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REVUE DE WEB 30/06/2017

Revue de web 31/05/2017

Culture(s) et école

Claude Javeau
Professeur ordinaire émérite de sociologie de l’Université Libre de Bruxelles

De nos jours le mot « culture » est mis à toutes les sauces et sert un peu pour désigner toutes les productions de l’esprit humain qui ne relèveraient pas de l’ordre de l’économique en soi (ce qui ne signifie pas que ces productions n’exercent pas d’effet sur l’économie). C’est ainsi qu’on retrouvera sous cette appellation des activités aussi diverses que la poésie, le sport-spectacle, la musique dite classique, les séries télévisées, le cinéma, le hip-hop, la gastronomie, et on en passe. Il suffit d’ouvrir les pages « culture » d’un quotidien, même du genre dit « sérieux » pour s’en rendre compte. Le processus d’appropriation ne s’est pas produit du jour au lendemain. La mise au point de moyens techniques de plus en plus développés a fortement contribué à cette évolution. Outre leurs propres caractéristiques de diffusion et de reproduction, entre autres, ces moyens et procédés sont intervenus de manière insigne dans la démocratisation de l’accès aux contenus dont ils étaient porteurs.

Tout comme l’invention de l’imprimerie avait permis la fabrication de livres sur une échelle beaucoup plus grande que ne l’autorisaient les manuscrits patiemment recopiés par des moines dans de secrètes abbayes, la découverte des images animées, pour ne prendre que cet exemple donnant naissance au cinéma, a entraîné une industrialisation de modes de production et de distribution jusqu’alors inédits. C’est ainsi qu’un nouveau secteur cultures est né, lequel s’est distingué d’emblée par la diversité de ses objets. Le spectacle cinématographique s’est vite inscrit au cœur de la culture dite populaire : il ne s’agissait plus de filmer des pièces de théâtre jusqu’alors réservées à un public aisé et éduqué. Des créations originales sont venues gonfler un corpus de plus en plus volumineux, qu’ont accompagné des systèmes d’évaluation propres confiés à des critiques spécialisés. Des histoires semblables pourraient être racontées au sujet de la radio, de la télévision, de la bande dessinée, du roman policier, du sport, de la presse écrite etc.

C’est ainsi que le domaine de la culture, jusqu’à la moitié du dix-neuvième siècle ancré aux habitudes (et habitus, pour parler comme Bourdieu), des couches dirigeantes de la société, s’est considérablement diversifié. On a assisté à une fragmentation selon les diverses catégories de la population, celles qu’on a coutume d’appeler les classes. On a introduit le concept de subcultures, censées contribuer à la constitution d’une culture propre à une population rapportée généralement à un pays. A cette constitution s’est ajoutée l’irruption de cultures propres à des vagues d’immigration souvent issues de contrées autrefois colonisées par les Européens. Ces cultures se sont insérées en tant que justification dans un mouvement de communautarisation qui n’a pas fini de faire couler beaucoup d’encre.

Un schéma d’analyse s’est désormais imposé parmi les commentateurs des problèmes culturels. A côté des cultures issues des immigrations mais entretenant avec elles des liens de perméabilité plus ou moins décelables, dominerait dans une grande partie du monde une culture mainstream associée principalement au world entertainment (divertissement mondialisé) véhiculée par les médias de masse et les réseaux dits sociaux. La télévision en a été le principal vecteur avec ses feuilletons, ses émissions de variétés, ses spectacles sportifs, ses docufictions, ses « nouvelles » soigneusement filtrées. Outre cette manne culturelle planétaire, on rencontre diverses niches spécifiques à des groupes au contour relativement indécis. C’est ainsi qu’à côté des survivances de cultures populaires locales, d’origine paysanne ou ouvrière ou même délinquante (la culture du milieu), ce qui autrefois passait pour la seule vraie culture s’est réfugiée dans la sphère dite « bourgeoise ». Parfois aussi dite d’« élite », cette culture se bat pour survivre. Or, c’est elle dont le destin était depuis des temps anciens lié à celui de l’école.

Ecole et culture, un divorce progressif

La culture devenue « bourgeoise » s’est petit à petit constituée au sein des établissements scolaires, confiés sous nos aïeux à des ordres religieux spécialisés, jésuites et autres. Ces écoles sont avant tout destinées aux garçons, bien que dans les classes dirigeantes une certaine éducation pour les filles, basée surtout sur l’apprentissage des sociabilités mais pas uniquement, éventuellement dans des écoles gérées par des ordres religieux s’est manifestée parallèlement aux collèges masculins. Quelles que soient les institutions qui les gèrent, ces établissements poursuivent trois objectifs, ainsi que les a énoncés le sociologue suisse André Petitat, à savoir (a) avant tout de protéger l’enfant des influences jugées néfastes du monde des adultes ; (b) favoriser chez l’enfant une plus grande docilité en ce qui concerne les études ; (c) réaliser par le moyen de l’internat comme mode d’organisation centralisé une intégration politique et religieuse. Des considérations  morales se conjuguent à des considérations cognitives. Pour réaliser ce programme, les collèges proposent des curricula comprenant à la fois les sciences telles qu’elles étaient connues à l’époque (davantage pour les garçons que pour les filles) et les lettres, concentrées autour de l’étude des Anciens et des langues dans lesquelles ils s’étaient exprimés, le latin et le grec. Les élèves se trouvent ainsi dépositaires d’un certain héritage, situé au centre de ce qui sera appelé la culture européenne, détenue par les classes dirigeantes, réduite plus tard à la seule appellation « bourgeoise ». Dans le lexique français, cette culture est assimilée à une « civilisation », celle que se chargeront de propager les entrepreneurs des diverses colonisations. – en réalité, sous forme simplifié -, à l’usage de populations destinées à passer du statut de sauvage à celui de « civilisé », mais dans certaines limites. D’où le recours, pour certaines puissances coloniales, aux élites d’avant les conquêtes de la colonisation, assignées à assurer la diffusion de la culture dominante, dans la mesure où cela se révèle utile, auprès des populations indigènes.

Il y a quelques années, participant à Nancy à un colloque consacré à la culture en Europe (ce qui me valut, soit dit en passant, de partager ma table avec le cardinal Lustiger et Bronislaw Geremek), j’avais émis, à la tribune, l’idée que s’il existait bien un héritage européen, celui-ci se trouvait dépourvu d’héritiers.

J’entendais par là que la culture dispensée par l’école, selon ses divers avatars, était plus ou moins subordonnée à la « culture » de divertissement imposée à presque toutes les populations du monde par un système de diffusion mondialisé. Ce système est celui de l’éphémère, alimenté au gré des innovations techniques que l’école s’efforce en vain d’acclimater. Certes, je n’entends pas ainsi me faire le chantre d’une culture « classique » découplée de ses environnements historiques. Ni que je jette l’opprobre sur les productions des développements techniques propres à notre époque. Ceux-ci demandent à être apprivoisés comme l’ont été avant eux d’autres développements (la géographie humaine, les langues modernes, la chimie organique, etc…). Mais le world entertainement a désormais envahi tous les domaines des existences collectives et individuelles. L’obsolescence programmée est devenue la règle, même dans le domaine des idées. Qui ose encore aujourd’hui se servir d’un téléphone portable de plus de cinq ans d’âge ? Qui récuse l’idée que le hip hop et que le « Dakar » font partie de la culture contemporaine ? En fait, il s’agit de patrimoine (on dirait « matrimoine » que cela me conviendrait autant). Sans sombrer dans un obscurantiste passéisme, il me paraît patent que la connaissance du terreau historique dans lequel plongent nos racines est d’une aide indispensable pour comprendre le monde dans lequel nous vivons. Les hommes font l’histoire mais ne savent pas laquelle ils font : ils le sauront quand même un peu mieux si une attention plus soutenue est accordée à ce patrimoine. C’était le rôle assigné à l’école, et qu’elle ne me paraît plus capable de remplir. Elle a parfois, malheureusement, pris la direction inverse. Mais en essayant d’intégrer la culture dominante de masse, elle est toujours une innovation en retard. Quand on ne sait pas d’où l’on vient, on ne sait pas où l’on va.

Les mêmes propos pourraient être tenus au sujet des populations d’immigrés installées chez nous. Elles aussi devraient savoir d’où elles proviennent, culturellement parlant. Si un grand métissage s’annonce, il ne doit pas être confié aux chantres de la culture de masse ou aux thuriféraires d’une tradition souvent détournée de ses véritables fondements. L’école pourra-t-elle, noyautée qu’elle est par différents projets de réforme, répondre à ces défis. Sincèrement et tristement, j’en doute.

Originellement paru dans ML 194

 

 

 

La pensée critique, l’antidote à l’enfumage européen

Jean Lemaître
Journaliste et écrivain, professeur retraité de l’IHECS

Patatras ! Fin 2016, à peine le gouvernement de Charles Michel avait-il bouclé le budget de la Belgique pour 2017 qu’il remettait une sacrée louche pour 2018. Après 3 milliards d’euros de réductions imbuvables, pour 2017, le premier ministre annonçait tout de go, pour 2018, de nouvelles coupes dans les dépenses publiques, à hauteur, cette fois, de 8,1 milliards : une véritable soupe à la grimace ! « Il s’agit de respecter la trajectoire imposée par l’Europe », se justifiait-il, sans autre raison.

Bizarrement, les médias et les politiques n’ont pas trop réagi à l’annonce de ce couperet supplémentaire. La population, déjà groggy après la décision du gouvernement fédéral de sabrer 1 milliard d’euros dans les soins de santé, semblait, elle, KO debout, face à la violence du message.

