstream/2268.2/2982/5/TFEVF2ff.pdf
10 Informations consultées le 26 août 2021 sur le site https://climat.be/actualites/2021/6e-rapport-du-giec-face-a-des-risques-sans-precedent-la-communaute-scientifique-lance-un-nouveau-signal-d-alarme
11 La biodiversité mis à jour le 18/05/2020 consulté sur le 20 août 2021 sur le site
https://environnement.brussels/thematiques/espaces-verts-et-biodiversite/la-biodiversite
12 La biodiversité à Bruxelles. Une chance exceptionnelle ! Informations consultées le 21 août 2021 sur le site https://document.environnement.brussels/opac_css/elecfile/Biodiversite%202010%20FR? Sur le site_ga=2.91080477.666227197.1627929601-1648543707.1627929601 p. 6
13 Josaphat Informations consultées le 20 août 202https://perspective.brussels/fr/projets/poles-strategiques/josaphat
14 Josaphat Informations consultées le 20 août 202https://perspective.brussels/fr/projets/poles-strategiques/josaphat
15 La biodiversité mis à jour le 18/05/2020
https://environnement.brussels/thematiques/espaces-verts-et-biodiversite/la-biodiversite
16 J.P. HERMIA, Baromètre démographique 2020 de la Région de Bruxelles-Capitale, informations consultées le 12 août 2021 sur le site https://ibsa.brussels/sites/default/files/publication/documents/Focus-43_FR.pdf
17 https://particivil.org/2021/03/03/les-toitures-vegetalisees-une-solution-efficace-pour-le-deploiement-de-la-nature-en-ville/