De fait, pas grand monde n’interroge la cause prétendue: se mettre dans les clous de l’Europe. L’argument, répété à l’envi, ferait presque figure d’évidence, une antienne qui finit par entrer dans les têtes comme une contrainte purement technique, ne laissant pas d’autre
choix que de s’y conformer. Un truisme, inéluctable ? Vraiment ?

Restons sur l’annonce de Charles Michel, et dépiautons-la. Quoi, les 3 milliards de restrictions, pour 2016, n’étaient-ils pas censés, déjà, nous conformer aux normes internationales ? Ne représentaient-ils pas l’ultime sacrifice, en échange du retour à la croissance ? Eh bien non, car si ces promesses étaient tenables, pourquoi diable faudrait-il doubler cette potion si amère pour les classes défavorisées et moyennes frontalement touchées par la cure d’austérité ? Et qu’en sera-t-il pour les années suivantes ? Le médicament soi-disant miraculeux sera-t-il cette fois administré à doses létales ?

Un cercle vicieux et infernal

Force est de constater : le remède a échoué, lamentablement. La croissance annoncée? Le PIB belge, au lieu de se redresser, a baissé de 1,4% en 2015 à 1,3% en 2016. Le déficit budgétaire, calculé au prorata du PIB du pays, a augmenté : 2,6% en 2015 à 2,8% en 2016. Pendant
ce même temps, autre indice clé, la dette cumulée de l’Etat belge (en rapport à son PIB ) a grimpé : de 106,1% à 106,9%. Zéro sur toute la ligne pour ce gouvernement droite-extrême droite !

En réalité, en cherchant à combler les déficits par la compression des dépenses sociales, la modération des salaires, les atteintes aux droits en matière de retraites, l’équipe de Charles Michel a plombé le pouvoir d’achat des citoyens. Or, pas besoin d’être docteur en économie pour rappeler que le principal facteur de croissance puise sa source dans le marché intérieur, c’est-à-dire dans la progression de la demande. C’est l’inverse qui s’est produit, la contraction du pouvoir d’achat. Ce qui entrave l’économie et engendre moins de recettes fiscales et sociales.
Bref, avec cette stratégie, la Belgique n’a pas résorbé les déficits. Elle les a creusés, s’enfermant ainsi dans un cercle vicieux et infernal.  Keynes, reviens, ils sont devenus fous !

L’Europe, une entité quasi religieuse ?

« Se conformer aux règles européennes », tel est l’argument massue. La Belgique n’aurait donc d’autre option… Mais l’Union européenne, c’est quoi ? Qui la commande ? Des sortes d’extraterrestres tirant les ficelles du haut de leurs buildings? L’Europe serait-elle une entité
quasi religieuse, imposant ses thèses, du haut de son ciel ? Des ukases auxquels dès lors on ne pourrait que se soumettre, sans possibilité de réorienter les décisions ?

Une clarification s’impose d’emblée, face à ce rideau de fumée. L’Union européenne est dirigée par les Etats membres – nos gouvernements et nos ministres – détenant le principal pouvoir au sein de cette mécanique institutionnelle. En conséquence, changer le cours des choses n’a rien d’une mission impossible. Il faut, pour cela, d’abord faire pression sur les niveaux locaux, régionaux et surtout nationaux, dans chaque Etat. Et pourtant nos dirigeants se plaisent à se dédouaner – « la faute à Bruxelles » – de leurs propres responsabilités dans ce processus décisionnel, pour mieux brouiller les pistes et désorienter l’électeur.

L’Union européenne, dont le fonctionnement, c’est vrai, est fort complexe, n’est en rien une entité « technique ». Elle est une construction politique. Ce qui implique, telle est l’essence de la démocratie, la contradiction, un contrôle des citoyens de même qu’un vrai débat sur les orientations politiques. A cet égard, s’opposer aux recettes néolibérales actuelles (celle de l’école dite de Chicago) ne constitue nullement une atteinte à l’esprit européen. Il est de bon ton, dans les cénacles technocratiques, d’assimiler la moindre critique à de l’europhobie. Et les mêmes clubs, de pratiquer sans scrupule l’amalgame, plaçant les contestataires dans le même sac : ceux qui, flirtant à l’extrême droite, veulent le retour aux prés-carrés nationaux, et ceux qui, tout au contraire, sont attachés à l’Union mais demandent de celle-ci d’autres stratégies… En Belgique, si vous critiquez le gouvernement Michel, accepteriez-vous d’être taxés d’anti-Belges ? Non, bien sûr !

Une facture en vérité plus du double de celle annoncée

Nous le disions : pour faire bouger les lignes, les politiques et dirigeants nationaux doivent être interpellés en premier. Il y a quelques années, le « Traité européen austéritaire » (officiellement nommé TSCG) avait été ratifié par chacun des 28 Etats membres, et notamment par la Belgique, sans réel débat dans les différentes instances concernées.

Résultat ? Une catastrophe. Car le dogme du retour obsessionnel à l’équilibre budgétaire découle précisément de ce Traité et des normes qu’il impose.

Examinons cela de plus près. En matière de déficit du budget national, la règle des 3% (de déficit en regard du PIB) est souvent avancée, dans les communications officielles, comme l’objectif à atteindre. C’est inexact. Le but – inscrit dans le marbre du TSCG- est 0,5% ; les 3% ne formant qu’une étape, un palier transitoire. La différence n’a rien d’anodin.

Reprenons notre calcul. La Belgique est à 2,8% de déficit. Pour remplir le critère final de 0,5% – selon la même logique discutable de l’austérité à tout crin – cela demande une réduction de 2,3%. Le PIB belge est aujourd’hui estimé à 409,4 milliards. 2,3% de ce montant
représente un total de 9,4 milliards qui s’ajoutent aux 3 milliards de restrictions (budget 2017) et aux 8,1 milliards déjà avoués par le fédéral pour le budget 2018. Un supplément soigneusement dissimulé par nos gouvernants !

Et ce n’est pas le pire… Le TSCG ordonne une remise à niveau de la dette cumulée des Etats, à 60% du PIB national. La Belgique, qui occupe à la cinquième place des résultats les plus médiocres en Europe, plafonne à 106%. Le rythme dicté par la Commission européenne à chaque pays est de baisser les dettes de minimum 15% (5% par année) sur les trois ans à venir. A cet horizon, cela nécessiterait de passer, pour la Belgique, à 91%. Soit une amputation financière équivalente de 9% du PIB, équivalent à 409,4 milliards d’euros. Apocalyptique : cela donne 36,8 milliards pour trois ans de mesures austéritaires, ramenés à 12,2 milliards pour une année.

Conclusion : quand Charles Michel invoque 8,1 milliards de sacrifices pour 2018, il ment effrontément. 8,1 milliards + une tranche des 9,4 milliards (pour ramener le déficit à 0,5%) + 12,2 milliards (réduction pour un an de la dette), cela donne une ardoise de près de 20 milliards
d’euros. Plus du double de ce qui a été communiqué !

Et si la Belgique n’atteignait pas les objectifs du TSCG à temps, que se déroulerait-il ? Elle serait taxée par la Commission (l’exécutif de l’Union européenne) de très lourdes amendes, pouvant atteindre entre 1 et 2% du PIB pour le dépassement du déficit autorisé, et bien plus
pour une réduction insuffisante de la dette.

Une fois de plus, une tromperie

Alors que faire, se résigner ? C’est ce que l’on cherche à nous faire croire, en prétendant qu’il n’y a pas d’alternative. Une fois de plus, mensonges et billevesées !

En premier lieu, il conviendrait d’amender le TSCG, ou mieux de le réécrire totalement : un processus guère facile car il faudrait réunir, pour cela, l’unanimité des Etats membres.

Cependant, à l’intérieur même de ce texte maudit, il existe deux leviers, soigneusement dissimulés par les pontes qui cornaquent l’Union européenne.

Le premier concerne le calendrier pour la résorption des déficits et des dettes. Celui-ci n’est pas inclus dans le Traité austéritaire, il est laissé à l’appréciation de la Commission européenne. Et rien – juridiquement – n’oblige cette dernière à procéder, comme elle le fait actuellement, à marches forcées, au risque réel de casser l’économie et le social. Pourquoi ne pas repousser la ligne d’arrivée à une échéance de 20 ou 30 ans (la durée d’un prêt privé pour un appartement privé) plutôt que d’exiger des résultats à très court terme comme pour l’instant ?

Mission impossible, que d’obtenir cette inflexion de timing ? Nenni ! Le Portugal et l’Espagne, qui sortaient du cadre budgétaire, ont résisté. Au final, ils ont arraché à  a Commission un report salutaire de délais. A cette occasion, le président de l’Exécutif européen, Jean-Claude Juncker, a avoué, pour se justifier des concessions accordées, la montée des révoltes populaires dans ces deux pays. La preuve que les normes résultent de choix politiques (arbitraires?), donc légitimement discutés, et non d’une logique technique à admettre sans ouvrir la bouche.

L’autre levier vise la qualification même des dépenses constitutives de déficit budgétaire. Le TSCG crée deux catégories : les « dépenses structurelles » d’une part, et les « dépenses conjoncturelles » d’autre part ainsi définies dans le TSCG : « Des faits inhabituels indépendants
de la partie contractante concernée » (partie contractante= l’Etat) « et ayant des effets sensibles sur la situation financière des  administrations publiques ou à des périodes de grave récession économique ».

Les dépenses « conjoncturelles » peuvent être exemptées légalement du calcul du déficit. Dans son budget 2017, le gouvernement Michel a d’ailleurs utilisé cette clause du Traité pour « neutraliser » des dépenses extraordinaires assumées dans le cadre de la sécurité, après les attentats du 22 mars. Pourquoi ne pas réclamer que l’ensemble des dépenses publiques (aides aux banques…) engendrées par la longue crise financière née des Etats-Unis ne soit aussi décompté ?

Et si l’on révisait la fiscalité, pour plus de justice ?

Retour sur la phrase de Charles Michel, concernant les 8,1 milliards pour remettre en ordre le budget 2018. Elles prendront, a-t-il dit, nécessairement la forme de réductions de dépenses d’Etat. Pourquoi forcément ?

Il s’agit là d’une nième entourloupe intellectuelle. Car l’équilibre peut aussi être recherché en augmentant les recettes, en oeuvrant en faveur d’une effective égalité fiscale. Et sur ce plan, il y a de la réserve, c’est un euphémisme !

Le député fédéral écolo Gilkinet a établi que les « intérêts notionnels » – cadeaux injustement et inefficacement accordés aux multinationales sur notre sol- s’élèvent à 6,16 milliards d‘euros par an. Qu’attend-on pour supprimer cette prime coûteuse et inique, laquelle, en outre, discrimine les PME premières créatrices d’emplois ?

Les «paradis fiscaux », intra ou extra européens , selon les estimations du Parlement européen, coûtent en moins values fiscales 1000  milliards d’euros, annuellement, aux finances publiques des Etats de l’Union européenne. Alors que les déficits accumulés par ces mêmes
pays frisent les 514 milliards. En d’autres termes, une lutte coordonnée contre ces paradis non seulement permettrait d’effacer l’ensemble des déficits d’Etat, mais aussi de libérer 486 milliards d’argent frais pour investir dans la culture, l’enseignement, la santé, l’emploi des jeunes, l’écologie, la relance de l’économie. Autant de priorités vitales pour les peuples d’Europe !

Le défi est de taille. Il peut être relevé avec succès, à condition –sine qua non – de sortir de la logique religieuse actuelle (où la toute puissance des marchés a remplacé Dieu) et en opposant à l’arrogance des puissants la force du libre examen. Reprenons notre destin européen en mains, en nous inspirant du philosophe Gaston Bachelard . Il disait : « L’avenir n’est pas ce qui va arriver, c’est ce que nous allons faire »

Originellement paru dans ML 193

La démocratie liquide

 Laurent Berger, 
Professeur de littérature française dans l’enseignement secondaire, poète

La tyrannie de l’individu contre les libertés individuelles

Un roi qui a tous les pouvoirs, puis un despote éclairé, et enfin, nous pourrions nous réjouir: un individu libre et souverain. Le maître est mort! Nous sommes libérés! En effet, nous pourrions considérer que nous sommes passés de la tyrannie d’un roi soleil, qui disposait d’un pouvoir absolu de droit de divin, à celle d’un individu parmi les autres, qui est devenu son propre roi et qui impose ses droits particuliers à tous. Les enseignants sont aux premières loges lorsqu’ils observent les enfants rois petits tyrans.

Chaque enfant impose son individualité et sa problématique si bien que l’autorité du professeur se trouve directement remise en cause. Je distingue bien l’autorité de la tyrannie. Cette distinction a été soulignée par Hannah Arendt, qui indiquait que celui qui a autorité est capable d’être l’auteur de quelque chose de nouveau. Ainsi, les caprices particuliers de chacun s’imposent contre toute création possible d’un élan nouveau qui pourrait changer réellement la société. Si bien que notre démocratie se trouve en quelque sorte arrêtée. Dans l’enseignement, les enseignants reçoivent des fiches individuelles leur demandant de s’adapter aux besoins spécifiques d’enfants qui présentent des profils
différents. Cette adaptation devrait être acceptée dans des classes de vingt-six élèves qui auraient chacun leur pathologie de notre époque : autisme, hyper activité… etc

La Boétie nous a enseigné que la servitude était volontaire. Jadis, les individus en tant que tels n’existaient quasiment pas, ils suivaient une institution extérieure telle que l’église, l’armée, la famille, la religion, la communauté. Voltaire, qui avait espéré qu’un despote puisse être éclairé, fut déçu par son ami Frédéric II. Aujourd’hui, plus personne ne peut éclairer personne, parce que chacun a son mot à dire, chacun a sa religion à défendre, chacun est responsable de tout et n’importe quoi. L’individualisme contemporain rend totalement l’individu incertain, instable, qui vit dans une société liquide, de l’immédiat. Une société qui a perdu le goût de l’avenir et qui ne gère plus que le présent. Les industriels sont aussi les nouveaux maîtres qui parviennent à ce que les individus acceptent leurs propres contraintes sous couvert de libertés illimitées. La Renaissance, en Occident, nous a accordé la naissance de l’individu. Progressivement, les libertés individuelles se sont développées. La Révolution française a mis fin à un système absolu
qui jusqu’alors était fondamentalement dominant. Aujourd’hui, les contraintes ne s’imposent plus tellement de l’extérieur, mais bien de l’individu lui-même, qui croit être libre, mais qui en fait ne l’est pas. A l’image de l’usage de la cigarette qui est un mode de consommation basée sur la liberté individuelle (je dispose comme je veux de mon corps). La cigarette est, en effet, un parfait exemple de la situation actuelle de notre démocratie qui s’illustre par le couple: liberté-esclavage. A cette contradiction, s’ajoutent des contraintes qui sont de plus en plus nombreuses, diverses, floues, changeantes. Par conséquent, il n’est pas étonnant que, devant cette flexibilité demandée aux individus, certains d’entre eux, régressent vers d’anciennes croyances, se retournent à nouveau vers des idéologies rassurantes qui mettent en péril notre démocratie.

La fragilisation des classes moyennes

D’où vient le progrès? Emerge-t-il du bas ou du haut? La haute bourgeoisie désire-t-elle vraiment éduquer, émanciper ou désire-t-elle conserver ses privilèges? J’ai souvent entendu prétendre que les classes populaires n’ont pas besoin de lire les grands auteurs et ce, par des gens qui disposaient des classiques dans leur bibliothèque. Ne soyons pas naïfs : l’école obligatoire a simplement permis d’éduquer afin de satisfaire les intérêts des industriels qui avaient besoin de main d’oeuvre. L’enseignement par les « compétences » est un leurre humaniste qui a pour objectif principal de placer les jeunes sur le marché de l’emploi. Seule, une minorité éclairée de la classe moyenne bourgeoise a aspiré à un
progrès social pour tous. Les premiers libéraux et socialistes de notre démocratie se sont entendus afin de défendre l’émancipation de tous. Mais cette classe est actuellement fragilisée pour des raisons économiques, elle pourrait même tendre à disparaître. L’écart entre le bas et le haut se creuse nettement, la distance se renforce. Dès lors,  l’émancipation qui proviendrait de cette classe moyenne vers les classes dites défavorisées s’estompe. D’une part, parce qu’une partie de cette classe aspire de plus en plus vers le haut en privilégiant un mode de vie basée sur la consommation et sur la dépendance à la suprématie de la technique qui met la science à son service et parce que l’autre partie
de la même classe tente de survivre en sauvegardant ses acquis sociaux. Ainsi, la classe moyenne n’a plus tellement le souci de l’émancipation des classes encore plus défavorisées qu’elle. Je me souviens de mes deux instituteurs qui avaient pu acheter un bien immobilier et qui avaient chacun leur voiture. Je me demande si cette opportunité économique serait encore possible pour eux en 2016.

Démocratie liquide

Les pratiques démocratiques solides sont en voie de disparition. Ce n’est pas un hasard si des individus s’attaquent avec violence aux symboles. L’exemple de l’assassinat d’une députée anglaise pro-européenne signale cette affirmation de la violence contre le dialogue, contre l’échange des idées et l’argumentation. Les enseignants observent chez certains jeunes une opacité à l’argumentation, ceux-ci confondent la croyance et la conviction. La croyance appartient à la pensée magique et la conviction appartient à la pensée rationnelle. Le relativisme culturel excessif sous l’apparence d’une tolérance liquide cache la domination des croyances individuelles qui sont entrées dans l’esprit marchand que
nous pouvons observer dans la love-langue commerciale. Toutes les croyances sont devenues respectables, similaires. La démocratie nage dans le politiquement correct et dans le tout se vaut. La terre est plate vaut bien la terre est ronde, au nom de la lutte contre toutes les discriminations possibles. J’ai souvent écrit que je préfère une société qui est interculturelle à une société multiculturelle médiatisée et gérée par les particularismes identitaires. La perspective universelle de la démocratie ou de la République sociale est une utopie qui n’est plus désirée. La logique du communautarisme séduit les défenseurs d’un vivre ensemble improbable qui sont en observation d’un laboratoire où les gens ne
font plus que vivre les uns à côté des autres, alors que la démocratie présente des exigences nettement plus courageuses comme celle d’agir ensemble pour construire une société meilleure. La pratique de l’interculturalité permet d’étudier ce qui existe de commun entre les hommes afin d’organiser les liens sociaux. En tant que socialiste libertaire, je défends ce point de vue. Mais je dois bien constater qu’il existe une réelle fracture à gauche entre les militants qui se bornent à défendre le droit à la différence, les droits des minorités pour en arriver à défendre le droit de quelques individus qui veulent imposer leur propre mode de vie à la majorité et les intellectuels de moins en moins nombreux qui espèrent encore trouver une part d’universalité dans ce qui fait sens en notre humanité.

Originellement paru dans ML 192

La démocratie est mal partie

 Merry Hermanus

« Là où il n’y a pas de conflits visibles, il n’y a pas de démocratie ! » (Montesquieu). François Mauriac écrivait dans son célèbre « bloc-notes » : « en politique tout va toujours mal »; en le paraphrasant, je dirais qu’en démocratie tout va toujours mal… le problème c’est qu’on ne le comprend pas ! En fait, quoi de plus normal dans un système démocratique que de contester les politiques menées, les uns sont pour, les autres sont contre, ceux qui restent sont contre tout ce qui est pour ! A mes yeux, rien de plus sain, rien de plus normal que ces contestations, même si souvent la mauvaise foi est l’ingrédient majeur de l’étrange mayonnaise politique.

Mais sait-on de quoi on parle quand on évoque la démocratie ? Je ne ferai pas injure aux lecteurs en rappelant la formule de ce bon vieux Winston ; bien plus représentative de la démocratie est sa glorieuse défaite aux élections de 1945 où il est, lui le dernier des lions, remplacé par Clément Attlee, dont le féroce fumeur de cigare disait « une voiture vide s’arrête devant le 10 Downing street, Attlee en descend. » Plus de deux millénaires plus tôt Périclès affirmait lui aussi qu’Athènes était une démocratie, il n’oubliait « que » les femmes consignées dans le gynécée dont elles ne sortiront en Belgique qu’en 1948, et les esclaves qui n’étaient que des « choses qui parlent ». Il y a donc un monde entre la démocratie formelle et la démocratie réelle telle qu’elle existe aujourd’hui. La démocratie en tant que système politique ne peut se réduire aux droits électoraux et au fonctionnement du parlementarisme. Il s’agit d’un ensemble beaucoup plus vaste, de pouvoirs et surtout de contre-pouvoirs, d’acteurs sociaux, de groupes d’opinions, ces éléments étant cimentés par des valeurs communes, là est l’essentiel. On l’oublie trop souvent, la démocratie n’est pas seulement la loi de la majorité, elle est avant tout la protection de la minorité !

Le Progrès et l’Avenir après Auschwitz.

Après la deuxième guerre mondiale, c’est ce système qui a été mis en place en Europe occidentale, constituant enfin une démocratie, certes imparfaite, mais permettant aux citoyens de disposer de droits et de protections jamais obtenues jusqu’alors. Liberté politique, liberté religieuse, liberté d’entreprendre, protections sociales étendues, accès à l’enseignement pour tous… la liste est longue ! Or, depuis une trentaine d’années ce système est en grand danger. Nos démocraties sont prises en étau, elles sont phagocytées d’une part par la mondialisation, la désindustrialisation, la financiarisation de l’économie, le chômage de masse et d’autre part remises en cause par ceux qui, ayant abandonné l’espoir d’un quelconque messianisme politique, exigent le retour à une religion moyenâgeuse. Je pense avec l’historienne Mona Ozouf que notre civilisation a perdu deux notions constitutives de ses valeurs, deux axes sans lesquelles notre système ne peut subsister, à savoir l’Avenir et le Progrès. Il est vrai qu’après Auschwitz, il fut difficile d’envisager ces concepts essentiels comme le faisaient naïvement les positivistes du XIXème siècle. Quand Victor Hugo écrivait « quand on ouvre une école, on ferme une prison », il ne pouvait imaginer que le peuple dont l’humanité entière encensait les philosophes allait mettre en oeuvre la solution finale. A cette première perte de confiance dans l’avenir s’est ajouté un discours eschatologique constitué de peurs millénaristes, de méfiance à l’égard du progrès, de doute sur le rôle de l’homme sur notre planète… le tout débouchant vers un très fructueux business de la peur. Un éphémère candidat écolo à la présidence de la république française proposa benoîtement de taxer le deuxième enfant des familles, jamais on avait été plus clair quant à la méfiance envers l’avenir, envers l’homme. Quant au sympathique René Dumont, lui aussi candidat à la présidentielle de… 1974, il buvait un verre d’eau à la télévision, expliquant que ce geste si simple ne pourrait plus être fait dans vingt ans ! Curieux qu’on ne rappelle jamais cette fausse prévision apocalyptique. Normal, elle n’est pas politiquement correcte, ne cadre pas avec la bien-pensance !

En 1991, le rêve communiste, qui depuis des lustres n’était plus qu’un atroce cauchemar, s’effondrait victime de ses mensonges, de son incapacité de donner un avenir aux peuples qui lui étaient, pour leur plus grand malheur, soumis. Certains, n’hésitant pas à écrire que l’humanité était arrivée à la fin de l’histoire, prédiction aussi étonnante que stupide. Nous rentrions dans une autre histoire, voilà tout ! « Nous allions être condamnés à vivre dans le monde où nous vivons » comme l’écrit si justement François Furet dans son mémorable « Passé d’une illusion. » Pourtant beaucoup de ceux qui alors avaient perdu leurs certitudes, conservaient au creux de leur coeur de stimulantes illusions… Ne faut-il pas mieux en avoir plutôt que de sombrer dans l’absolue, stérile, morbide désespérance !

Confrontés à la déconfiture économique, à une courbe du chômage toujours ascendante, (1973, nonante-quatre mille chômeurs complets pour plus de cinq cent mille aujourd’hui) certains sont tentés de quitter les rives rassurantes des démocraties pour oser… autre chose. Philippe Moureaux, ministre d’état, caïd du PS bruxellois et fédéral, lançant il y a peu un groupe de réflexion n’hésita pas à se référer à Alain Badiou, philosophe de quatre-vingts ans, dernier thuriféraire de Mao, remettant en cause la démocratie telle que nous la connaissons. Inquiétant et symptomatique des errances d’une certaine gauche abandonnant le rouge pour le brun ; je ne peux m’empêcher de penser à propos du promoteur de ce groupe de réflexion à la phrase d’Arthur Koestler qui me semble particulièrement appropriée quand il dit : « le désir de faire de la politique est habituellement le signe d’une sorte de désordre de la personnalité et ce sont ceux qui ambitionnent le plus ardemment le pouvoir qui devraient en être le plus soigneusement à l’écart. » Populisme, démocratie d’opinion… démocratie d’émotion… démocratie d’illusion !

A l’autre bout du spectre a surgi un adversaire, de loin plus redoutable que les pathétiques enfants perdus du gauchisme, « maladie infantile du communisme » écrivait déjà ce « grand démocrate » Lénine. Je veux parler du populisme. Au pouvoir en Hongrie, en Pologne, aux portes des palais nationaux en Autriche, en France, présent dans le discours du candidat Trump, pire encore dans ceux de Nigel Farage et Boris Johnson qui, lors de la campagne du Brexit, n’hésitera pas à proclamer qu’en votant pour le retrait de la Grande-Bretagne de l’UE « les Anglaises auraient de plus gros seins et leurs maris pourraient s’acheter une plus grosse BMW. » Enorme mais vrai ! Oserais-je supposer que c’est à Eton ou à Oxford qu’une argumentation de cette qualité lui a été inculquée ? Le populisme, nouvelle formulation de ce vieux poujadisme, qui permit à Le Pen de se voir le plus jeune élu de la République dans les années cinquante, a donc refait, avec succès, sa réapparition. Le populisme, c’est votre chauffeur de taxi qui vocifère à propos de tout, satisfait de rien, qui trouve que tout va mal, que le temps est mauvais, que le prix des tomates est trop élevé, que les voiries sont mal entretenues, que les clients ne laissent pas de pourboire, tout… n’importe quoi ! Récriminations sur tout ! On reconnaît le vocabulaire de Trump ou de Beppe Grillo dont le parti dirige depuis quelques semaines deux grandes villes italiennes. De fait, comme l’écrivit récemment un politologue de l’ULB « nos vieilles démocraties craquent de partout. » Le pacte rousseauiste est ignoré par les uns, remis en question par les autres. Ici ou là, on évoque un parlement qui serait tiré au sort ou dont certains en seraient. On connaît déjà depuis longtemps les ASBL dont les membres, sans aucune légitimité démocratique élective, se sont auto instituées « pouvoir de contrôle de la démocratie » mais dont personne ne juge de la composition ; seule chose importante pour elles, obtenir des subsides permettant de faire vivre l’institution ainsi créée et, avec l’argent du contribuable, sans la moindre base légale, contester à
tout va les projets ou les réalisations des autorités publiques dûment élues.

Le rêve d’un roi

Je ne peux m’empêcher de me souvenir que l’un des grands rêves du Roi Baudouin Ier était de mettre sur pied un gouvernement de techniciens, ou de « douze hommes en colère » libéré du « boulet » parlementaire. Il ne manquait pas de suriner ce projet à ses visiteurs pendant quinze ans, certains l’écoutant d’une oreille intéressée, frappés sans doute du syndrome « De Man » qui en 1940, président du POB (ancêtre du PS), vira brutalement sa cuti, se lança tout de go dans la mise sur pied d’un régime fort, bien dans l’esprit du temps, tel que le souhaitait Léopold III… On sait comment l’entreprise se solda !

Le trône branla, la République pointa timidement le bout de son nez. On entend aussi parler de la suppression de ce qu’on appelle pudiquement les corps intermédiaires, qui bloqueraient les réformes empêchant notre société d’évoluer vers plus de compétitivité ! Bien voyons ! Mais c’est bien sûr ! Supprimons les syndicats, les organismes sociaux, replongeons avec délice (pas pour tous) dans un Etat du XIXème siècle, où l’accumulation primitive des richesses se pratique sans entrave, revenons à la politique du « renard libre dans le poulailler libre ». Réapparaît avec la vague populiste l’idée du référendum, le peuple le vrai, celui que Degrelle appelait « le pays réel » aurait ainsi voix au chapitre, il pourrait s’exprimer. Etonnant oubli de l’histoire, le référendum a toujours été une forme de plébiscite ; c’est le premier choix des dictatures, l’illusion jetée en épais brouillard aux yeux des citoyens pour leur faire croire qu’ils décident… enfin ! Rien de plus faux ! Le référendum, c’est l’émotion avant la raison, c’est l’exacerbation d’un présent mal compris, c’est un rugissement de colère qui masque une impuissance bien réelle, qui précède la captation du pouvoir par celui qui aura posé la question. Ainsi, si le sujet n’était pas aussi dramatique, on éclaterait de rire à la lecture de la question qui sera posé en octobre aux Hongrois sur l’immigration… impossible de répondre négativement à ce que souhaite Orban. Le récent référendum sur le Brexit démontre bien quelles ambiguïtés recèle cette pratique, de fait contraire à la démocratie. On objectera, on le fait toujours, l’exemple Suisse. Un leurre de plus, la Suisse compte vingt-six cantons dont certains ne sont habités que par quelques milliers d’habitants… et puis souvenons-nous que dans certains de ces sympathiques, fleuris et si propres cantons, les femmes, par référendum se sont vu refuser le droit de vote jusqu’il y a peu ! Dans le dernier des cantons, les femmes attendront 1990 pour pouvoir voter ! Les femmes turques votaient depuis 1923 !

Allemagne 1933 – Europe aujourd’hui !

N’en doutons pas, les mêmes causes produisent les mêmes effets, le chômage de masse, la perte de confiance dans l’avenir, la décrédibilisation du personnel politique, c’est Weimar 1933 ; cela pourrait être partout en Europe dans un futur proche. Sur cette toile de fond peu réjouissante, s’est ajoutée depuis une vingtaine d’années la mise en cause directe, brutale, sanglante des valeurs de notre civilisation. Le monde Arabe, longtemps humilié par une colonisation brutale, ayant quitté l’espérance communiste, ayant subi les dictatures nationalistes peintes aux couleurs d’un socialisme baasiste monstrueux, se lance à corps perdu dans une immersion religieuse moyenâgeuse, tournant le dos, non seulement à la modernité mais aussi aux apports fondamentaux de l’immense, prestigieuse civilisation musulmane. Mettant en cause globalement les valeurs de l’Occident, ces obscurantistes ont déclaré une guerre à tout ce qui ne se soumet pas à leur vision du monde. Ceux qui, pendant des années ont nié ce phénomène, ont nié le remplacement de la population de certains quartiers des villes européennes, ont nié le choc de civilisations qu’Huntington avait déjà conceptualisé dans les années nonante, ceux-là ont refusé de voir le réel, ce que Prévert appelle « les terrifiants pépins du réel. » Il est vrai qu’on perçoit moins bien le remplacement de la population à Woluwe-Saint-Pierre ou à Lasnes. Il en est cependant qui, marqués par une culpabilité postcoloniale, alliée à une haine de soi, sont prêts à se soumettre… de compromis en compromissions liquident une à une nos valeurs fondamentales… « La laïcité, à quoi bon en parler, elle n’existe pas vraiment en Belgique, elle ne figure pas dans la Constitution, l’égalité homme/femme… à quoi bon la mettre en avant alors même que des disparités économiques existent encore même en Belgique… le voile dans les services publics… mais pourquoi pas, chacun doit pouvoir exprimer librement sa foi, n’y a-t-il pas des femmes qui portent au cou une petite croix ! » Fil après fil, c’est la trame des valeurs, de nos valeurs conquises après des siècles de luttes contre l’obscurantisme, qui se déchire. Cela avec le consentement complice de ceux qui ne voient apparemment aucun inconvénient à faire d’un élu un Vice–Président du Parlement bruxellois alors qu’il participa à Anvers à une manifestation dont l’un des slogans était « les juifs dans le gaz »… vous avez dit Valeurs ! Voilà un exemple qui mieux qu’un long discours permet de comprendre pourquoi notre civilisation a perdu confiance en elle-même, en ses valeurs, voilà pourquoi le discours culpabilisant est aujourd’hui dominant.

Défendre… enfin nos valeurs.

La pire des choses, c’est la démocratie veule, celle de Munich qui trahit les démocraties, celle qui, par lâcheté, laisse crever la République espagnole de 1936… On sait le prix qu’il a fallu payer pour réparer ces dramatiques erreurs. L’histoire le démontre tragiquement, la démocratie molle est le chewing-gum de la dictature, elle la mâche, feint d’y prendre goût, mais le sucre ayant disparu, elle le crache au mieux dans le caniveau… ou elle le colle… sous un pupitre du Parlement bruxellois. Nous ne disposons pas de trente-six solutions. La seule qui vaille trouve son fondement dans une foi intransigeante en nos valeurs, dans la défense absolue des Droits de l’Homme et du citoyen, dans le refus catégorique de toute révision de ces droits, dans le respect d’une absolue égalité Homme/Femme, dans le respect de la laïcité. Notre démocratie doit être défendue parce qu’elle seule nous offre des droits, des libertés n’existant nulle part ailleurs… que certains, par bassesses électoralistes, sont prêts à brader. Rappelons-nous que dans les années trente, la France, la Belgique, la Grande-Bretagne, les pays scandinaves ont résisté victorieusement à la vague fasciste. Si Degrelle avait 21 élus en 1936, il lui en restait 2 en 1939 ! Il s’agit aujourd’hui de résister comme Londres l’a fait en septembre 1940 sous les bombes allemandes, recourir à la résilience, sans jamais rien céder de nos libertés, sans rien admettre de ceux qui veulent transformer notre société, liquider nos valeurs… Et surtout, surtout, car là est notre avenir, grâce à un enseignement revalorisé tant au plan de ses moyens budgétaires, qu’au niveau de la rémunération des maîtres, permettre aux enfants d’aujourd’hui, citoyens de demain, de jeter sur le monde un regard instruit ! Ce sont ces regards instruits qui constitueront le rempart de la démocratie, le rempart de nos valeurs.

La vérité ! Ma vérité ! ce n’est rien de fixe, d’arrêté, de trop sûr de soi. Ce n’est que quelque chose qu’on cherche. Ce n’est qu’un grand chemin sur lequel marchent tous les hommes, d’un pas plus ou moins vif, plus ou moins alerte, plus ou moins sûr, mais c’est pour tous le même chemin depuis que l’homme est l’homme, à la conquête d’une petite lumière qui, soudain, l’éclairerait et résoudrait son destin. Ceux qui voient le plus clair marchent le mieux et sont les plus libres

C’est du moins ce que je crois. Nous ne faisons, pour la plupart, que les suivre. Ce que nous appelons notre vérité est fait de quelques rares choses que nous savons, mais d’un bien plus grand nombre que nous croyons seulement, et nous avons tout lieu d’être très humbles et sans arrogance. Le difficile est de garder courage dans ces incertitudes. Beaucoup se fatiguent sur le chemin et finissent par s’en remettre à des fables qui les consolent et leur paraissent tout arranger. C’est d’autant de perdu pour la recherche de la vérité. La mort est au bout pour tout le monde, il est vrai, et il peut sembler qu’il importe guère comment on a vécu, de quelle vaniteuse foi ou de quelle fantaisie on s’est contenté pour vivre et mourir plus tranquille, mais la mesure de notre dignité est sûrement de vouloir vivre dans la clarté, même si notre lucidité ne nous aide pas. Il faut accepter de penser que la vérité peut être triste, mais pour agir et travailler, et la rendre moins triste, croire, quoi qu’il en soit, que les lumières s’ajoutent aux lumières. Là est la grandeur de la vie, et la mort peut n’être qu’un gouffre de clarté où l’on finit par tomber.

Jean Guéhenno – Carnet du Vieil Ecrivain

Originellement paru dans ML 192

La mondialisation et nos défis

Benoît Vandermeerchen

« Résistez à beaucoup, obéissez peu »

(Walt Withman)

« L’avenir nous tourmente, le passé nous retient, peut-être est-ce pour cela que le présent nous échappe»  a écrit en son temps Flaubert.

Mais, en cette période de mondialisation pour le moins troublée, le constat demeure d’une cruelle actualité.

Car, aujourd’hui, plus que jamais, nous vivons dans un monde sans repères.  Eclaté. Pour lequel l’une ou l’autre boussole serait sans nul doute nécessaire.

Un monde où, loin des valeurs universelles prônées par notre laïcité, les seuls choix à faire qui semblent nous être proposés seraient soit une société de consommateurs béats soit un repli aveugle vers les premiers fous de Dieu venus.

Résister ?

Remettre en cause cette situation est complexe car très peu est fait pour que nous en prenions conscience. Ce sentiment d’impuissance est d’autant plus prégnant que la multiplicité et l’éloignement des lieux de décision augmentent la difficulté à interpeller, à se sentir acteur de la gestion de la cité et véritable participant aux grands choix sociétaux.

Et on peut ajouter à ce constat le fait que nous baignons dans un contexte d’immédiateté, de zapping permanent, qui ne favorise guère l’usage de la raison mais, bien au contraire, la manipulation des émotions.

Comme si, dans la relation des faits, une confusion savamment entretenue entre jugement moral et analyse intellectuelle venait polluer tout débat sur les questions internationales et, de ce fait, le rendait impossible.

Dès lors, inévitablement, « les visions manichéennes, ces fruits avariés de la morale prennent une place croissante »[1] ce qui nous donne cette tendance à une « Disneylisation des relations internationales »[2] où, comme dans un épisode de « Star Wars »  ou un discours de G.W. Bush, la lecture politique ne peut plus  se décliner qu’entre un camp du « bien » et un camp du « mal ».

Dans ce cadre, trois grands défis s’offrent à la laïcité si, d’aventure, elle veut pleinement jouer son rôle.

Bulldozer économique …

Dans les rapports économiques Nord-Sud tout d’abord, tout reste encore placé en 2015 sous le signe de la domination, d’une dynamique profondément inégalitaire.

Et, généralement,  à partir du moment où on dispose d’un pouvoir, on tente de le garder. Tout est donc accompli en conséquence et le véritable danger est surtout que « le système est pour lui d’abord un donné qui a toute l’évidence et l’inertie du déjà là, du toujours ainsi »[3]. « Une description naturelle  du monde, comme allant de soi (…) Les marchés décrètent l’ordre mondial, ils disent en quelque sorte le Bien et le Mal, et les Etats s’y plient sans sourciller »[4].

There is no alternative, TINA. Voilà ce qui est martelé par bon nombre de responsables politiques et économiques depuis, dit-on, Margaret Thatcher.

Mais notre laïcité nous pousse à toujours écarter toute solution facile d’engagement doctrinal (quelle que soit la forme de ce dernier). Et à démonter cette logique décrite par un ancien président de la République française à l’époque où il était encore opposant[5],  « colossale puissance des maîtres de cette société qui façonnent à la fois les désirs, les besoins, les rêves et leur assouvissement, qui forgent à la fois l’esclave, ses chaînes et l’amour de l’esclave pour ses chaînes. »[6]

Or, qui pourrait se satisfaire d’un monde figé de toute éternité et d’avoir quasiment un regard de croyant pour lequel toute crise du système serait tout au plus une bévue ou une dérive passagère mais qui, jamais, ne remettrait en cause le système lui-même.

Notre responsabilité est là car, à bien y réfléchir, « le veau d’or ne devient une idole que si les tribus acceptent de se prosterner devant lui »[7]  …

Si on accepte la logique selon laquelle il n’y aurait pas d’alternative, le risque est grand que nous en arrivions à baisser les bras. Comme dans cette jubilatoire parodie d’un congrès fictif du patronat écrite par Paul Lafargue en 1887 dans laquelle il invente un dialogue absurde avec un salarié décrivant le « catéchisme des travailleurs » : «

–              Quelle est ta religion ?

–              La religion du Capital

–              Quels devoirs t’impose la religion du capital ?

–              Deux devoirs principaux : le devoir de renonciation et le devoir de travail »[8]

Devoir de renonciation.  Insupportable pour nous qui voulons œuvrer au progrès de l’humanité.

Dès lors, au-delà des choix à opérer entre les différentes visions que l’on peut avoir de la nature humaine, à nous de tout mettre en œuvre pour rester maîtres de notre destin. D’éviter de voir disparaître cette idée subversive : prendre le contrôle de sa propre vie.

Gouvernance par la peur

Ensuite, de la mondialisation qui s’impose insensiblement à nous, ressort très fort aussi l’imprégnation de la guerre, de l’ébranlement des consciences et d’un destin hasardeux.

Avec les risques que cela suppose dont celui de sacrifier, par manque de jugeote ou de sens de l’intérêt général, ses propres valeurs.

Et aujourd’hui, même dans les démocraties, la frontière entre crispations autoritaires et dérives totalitaires n’est jamais totalement étanche[9].  Pire, la voie vers les discours simplistes, le populisme et la recherche de boucs émissaires est toute tracée. On joue sur les peurs. On les crée. On les instrumentalise.

A titre d’exemple, la dénonciation du terrorisme se transforme de plus en plus en interdiction de réfléchir à ses causes sous peine de passer pour complices objectifs du terrorisme ou pour doux rêveurs.

Ne nous méprenons pas : bien sûr, il faut lutter contre le terrorisme, la violence aveugle, le meurtre, les destructions de biens, …

Cependant, au nom de cet impératif martelé, des Etats ont mis, et mettent encore, en place des procédures judiciaires d’exception pour juger les individus présumés terroristes. Les suspects sont privés du droit à une défense appropriée, les preuves à charge restent secrètes, les jugements sont prononcés par des tribunaux d’exception dont le fonctionnement et la composition portent atteinte aux principes élémentaires d’impartialité. En outre, un arsenal policier touchant l’ensemble des citoyens, en ce compris les personnes qui ne sont pas soupçonnées de faits de terrorisme, se développe dans la précipitation, notamment par l’utilisation de moyens portant atteinte à la vie privée.

Trop souvent, les Etats dans le monde profitent du fait terroriste pour se doter d’un arsenal juridique large leur permettant en fait de réprimer toute forme de contestation politique. Ils sont aidés en cela par le caractère sciemment vague de la définition du terrorisme, qui permet de criminaliser certains mouvements sociaux.

Et, à l’analyse, on peut se demander si, pour certains orphelins de la guerre froide, il ne s’agit pas avant tout de dénoncer l’essor d’un nouvel adversaire qui serait à même de justifier l’augmentation des dépenses militaires.

Retour des religions

Enfin, dans ce monde multipolaire, sans nier la volonté de certains d’exercer une « convictionnalité critique », il convient aussi d’exercer la plus grande vigilance par rapport aux « appareils » religieux dont les tentatives d’immixtions dans la sphère publique sont encore et toujours innombrables  et  tentent d’imposer leur vision de la société à tous.

Vivre ses convictions, ce qui est et reste un droit fondamental,  n’implique pas qu’elles deviennent la norme pour tous !

A nous de bien faire comprendre à tous que la laïcité est en réalité l’avenir de ces religions qui n’ont eu de cesse de s’entredéchirer depuis des siècles. A cet égard, arrêtons donc de créer, du niveau local jusqu’à l’Europe,  des groupes interconvictionnels qui finissent par voler à l’Etat ses prérogatives et par relégitimer tous les appareils cléricaux ….

Au-delà de ces balises

« Ce qui est utopiste, c’est de croire qu’on peut continuer sur le chemin qu’on a emprunté jusqu’à présent sans dommage considérable. Le réalisme aujourd’hui, c’est de changer radicalement le cours de la société. » [10]

Dans cette mutation, notre laïcité doit assumer sa place. Elle doit permettre de penser le monde dans sa totalité plutôt que de le réduire à des identités assignées, à des places déterminées, à des origines immuables ou des communautés fermées sur elles-mêmes.

Plutôt que de construire des murs en pagaille, en nous emprisonnant nous-mêmes, nous avons, nous, à jeter des ponts.

 

[1] Pascal Boniface.

[2] Pascal Boniface.

[3] Alain Accardo.

[4]Michel et Monique Pinçon.

[5]Définitivement, je le préférais à cette époque …

[6] François Mitterrand.

[7]Michel et Monique Pinçon.

[8]Paul Lafargue.

[9]Et ce d’autant plus quand, comme en Belgique, on confie des missions régaliennes aussi essentielles que la police (mais aussi l’armée et les élections !) à de bien compréhensifs nostalgiques de la collaboration …

[10]Olivier Deschutter, ancien Rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation.

Originellement paru dans ML 190

ML 190

Globalisation et marchandisation des parties du corps

Firouzeh Nahavandi

Depuis le début des années 1980, la globalisation est devenue la toile de fond de beaucoup d’analyses et elle est présentée comme un événement majeur, processus inexorable et irréversible. Dans sa version économique courante, le terme fait référence à un phénomène complexe, de nature multidimensionnelle, parfois contradictoire, manifestant la diffusion planétaire des modes de production et de consommation capitalistes. Selon le Fonds monétaire international, la globalisation est un processus qui évoque l’intégration croissante des économies dans le monde entier, au moyen surtout des courants d’échanges et des flux financiers. La globalisation se réfère aussi à la multiplicité des relations existant entre les États et les sociétés qui constituent l’actuel système mondial ou encore à l’intensification des relations sociales à travers le monde. La globalisation serait donc le processus par lequel les habitants du monde sont incorporés dans une même société mondiale. Elle entraînerait une reconfiguration de l’espace social liée aux modes de connaissance, de production, de gouvernement, de construction d’identité et à la manière dont les hommes conçoivent leur relation à la nature.

La globalisation peut aider à construire un monde meilleur; elle a déjà favorisé la création d’opportunités pour certaines personnes et certains groupes ou pays. Ainsi, l’économie de marché a permis la multiplication des transactions dans le cadre de la liberté individuelle. Les progrès de la science et de la technologie ont permis le traitement de parties du corps d’une façon jamais imaginée auparavant. Internet a favorisé un véritable marché mondial, créé de nouveaux marchés, et élargi les possibilités du consommateur. La révolution des transports a permis un accès rapide vers de nombreuses destinations.

Cependant, la globalisation a également créé de nouvelles vulnérabilités, comme l’illustre le Rapport 2014 du Programme des Nations Unies sur le développement intitulé Pérenniser le progrès humain : réduire les vulnérabilités et renforcer la résilience. Par ailleurs, l’ordre économique actuel, généralisé et étendu partout dans le monde, a eu également comme corolaire des inégalités croissantes et le renforcement des disparités entre les pays et à l’intérieur des pays. La gamme des choix offerts à certains augmente, alors qu’elle diminue pour d’autres; en particulier, au niveau de l’accès aux systèmes de santé, d’éducation et à la création d’emplois. La globalisation n’a pas effacé les injustices sociales. En outre, nous vivons aujourd’hui dans un monde, où à l’échelle du globe, presque tout peut être négocié ou est considéré comme négociable, un monde où la liberté est interprétée comme la possibilité de faire marché de tout. Dans un tel environnement, tout a un prix. C’est ainsi que comme toute marchandise, les parties du corps ont intégré le marché mondial, légalement ou illégalement. Elles sont convoitées, négociées, vendues et achetées, même si toutes les transactions n’entraînent pas les mêmes conséquences. Ce phénomène est aujourd’hui appelé ‘marchandisation du vivant’.

Dans le passé, les parties du corps humain ont aussi été utilisées ou marchandisées. De l’absorption de la chair humaine (cannibalisme) à l’utilisation religieuse des corps dans les cérémonies de sacrifice en passant par le traitement pharmacologique et médical, les exemples abondent. Toutes les civilisations ont eu recours, d’une manière ou d’une autre, à l’utilisation de parties du corps humain. Par conséquent, l’utilisation de ces dernières n’est pas un phénomène nouveau tout comme la marchandisation en elle même, comme en témoignent des faits historiques bien connus tels que l’esclavage ou la colonisation. Néanmoins, aujourd’hui, la marchandisation des parties du corps humain a pris une dimension sans précédent et est même devenue une question explosive, dans la mesure où les spécialistes ne s’accordent pas sur ce qui peut être considéré comme marchandisation ou même sur ce qui constitue un corps ou ses parties.

Quoi qu’il en soit, la marchandisation des parties du corps humain, outre toutes les dimensions qu’elle implique, reflète aussi une dimension supplémentaire de l’inégalité dans les relations transnationales, illustrée par la croissance de nouveaux phénomènes induits, entre autres, par la conjonction de la pauvreté et des inégalités et des progrès de la science, de l’augmentation de la connectivité, et d’un modèle économique axé sur le marché. Dans le cadre de la globalisation actuelle, à travers la marchandisation des parties du corps, de nouvelles procédures incluent les pays en développement et certains de leurs citoyens dans de nouvelles transactions transnationales. Les individus les plus pauvres et marginalisés sont intégrés dans le marché par la vente des parties de leur corps. La vente d’organes comme les reins ou la location des ventres pour la gestation pour autrui sont des exemples courants de ce phénomène. Même si ce phénomène touche aussi les pays riches, son étendue et ses implications sont nettement plus importantes dans les pays du Sud.

La gestation pour autrui, un arrangement par lequel une femme accepte de porter un bébé pour une partie souvent contractante, reflète la banalisation d’une réalité à travers laquelle des femmes pauvres donnent naissance pour des individus généralement riches ou à tout le moins dont les possibilités financières sont incomparables à celles de la gestatrice. De nos jours, le recours à des corps de femmes du Sud est devenu normalisé, de même que les services et les voyages de reproduction transnationale.

Vaincre l’infertilité est l’un des véritables progrès de la biomédecine moderne. Cependant, il ne profite pas à tous. En outre, la gestation pour autrui, surtout dans sa forme transnationale, met en évidence de nombreuses questions, y compris des questions fondamentales sur la santé et la situation mentale des femmes impliquées, sur les intérêts de l’enfant, sur ce qui constitue une famille, qui est considéré comme un parent légal, qui est admissible à la citoyenneté… La gestation pour autrui est devenue un marché fondé sur une demande croissante alimentée par l’augmentation des informations, la publicité sur l’infertilité et les possibilités de la surmonter, la réalité de la science de la reproduction, et les nouvelles façons dont les individus perçoivent leur place et leur rôle en tant que parents. Elle est favorisée par la globalisation qui permet la circulation des personnes, des idées et de la technologie. Ainsi, de plus en plus d’hommes, de femmes et de couples ont commencé à voyager, surtout vers les pays en développement. L’Inde et la Thaïlande ont généralement été favorisées, dans la mesure où elles combinent la possession d’une technologie avancée et des médecins qualifiés et l’existence de poches de pauvreté, qui encouragent les femmes à louer leur utérus à de riches étrangers ou aux riches locaux. Toutefois, le nombre de pays fournisseurs augmente. En conséquence de la demande croissante, de nombreuses femmes pauvres ont trouvé leur place sur le marché mondial. Pour certaines, la gestation pour autrui est devenue une sorte de profession.

En ce qui concerne la transplantation du rein par l’achat, le phénomène s’étend. Même si cette transaction est interdite dans la majorité des pays, le progrès de la technologie, la commercialisation des soins de santé et la polarisation croissante entre riches et pauvres, ont créé les conditions d’un commerce illégal d’organes humains. Beaucoup de malades rebutés par les listes d’attente, ou ne remplissant pas les conditions pour être admissibles à une greffe de rein se tournent vers le marché global. Ce phénomène se développe d’autant plus que certaines maladies comme le diabète augmente et que le nombre de donneurs vivants ne répond plus à la demande croissante ou même que certains donneurs compatibles ne voient plus la nécessité de donner leur rein si l’organe peut être acheté ou encore que certains malades ne veulent pas impliquer leurs proches dès lors qu’ils peuvent se procurer le rein d’un étranger.

Du côté des vendeurs, ce commerce raconte des histoires de pauvreté et de désespoir, et illustre les inégalités derrière les transactions. Dans le monde entier, les réformes néolibérales dans le secteur de la santé ont ouvert les marchés à la vente de parties du corps et célèbrent le contrôle individuel de son propre corps. Dans les pays du Sud, ces réformes ont encouragé des individus pauvres et désespérés à risquer leur vie en vendant leurs reins. Le trafic des reins est aussi devenu une affaire juteuse dans laquelle, entre autres, médecins, intermédiaires divers, fonctionnaires peu scrupuleux sont parties prenantes.

Aujourd’hui, tout a un prix. Dans la marchandisation des parties du corps, la demande vient des individus les plus riches de ce monde, tandis que l’offre vient souvent des individus les plus pauvres.

C’est ce qu’illustre la gestation pour autrui à travers laquelle, le plus souvent, le corps des femmes les plus pauvres, généralement du Sud fait l’objet de transaction afin de donner naissance pour des couples généralement riches. C’est aussi ce qu’illustrent le commerce et le trafic des reins. La transplantation des reins est aussi un processus stratifié où, entre autres, la nationalité, la race, le sexe et les inégalités se croisent.

Originellement paru dans ML 190

L’Espagne, 40 ans après Franco

 José Perez

Il y a 40 ans mourait Franco. Aucun démocrate, aucun amoureux de justice, de liberté et de paix ne pleurera le dictateur espagnol, l’ami d’Hitler et de Mussolini.

L’Espagne aujourd’hui ? 40 ans après ? Un pays en mouvement qu’il faut comprendre à la lumière d’une histoire captivante, mais pas toujours reluisante. Raconter la liberté à Madrid c’est raconter cinq cents ans de chaînes avec des Torquemada et des Escrivá de Balaguer à la pelle. Comme si depuis toujours l’histoire du pays se confondait avec le drame et la tragédie de ceux qui se sont battus pour les Lumières. Au-delà de l’idée même de la liberté retrouvée, aujourd’hui l’Espagne souffre d’une autre dictature : celle de la finance. Mais d’abord : feed-back.

L’année 1492 est considérée comme une année charnière dans le récit de l’Histoire de l’Espagne moderne. C’est bien entendu l’année de l’invasion de l’Amérique par tonton Cristobal (Colomb).

Mais c’est aussi en 1492 qu’a lieu l’expulsion des Juifs séfarades d’Espagne. Certains vont contribuer à l’essor financier des Pays-Bas, d’autres deviennent des migrants et s’installent au Maghreb, au Portugal, en Italie, en Grèce, en Turquie, en Syrie… 200.000 Juifs sont expulsés d’Espagne. Plus tard ce seront les morisques (musulmans convertis dont on doute de la conversion d’ailleurs) qui seront expulsés : 300.000 à 400.0000 départs.

Et c’est aussi de cette époque-là que date la coutume d’accrocher des jambons aux plafonds des bistrots et des tavernes : cela voulait dire : « Juifs et Musulmans vous n’êtes pas bienvenus ici ». Les morisques et les marranes. Le concept de pureté de sang dans l’Espagne est mis en place. Eh oui, l’Espagne devient un bastion contre les mahométans, contre les hébreux, contre la réforme luthérienne et favorise donc la création de la délicieuse Inquisition. C’est aussi à ce moment-là qu’est créée la Compagnie de Jésus, l’ordre des Jésuites.

Le siècle d’or commence. L’Espagne devient une puissance politique, économique et militaire : les métaux précieux, les denrées rares ou nouvelles, les épices arrivent par la mer. Les ports d’Anvers, de Cadix et de Séville deviennent des places financières mondiales.

L’inaccessible étoile

Notons  le formidable essor culturel de ce pays à cette époque avec des auteurs comme Cervantès. Que tout le monde connait pour avoir écrit les paroles d’une chanson pour Jacques Brel, L’inaccessible étoile dans Don Quichotte.

L’Espagne est devenue un colosse. Mais aux pieds d’argile car le coût des conflits, guerres et révoltes dans les colonies est exorbitant. Cela coûte cher de maintenir un empire. En plus, les guerres de succession vont intervenir. On passe de la dynastie des Habsbourg à celle des Bourbons (oui oui, celle avec un menton en galoche chez Velázquez) toujours sur le trône aujourd’hui.

Et c’est le déclin. Début 19ème c’est l’épisode napoléonien qui nous vaut les très célèbres tableaux de Goya : le 2 mai et plus encore le 3 mai. Et pendant tout ce 19ème siècle, l’Espagne va perdre petit à petit les pays qui formaient son empire colonial. Alors que les grandes puissances coloniales mettent en place leur domination sur le monde, le vieil empire de Charles Quint, lui, part en lambeaux.

Cette crise va d’autant plus se faire ressentir en Espagne que le pays va rater son rendez-vous avec la révolution industrielle de la vapeur vers 1820-1830 avec le boom du chemin de fer, puis l’évolution technologique, la sidérurgie, l’électrification des villes… tout ce qui permettait à une société à dominante agraire et artisanale de se transformer en une société commerciale et industrielle.

Libertad, Igualdad, Fraternidad

Le 20ème siècle démarre mal. La crise frappe de plein fouet une Espagne décadente qui n’a pas pu ou pas su se résigner à vivre sans son empire colonial. Cette Espagne-là a faim. Cette Espagne-là ne sait pas lire, ne sait pas écrire. Cette Espagne-là est tiraillée entre église et anarchie, entre conservatisme et idées révolutionnaires.

En 1923, cet imbécile d’Alphonse XIII, le grand-père de Juan Carlos, laisse s’installer une dictature aussi bête qu’arrogante, aussi autocratique qu’indigeste. Primo de Rivera force un coup d’Etat et dissout les Cortès.

Cela ne pouvait pas durer évidemment. Les lourds déséquilibres sociaux et régionaux se font de plus en plus criants. Les antagonismes religieux commencent à apparaître. L’église a tout pouvoir dans les villages, dans les campagnes. La soutane n’est pas respectée, elle est crainte. Le curé fait peur. Il a tous les pouvoirs, ou presque. C’est le régime du sabre et du goupillon.

Mais les conneries ne pouvant pas durer éternellement, le roi révoque le dictateur et décide de quitter le pays pour toujours. La République est proclamée le 14 avril 1931 et les élections amènent une majorité de gauche à l’assemblée nationale des Cortes.

C’est ainsi que l’Espagne adopte la devise, Libertad, Igualdad y Fraternidad.

Elle institue la laïcité et déclare la stricte séparation des Églises et de l’État, et son corollaire, les libertés de conscience et de culte, l’introduction du mariage et du divorce civils, une École publique mixte, laïque, obligatoire et gratuite.

Elle instaure le suffrage universel ; le droit de vote pour les femmes ; la protection sociale ; la liberté d’association, qui permet un essor des vies syndicales et associatives, ainsi que la possibilité pour les loges maçonniques d’exister à nouveau ; la mise en place d’un Conseil constitutionnel et d’une réforme agraire. De même qu’elle accorde l’autonomie à certaines régions, Catalogne, Pays Basque, Galice.

Toutefois, les républicains ne réussissent pas à casser réellement la puissance des classes possédantes ultraconservatrices au sein de la société, de l’armée, de la haute administration, de l’appareil monarchique…

Une éclipse de sang, de morts

Mais un groupe de militaires ne se conforme pas à cette situation et provoque un putsch, un coup d’Etat. Au début de cette guerre civile, le poète Garcia Lorca est assassiné. Le rossignol andalou meurt au mois d’août.

Plus tard pendant la guerre ce sera le bombardement de la ville de Guernica par l’aviation allemande et le tableau célèbre peint par Picasso. Franco compte sur l’appui d’Adolph Hitler et de Mussolini. La République, elle, est abandonnée par la France de Blum et par l’Angleterre mais soutenue par Staline. Ce qui sera pire que tout puisque l’intervention de l’URSS va diviser le camp républicain où l’on voit des anarchistes et des communistes s’entretuer alors que le véritable ennemi est en face, c’est le fascisme. De cette guerre fratricide entre factions de gauche viendra la victoire de Franco et les 38 ans de nuit noire qui vont s’abattre sur l’Espagne. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : une éclipse de soleil, une éclipse de sang, un bras noir, de chaînes et de fusils qui s’abattent sur l’Espagne.

À beaucoup d’égards, le national-socialisme allemand et le fascisme italien sont des modèles pour l’État franquiste. C’est dire.

Jusqu’au 20 novembre 1975, le jour de la Saint-Vé. Ce jour-là, au bout d’une longue agonie, Franco, l’ami de Fabiolo et Balduina, le frère de prières de l’Opus Dei se meurt, s’en va. Fous le camp va, on ne te regrettera pas.

La movida

Intervient alors ce que l’on a appelé la « transition démocratique ». L’Espagne s’engage dans une logique de réformes et de rupture avec le passé.

Une amnistie est proclamée pour tous les prisonniers politiques et pour les syndicalistes. Les professeurs d’universités qui avaient été déchus de leur charge retrouvent leurs chaires facultaires. Mais les amphithéâtres protestent encore et les étudiants font une sorte de mai 68 avec dix années de retard. C’est que le coût des minervaux est exorbitant. L’administration est réformée. Les villes, les communes, les provinces dépoussiérées…

Il y a une ombre au tableau. Et pas des moindres ! C’est la crise économique, le deuxième choc pétrolier. La crise économique frappe de plein fouet ce pays dont une des principales ressources est le tourisme. Les touristes voyagent moins, n’utilisent plus leur voiture pour franchir les Pyrénées et les avions sont encore beaucoup trop chers pour le commun des mortels.  L’inflation annuelle frôle les 30%, le chômage frappe durement. Mais la démocratie est encore trop faible : les partis et les syndicats signent une sorte de pacte de non agression.

Le Guernica de Picasso revient en Espagne, à Madrid. La loi sur le divorce est votée.

En 1982, le Parti socialiste remporte très haut la main les élections législatives, avec 10 millions d’électeurs, c’est-à-dire 10 millions d’espérances en des jours nouveaux. Felipe Gonzalez devient le leader charismatique du pays et sera chef du gouvernement pendant 14 ans.

Mais c’est aussi l’époque où l’on voit apparaitre la movida, ce nom donné au mouvement culturel créatif qui a touché l’ensemble de l’Espagne pendant la fin de la période de la transition démocratique espagnole, au début des années 1980. La movida est personnifiée par les figures de la musique, du cinéma, du design, du graphisme ou de la bande dessinée, mais elle se fait aussi sentir dans d’autres aspects de la culture, ainsi que dans les mœurs sociales.

Le réalisateur Pedro Almodóvar ou la comédienne Victoria Abril incarnent l’esprit de la Movida à travers des comédies où s’illustrent la libération des mœurs, la vitalité, la joie et l’exubérance de ces années qui marquent la fin de la dictature.

Une bulle immobilière

Avec l’arrivée d’Aznar au pouvoir, c’est la pratique consumériste qui est mise en avant et la consolidation d’un certain pouvoir d’achat pour certains. Pour les plus riches bien entendu. Les JO de Barcelone, quelques années auparavant ont contribué à cette image d’une Espagne nouvelle tout comme l’Exposition universelle de Séville…

Mais la gangrène économique fait rage. 3 millions de chômeurs maintenant. La corruption refait son apparition, comme dans les plus pures heures du franquisme. La peseta est dévaluée à plusieurs reprises.

Avec Aznar, c’est l’ETA qui devient le principal ennemi du gouvernement. Les terroristes basques s’attaquent parfois à de simples conseillers communaux, des simples fonctionnaires ou de modestes agents de police. Des millions d’Espagnols descendent dans la rue au cri de « Basta ya ! » Cela suffit.

Puis vient Zapatero, porté au pouvoir par l’incapacité d’Aznar à gérer les attentats de Madrid, ceux du 11 mars 2004 qui font 191 victimes et des dizaines de blessés.  40 ans après la mort de Franco, c’est l’imbuvable Rajoy qui est au pouvoir (du moins jusqu’aux élections du 20 décembre 2015) avec le projet notamment de revoir la législation en matière d’IVG. Nous sommes descendus dans la rue, ici à Bruxelles devant l’ambassade d’Espagne ou à Madrid à la Puerta del Sol.

L’Espagne a connu depuis le début des années 2000 une croissance plus forte que le reste de l’Europe, suivie d’une violente récession après 2008.

Le dynamisme économique reposait essentiellement sur la vigueur de la demande interne, stimulée par un fort endettement. L’effet pervers en a été la création d’une bulle immobilière dont l’éclatement (baisse des prix de l’immobilier de 30%, augmentant le risque d’insolvabilité des propriétaires ayant bénéficié de crédits bancaires), conjugué avec la crise de la dette souveraine en zone euro, a plongé le pays dans la récession. Le chômage est passé de 8% à 27% de la population active, la dette publique de 36% à 100% du PIB. Et pour sortir de la crise, le gouvernement espagnol a organisé le sauvetage du secteur bancaire dont la faillite menaçait le pays et l’Europe, pris des mesures de réduction des déficits publics.

Et l’ascension fulgurante des forces d’opposition prônant la fin de l’austérité (Gauche unie, Parti socialiste, les Indignés de Podemos et les centristes de Ciudadanos) montre que «les données macroéconomiques ne se sont pas encore répercutées dans la vie réelle des gens, leur pouvoir d’achat, et l’épargne», estime l’analyste Ernesto Ekaizer. Récemment, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait été le premier à rappeler qu’avec un «taux de chômage de 25%, on peut difficilement dire aux citoyens que la crise est terminée».

Et si la Catalogne est sur le point de prendre son indépendance, il reste à scander avec le juge Garzón et avec des milliers d’enfants ou de proches des victimes du dictateur que le procès du franquisme doit encore avoir lieu.

Un Nuremberg à Madrid.

Vite.

Originellement paru dans ML 189